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le Jeudi 6 Décembre 2012 0:00 Volume 30 Numéro 08 Le 5 décembre 2012

Faire de la soie avec une mauvaise herbe ?

Faire de la soie avec une mauvaise herbe ?
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Confectionner des vêtements à partir des fibres d’une mauvaise herbe. Tordue comme idée? Pas pour Protec-Style, une entreprise de Granby qui développe des tissus techniques écologiques et qui a lancé, avec une poignée de collaborateurs, le projet Soie Québec visant à créer et à commercialiser des fils et des feutres faits de fibres d’asclépiade dès 2013.

Plante hôte convoitée par le papillon monarque, l’asclépiade (Asclepias syriaca), aussi communément appelée « petit cochon », est une plante indigène d’Amérique du Nord. Si l’idée d’exploiter la fibre soyeuse du fruit de cette plante pour en faire un fil n’est pas nouvelle, c’est toutefois la première fois que l’on cherche à la concrétiser.

« Agriculture Canada avait fait des tests sur les vertus de la fibre dans les années 1980, mais elle n’avait pas suscité d’intérêt. Le côté écologique du projet Soie Québec permet de valoriser notre produit. De l’extraction de la fibre jusqu’à son tissage, aucun produit chimique ni traitement enzymatique n’est utilisé. Tout se fait mécaniquement par le biais de machinerie spécialisée », explique François Simard, président de Protec-Style.

En jetant leur dévolu sur l’asclépiade, les promoteurs de Soie Québec ont d’abord étudié sa fibre afin d’utiliser un maximum de ses propriétés dans les textiles techniques.

En plus de son aspect soyeux courtisé par l’industrie de la mode, la fibre d’asclépiade est creuse et prend la forme de microtubes d’air capables de bloquer tout échange de chaleur. Un feutre fabriqué à partie de cette plante pourrait être utilisé comme isolant sonore ou thermique.

« Le feutre d’asclépiade est encore plus chaud que les plumes d’oie ou le polar. Son niveau d’isolation s’apparente à celui du duvet d’oie, mais il est beaucoup plus facile à coudre », estime François Simard, instigateur du projet Soie Québec

Autres caractéristiques intéressantes : l’asclépiade est hydrophobe et oliofuge. Lors d’un déversement d’hydrocarbure sur une étendue d’eau, le tissu d’asclépiade pourrait absorber jusqu’à 15 fois son volume en huile, selon ses promoteurs. Elle a d’ailleurs été utilisée pour rembourrer les vestes de sauvetage des soldats américains lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Le projet de semer et de récolter l’asclépiade, une herbe vivace perçue comme une nuisance en agriculture, a fait sourciller quelques producteurs. Mais selon Denis Allard, premier agriculteur à tenter l’expérience sur ses terres, cette culture permettra à plusieurs producteurs de la Mauricie d’améliorer leur qualité de vie.

« Nous n’utilisons pas d’engrais sur nos terres, tout est biologique, ce qui est en soit est bon pour les agriculteurs qui sont les premiers exposés aux produits chimiques. Le grand défi, ce serait de pouvoir répondre aux besoins de l’industrie. Il faut rendre la culture stable et efficace tout en utilisant des terres marginales et accidentées pour ne pas nuire aux cultures alimentaires », précise-t-il.

La première récolte d’asclépiade est prévue pour la fin de l’été 2013. La fibre de la plante, appelée Monark, sera commercialisée quelques mois plus tard par Soie Québec.