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le Mercredi 18 mai 2005 0:00 Le 18 mai 2005

Réunion annuelle de l’AVEO ? Une mine d’information pour les viticulteurs

Réunion annuelle de l’AVEO ? Une mine d’information pour les viticulteurs
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C’est près d’une quarantaine de participants des plus enthousiastes qui se sont rencontrés en ce dernier samedi pluvieux d’avril pour discuter culture de la vigne, et élaboration de vins, partager de l’information et en apprendre davantage sur le merveilleux monde de la viticulture.

Démarrée il y a huit ans, l’Association des viticulteurs de l’Est ontariens (AVEO) a su entretenir les passions pour la viticulture. À témoin des progrès réalisés par les membres de l’Association: déjà trois viticulteurs du groupe, partis de zéro, possèdent maintenant les permis, l’expertise et le volume de production nécessaires pour la mise en marché de leurs propres vins. De nombreux autres amateurs disent être rendus à divers stades de développement, de quelques ceps à quelques milliers, de ce que plusieurs ont qualifié de « projet de retraite », même si on retrouve également de « jeunes » couples qui ont eux aussi le goût de se lancer dans l’aventure de la viticulture en climat froid.

Le petit vignoble expérimental qui était censé permettre la quarantaine et l’observation de variétés importées principalement du Minnesota, a été détruit par le broutage intensif des chevreuils, a révélé avec tristesse le président Denis Perrault, lors de son rapport. Il attribue cette perte au manque de main-d’oeuvre et à une défaillance du système de clôture: « Des chevreuils étaient même enfermés à l’intérieur de la clôture, et avaient tout leur temps pour manger les feuilles ». Parmi les plants en quarantaine, il se trouvait quelque 200 pieds de la variété Frontenac, un raisin rouge décrit comme très prometteur par les experts, qui possèderait à la fois d’exceptionnelles qualités ?nologiques et une résistance extrême aux grands froids d’hiver. On n’aurait pas besoin de l’enfouir sous terre (le « butter ») pour lui faire passer l’hiver sous notre climat.

Toujours est-il que l’Association ne s’est pas laissée arrêter par ce petit pépin. Il y a déjà des discussions pour établir un autre site d’observation de variétés importées, mais celui-ci à l’intérieur des limites d’une station de recherche bien surveillée, comme la station d’Agriculture Canada de Frelighsburg. On songe à y faire venir des variétés prometteuses non seulement du Minnesota et du célèbre améliorateur Elmer Swanson, mais aussi d’autres provenant notamment de Kentville en Nouvelle-Écosse.

Visites instructives

Une des façons agréables qu’a trouvé l’AVEO pour s’acquitter de son mandat de propager de l’information et des idées novatrices sur la viticulture sont sans nul doute les voyages qu’elle organise à chaque été pour visiter des vignobles dans d’autres régions. Ça donne l’occasion de discuter avec les propriétaires, avoir des idées nouvelles au contact de l’expérience des autres.. ou se comparer pour s’améliorer. C’est ainsi que les participants ont eu droit au compte-rendu des visites de l’an dernier qui se sont déroulées à l’Ile d’Orléans et dans la région de Québec.

Deux établissements de viticulture (Le Domaine Royarnois et l’Isle de Bacchus) et une cidrerie (la Cidrerie Bilodeau) ont donc reçu la visite d’un groupe de l’Association en août 2004. Le Royarnois est un domaine de quelque 270 acres en bordure du fleuve Saint-Laurent, sur une des terrasses inférieures du cap Tourmente, jouissant ainsi d’un microclimat exceptionnel pour un endroit aussi nordique. On y trouve 15,000 plants de vigne, constitué surtout de cépages blancs tels que le Vandal-Cliche, « créé à Québec et conçu pour résister à ses hivers rigoureux ».

Le groupe de l’AVEO a été ensuite reçu au vignoble Isle de Bacchus, nommé selon l’ancien nom donné à l’Île d’Orléans par Jacques Cartier où poussait déjà en abondance des vignes sauvages au 16e siècle. Le vignoble est situé sur des terrasses à environ 30 mètres du niveau du fleuve Saint-Laurent avec une orientation sud, sud-ouest, ce qui lui confère un microclimat essentiel à la survie des vignes dans un tel climat. Selon les propriétaires, on y enregistrait « aucun gel significatif pour la période s’écoulant de la mi- mai à la mi-octobre, ce qui assure une bonne maturité de la vendange ». Ici également on y cultive des cépages bien adaptés au climat froid, tels que Vandal blanc, Sainte-Croix, Foch, Éona et Michurinetz.

