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le Mercredi 22 août 2012 0:00 Volume 30 Numéro 01 Le 24 août 2012

Chobani obtient gain de cause

Chobani obtient gain de cause
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Le géant américain du yogourt grec, Chobani, a remporté sa bataille contre Danone Canada et Aliments Ultima. La juge Sandra J. Simpson a accordé à l’entreprise le droit de poursuivre temporairement son importation de yogourt grec fabriqué aux États-Unis afin de tester le marché ontarien.

L’arrivée de la compagnie new-yorkaise sur le marché ontarien en novembre dernier n’avait pas plu à ses concurrents. La permission accordée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avait été contestée en cour fédérale par ses deux grands rivaux. Ceux-ci plaidaient que cette autorisation ne respectait pas le processus de fabrication de ce type de produit au Canada et que le prix du lait américain utilisé dans la fabrication était largement inférieur à celui que l’on retrouve ici. Danone et Ultima affirmaient qu’il s’agissait de la concurrence déloyale.

Devant l’argument des plaignants à l’effet que la demande ne respectait pas le processus de gestion de l’offre, la juge a conclu que la situation temporaire n’allait pas créer de préjudice au système canadien. Elle soutient que l’importation de yogourt provenant des États-Unis n’était que temporaire, jusqu’à ce que l’usine de fabrication soit construite et que cela ne nuirait pas à long terme.

« Les volumes des permis sont moindres que ceux des permis accordés à Danone, les ventes sont limitées à la région du grand Toronto et les importations ne sont possibles que pour 15 mois.», mentionne la juge de la cour fédérale dans son jugement.

Crainte de la concurrence
La venue du numéro un américain du yogourt grec aurait fait craindre à Danone de perdre des parts de marché, soutient la juge Simpson.

En contre interrogation, Danone a admis avoir des plans d’expansion de son usine de Boucherville, au Québec. Vingt et un millions $ des investissements accordés au projet serviront entre autres à acheter des équipements neufs pour la production et l’empaquetage de son yogourt grec, vendu sous le nom d’Oikos.

« Il est clair selon la preuve que les demandeurs étaient inquiets du désavantage compétitif qu’ils pourraient subir en raison des permis accordés à Chobani, mais qu’ils voyaient positivement la perspective de vente de leur propre marque de yogourt grec. »

« Pour nous c’est un enjeu de concurrence loyale. Si Danone est tenu de respecter les règles de la gestion de l’offre, nos concurrents devraient l’être aussi, donc on pense que [la décision] est injustifiée », a répliqué la chef des communications externes chez Danone, Anne-Julie Maltais. Elle soutient que Chobani profite d’un traitement de faveur du gouvernement canadien, d’autant plus que la fabrication du yogourt grec nécessite trois fois plus de lait qu’un yogourt ordinaire. 

Quant à Aliments Ultima, ses dirigeants craignaient possiblement que Chobani puisse faire de l’ombre au lancement de sa nouvelle marque lancée le 20 août dernier. Après avoir investi 70 millions $ dans sa nouvelle gamme complète de yogourt portant le nom iögo, Ultima voudrait bien dominer le marché. D’autant plus qu’un yogourt grec appelé iögo Greko sera bientôt disponible dans les réfrigérateurs des supermarchés.

La compagnie, détenue par les coopératives laitières Agropur et Agrifoods, a investi depuis mai dernier 10 millions $ dans son usine de Granby pour augmenter sa capacité de production.

Aucun représentant de cette compagnie n’a retourné nos appels.

Hausse de la consommation
Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, la participation de Chobani au marché des produits laitiers canadien aura un impact positif sur la demande. D’après les estimations du ministère fédéral, la compagnie ferait augmenter la consommation canadienne de lait de 80 millions de litres sur quatre ans.

Rappelons que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avait accordé deux permis à Chobani. Le premier, d’une durée de trois mois permettait à l’entreprise d’importer du yogourt provenant des États-Unis et le deuxième, d’une durée d’un an, se voulait une prolongation du premier jusqu’en février 2013, soit jusqu’à la construction de l’usine. Dans une entrevue accordée à l’Agricom avant le procès, la porte-parole du ministère, Caitlin Workman, a confié que « ce permis fait partie d’un programme de longue date, qui permet l’accès au marché canadien pour de nouveaux produits ou services ».

 

Les producteurs laitiers de l’Ontario ont promis d’offrir à l’entreprise une quantité de lait si elle acceptait de construire son usine dans la province.

Par ailleurs, la juge a ordonné aux deux opposants de dédommager Chobani pour les frais de cours encourus.