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le Mercredi 21 septembre 2011 0:00 Volume 29 Numéro 03 Le 21 septembre 2011

100 000 oeufs à l’heure

100 000 oeufs à l’heure
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Notre collaborateur André Dumont s’est rendu en Iowa cet été, y découvrir l’agriculture à l’échelle américaine. Il nous raconte aujourd’hui sa visite dans une ferme de plus d’un million de pondeuses.

 


 

C’est à Stuart, à l’ouest de Des Moines, que j’ai pu le mieux apprécier le gigantisme de l’agriculture américaine. J’avais rendez-vous sur l’un des quelque douze sites de Rose Acre Farms, une entreprise « familiale », m’a-t-on assuré.

 

Andrew Kaldenberg, le gérant de la ferme, est aussi le président de l’Iowa Poultry Association. Pour me recevoir, il a invité Kevin Vinchattle, le directeur de l’association, à se joindre à nous. Ils me montreront tout, répondront à toutes mes questions.

 

Le complexe compte 1,3 million de pondeuses, réparties dans six bâtiments. Ce n’est rien. Dans le nord-ouest de l’Iowa, on peut trouver des complexes avicoles avec trois ou quatre millions de pondeuses.

 

L’Iowa est un géant de la production d’œufs. À lui seul, il en produit trois fois plus que le Canada. Si l’Iowa était un pays, il serait le 11e plus important producteur au monde, m’a dit Andrew Kaldenberg.

 

Démesuré, dites-vous? Pour mes hôtes, la production à cette échelle ne pose aucun problème. Le maïs et le soya pour la moulée des poules sont achetés à 50 milles à la ronde. Les producteurs qui souhaitent recevoir du fumier se retrouvent sur une liste d’attente. Seuls les œufs voyagent sur de très longues distances, vers toutes les régions des États-Unis, même l’Alaska.

 

Parlant de fumier, laissez-moi vous décrire l’une des images les plus surréalistes de mon voyage. Nous sommes au rez-de-chaussée du poulailler 5, sous cinq étages de cages. Au sol vis-à-vis chaque rangée de cages se dressent de curieux monticules, telles des termitières, alignant leurs formes irrégulières sur les 595 pieds que fait le bâtiment.  

 

En levant la tête, j’aperçois les pattes des poules du premier étage de cages, qui ont le plaisir le voir leurs excréments tomber d’une quinzaine de pieds. Les fientes des autres poules tombent sur des planches, qui sont raclées avant de tomber d’encore plus haut.

 

Infecte? Pas du tout. D’immenses ventilateurs le long des murs de la fosse aspirent l’air du haut vers le bas du poulailler, séchant le fumier au passage. Pendant douze mois, les termitières croissent, puis la fosse est vidée. Pour ma part, j’en ressors sans odeur imprégnée dans mes vêtements.

 

Andew Kaldenberg m’a aussi fait visiter la salle d’empaquetage. Les œufs arrivent des poulaillers par deux convoyeurs, puis descendent ensemble vers le poste de nettoyage. Après la station de mirage, ils sont calibrés et répartis entre l’une de douze unités qui les mettent dans des cartons, en fonction de leur taille. Capacité : 285 caisses de 360 œufs à l’heure. C’est plus de 100 000 œufs à l’heure!

 

Savez-vous la meilleure? Le complexe de Stuart de Rose Acres Farms a récemment été infiltré! Un activiste des droits des animaux s’y est fait embaucher avec des pièces d’identité qui n’étaient pas les siennes, puis il a filmé de supposés « mauvais traitements ». Andew Kaldenberg m’a tout raconté.

 

Si vous avez des objections à ce que l’agriculture se pratique avec un tel gigantisme, Andrew Kaldenberg vous accueillera à bras ouverts. « Je n’ai rien à cacher, dit-il. Les activistes peuvent venir nous voir n’importe quand! »

 

Go west, young man

En fin d’après-midi, j’ai filé vers l’ouest. Dans les champs avec de fortes pentes, les producteurs ont aménagé d’impressionnantes terrasses, pour endiguer l’érosion et faciliter la culture. Certaines terrasses font à peine douze rangs de large. Imaginez la batteuse s’y faufiler!

 

Rendu près du Nebraska, la circulation est déviée. Équipé d’une bonne carte, je choisis de ne pas suivre les pancartes « Detour ». Une heure plus tard, me voilà seul au monde sur l’autoroute qui longe la rivière Missouri, inondée. De vastes champs sont recouverts d’eau, parfois jusqu’aux deux côtés de la route. Au loin, je vois des fermes dont seuls les bâtiments émergent.

 

En soirée, j’ai compris en regardant la télévision pourquoi j’étais si seul sur cette autoroute. En raison de la crue, elle était fermée, sauf à la circulation locale!