le Jeudi 28 mars 2024
le Lundi 22 février 2021 17:25 Volume 38 Numéro 7 - Le 12 février 2021

Motoneigistes délinquants : les droits de passage sont en péril

Motoneigistes délinquants : les droits de passage sont en péril
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En bonus : Des motoneiges sur ma propriété privée. Que faire?

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Par Roxanne Lormand

L’UCFO et l’UPA amorcent des campagnes de sensibilisation à l’égard des motoneigistes et des terres agricoles.

Faire de la motoneige a toujours été un passe-temps très populaire en Ontario et au Québec. Cette année, on voit même un regain de popularité pour cette activité hivernale. La pandémie et les restrictions de déplacements y sont pour quelque chose, puisque beaucoup de gens se sont retrouvés restreints dans leurs voyages ou leurs déplacements en province.

Toutefois, il semble que depuis un temps, les motoneigistes s’aventurent un peu trop hors des sentiers balisés pour y faire du «hors-piste» sur des terres ou terrains privés qui ne leur appartiennent pas. Le phénomène n’est pas nouveau et plusieurs vous diront que chaque année il y a toujours quelques récalcitrants qui se moquent des règles établies.

Cet hiver, le problème semble encore plus présent qu’à l’accoutumée et on tend à penser que cela pourrait être dû au nombre accru de nouveaux motoneigistes.

Les agriculteurs sont mécontents de ces agissements qui ont de grandes répercussions sur leurs champs. Les droits de passage des clubs de motoneiges sont très fragiles à certains endroits et bon nombre de sentiers en Ontario et au Québec ne tiennent que sur le bon vouloir des producteurs qui cèdent des droits de passage sur leurs terres et des bénévoles qui entretiennent et s’occupent de ces sentiers. Au Québec, c’est 50 % des 33 000 kilomètres de sentiers qui sont situés sur des terres privées appartenant généralement à des producteurs agricoles et forestiers et c’est essentiellement la même chose en Ontario.

Lorsqu’un motoneigiste s’aventure hors du sentier balisé pour aller dans un champ ou un terrain inconnu, il ne sait pas ce qu’il peut rencontrer. Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) a rappelé lors d’un récent avis de convocation de ses membres et des membres de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ), qu’il y a beaucoup de «dangers» en s’aventurant hors des sentiers. «Il peut y avoir des dénivelés, des amas de roches, de l’eau non gelée […],» a expliqué le président de l’UPA. Cela est sans compter les clôtures cachées, les souches d’arbres et les fossés. Pour les agriculteurs, le problème est tout autre. En effet, leurs champs, leurs cultures et les milieux naturels avoisinants peuvent être endommagés et avoir des répercussions économiques importantes.

Les affiches de campagnes de sensibilisation de l’UPA à l’intention des motoneigistes. Gracieuseté UPA.

Il est bon de savoir que les champs enneigés ne sont pas toujours des champs sans cultures. Souvent les agriculteurs vont y semer par exemple du blé d’automne (ou blé d’hiver) ou encore du seigle d’automne après les cultures estivales autour du mois de septembre. Ces cultures se retrouvent donc sous la neige tout l’hiver jusqu’au printemps. La neige leur sert d’isolant. L’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) rappelle que «le passage des motoneiges hors-piste compacte la neige, ce qui endommage les cultures, augmente la mortalité et nuit à la production durant la saison estivale.» En effet, il ne suffit que d’un seul passage de motoneige pour compacter la neige et ainsi rendre vulnérables les végétaux se trouvant sous celle-ci. Ces végétaux pourront subir des «brûlures» en gelant et ne repousseront pas au printemps. Le froid et la gelée peuvent se rendre jusqu’aux racines des plantes lorsque la neige est plus compactée. Les champs de fourrages qui comprennent la luzerne pour faire le foin des animaux sont aussi très sensibles et dépendent d’une bonne couverture de neige pour assurer la survie de la plante. Même chose pour des champs de fraises ou des bleuetières : si les plantes gèlent, la production de l’année suivante peut être catastrophique et ceci peut engendrer de grandes pertes de revenus pour les producteurs.

Cette année, dans certaines régions, le problème est important, car plusieurs zones du Québec et de l’Ontario n’ont pas reçu de grandes quantités de neige encore, ce qui augmente la précarité des cultures.

Le lien entre les motoneigistes et les agriculteurs est important pour l’économie rurale comme le souligne l’UCFO dans son récent communiqué. La confiance entre motoneigistes et agriculteurs doit être maintenue. Les motoneigistes contrevenants doivent respecter les règles et les sentiers balisés puisque toute la communauté de motoneigistes pourrait souffrir de ces inconduites et perdre plusieurs droits de passage et de nombreux kilomètres de sentiers pour pratiquer leur passe-temps.

Des motoneiges sur ma propriété privée. Que faire?

Photo Spencer Davis, Unsplash

Roxanne Lormand

Parfois, certains motoneigistes s’aventurent hors des sentiers balisés sans autorisation. Bien que cela puisse être une manœuvre très dangereuse pour les conducteurs de motoneige en raison de l’inconnu sous la neige, les propriétaires de terrains privés ne sont pas toujours d’accord en raison des conséquences plus importantes encore sur leurs terres agricoles et leurs boisés par exemple. Que faire si des intrusions surviennent sur votre terrain? Voici quelques conseils.

Tout d’abord, un motoneigiste qui entre sur un terrain privé sans l’autorisation du propriétaire est assujetti en Ontario à la Loi sur l’entrée sans autorisation (Trespass to Property Act). Selon cette loi, l’entrée sans autorisation est une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $. La personne est coupable si elle entre sur des lieux sans la permission expresse de l’occupant, une permission dont la preuve incombe au défendeur, ou bien si elle entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi.

Il peut toutefois être difficile pour le propriétaire de «pourchasser» ou de trouver le motoneigiste qui passera sur sa terre à n’importe quelle heure du jour. Souvent, on ne voit que le méfait accompli sans voir les contrevenants.

Des moyens physiques et visibles sont donc à essayer de privilégier avant d’entrer dans de grandes poursuites judiciaires. Il peut être une bonne idée d’en parler au club de motoneige de votre région surtout si le sentier du club passe sur vos terres ou près de ces dernières. Le club pourrait augmenter la signalisation si jamais elle n’est pas assez claire pour définir le sentier de passage des motoneiges. De votre côté, vous pouvez aussi ajouter des affiches de signalisation qui indique «propriété privée interdiction de passer» aux entrées de vos champs par exemple ou de votre boisé. Ces avis doivent être visibles dans les conditions claires de la journée et apparent de tous les points d’accès possibles d’un chemin ou d’une zone pouvant être considérée comme une entrée par des étrangers. Un cercle plein de couleur rouge (accès interdit) ou jaune (pour des restrictions) d’un diamètre minimum de 10 cm peut aussi être utilisé pour interdire l’accès et signaler que le terrain est privé. Informez-vous auprès de vos unions et fédérations de producteurs et cultivateurs agricoles qui peuvent parfois vous fournir de telles affiches.

Finalement, si les affiches ne suffisent pas, on peut aussi installer des barrières physiques visibles et avertir de la nouvelle présence de celles-ci. On pourrait par exemple, installer une clôture à neige temporaire pour bloquer les entrées empruntées sans autorisation. Ceci étant dit, gardez toujours en tête que la sécurité de tous est importante, autant pour les agriculteurs que les motoneigistes.

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