Enfin, la visite s’est terminée au vignoble Le moulin du petit pré, un petit vignoble de 4,5 acres où on produit du des vins de raisin et de fruit. Chose particulière, le sol entre les rangs de vignes est couvert de gazon.

Un « vrai test » de viticulture en climat froid

Alain Brault, un expert reconnu de la vigne au Québec, viticulteur et pépiniériste d’expérience, a vraiment donné son sens à l’expression « viticulture en climat froid ». Il semble en effet que l’hiver 2004 aurait offert des températures minimums records, dans les ‑37° à ‑38°C, de quoi « faire un bon test en conditions extrêmes », de commenter M. Brault.

On parle ici de cultivars qui ne sont pas buttés durant l’hiver, ayant la réputation d’être rustiques. Le cultivar Sabrevois aurait souffert, car la récolte de raisin a été diminuée, tandis que le Frontenac aurait passé haut la main le « test en situation réelle », confirmant sa forte rusticité. D’autres cultivars, tels que le Prairie Star, auraient moins bien résisté et serait repartis des tiges à la base (« cordons bas ») qui étaient heureusement protégées par une couche isolante de neige.

En fait, on commence à comprendre qu’il y aurait différentes façons d’envisager la conduite des vignes. Selon Alain Brault, dans certains sites moins favorisés du point de vue du micro-climat, il serait bénéfique de garder les vignes « hautes », c’est-à-dire jusqu’à 5 pieds de haut. C’est un système plus coûteux à opérer, de souligner M. Brault, mais où les bourgeons auraient plus de chances de survivre les grands froids, car « plus on s’éloigne du sol, moins l’air est froid ».

Dans des cas extrêmes de climat rigoureux, M. Brault croit que le producteur n’a d’autre choix que de garder toutes les vignes près du sol, ce qui compliquera le travail sur les rangs. L’idéal et le moins coûteux serait de garder les vignes à 2 pieds de hauteur, dit-il.

La lutte raisonnée aux ravageurs

Un des aspects le moins bien connu de la culture de la vigne en climat froid, est certainement la lutte aux ravageurs dans ce type de culture relativement « nouvelle » sous des latitudes aussi élevées. Heureusement, le défi de comprendre qui sont les véritables ennemis émergeants de nos vignes et de comprendre la façon dont se font les dommages, a été relevé avec brio par un entomologiste québécois indépendant, du nom de Jacques Lasnier.

M. Lasnier a présenté les principaux ravageurs qu’il a observé durant toutes ces années où il a été appelé à faire du dépistage sur des vignobles du Québec, tout en soulignant leur provenance, les stades critiques du développement de la vigne durant lesquels l’insecte peut réellement faire du dommage et surtout il a suggéré des moyens simples de vérifier leur présence et des moyens chimiques et non-chimiques de les combattre, au besoin.

« Au besoin », car Jacques Lasnier est un ardent défenseur de la lutte intégrée, où le recours à un pesticide ne se fait qu’en dernier recours, et encore en choisissant les produits les moins dommageables pour les insectes bénéfiques et l’environnement.

M. Lasnier a expliqué une technique de dépistage qui permet d’évaluer rapidement la densité des ravageurs, ce qui permet de n’appliquer un traitement que lorsque le ravageur a atteint un niveau de population tel que la récolte ou la vigueur des plants sont menacées.

De la main-d’oeuvre disponible

Carolyne Arcand et Chantal Lavigne, des Moissonneurs, sont venues offrir les services en main-d’oeuvre de personnes avec déficiences intellectuelles qu’elles encadrent dans un programme d’insertion au marché du travail. Sous la direction du chef d’équipe Chantal Lavigne, les travailleurs peuvent s’acquitter de toutes sortes de travaux manuels forts utiles pour la culture des petits fruits, tels que plantation, désherbage, vendanges, etc’

L’originalité de la formule est que cela offre des expériences enrichissantes et valorisantes à des personnes qui ne pourraient pas normalement s’en offrir, et cela à des coûts compétitifs. D’ailleurs, mentionnait Mme Arcand, une partie des revenus est redistribuée aux travailleurs.

Voyage viticole 2005

L’AVEO planifie à nouveau en 2005 un voyage d’exploration d’autres vignobles. Cette année, ce sera le 27 août prochain. On veut en profiter pour visiter le vignoble d’Alain Brault et quelques autres en Montérégie. Si intéressé, on peut contacter le Raymond Huneault: [email protected].