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le Vendredi 1 juin 2012 0:00 Volume 29 Numéro 19 Le 1er juin 2012

Climat: les extrêmes seront la normale

Climat: les extrêmes seront la normale
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Après des années passées à recommander la prudence face à toute tentative d’associer les événements météorologiques extrêmes au réchauffement climatique, les climatologues semblent traverser de l’autre côté du miroir: ces événements, disent-ils, s’accumulent en trop grand nombre pour être ignorés.

The IPCC Special report on managing the risks of extreme events and disasters to advance climate change adaptation. Le résumé pour les décideurs est en fait disponible depuis novembre. Le rapport complet a été publié le 28 mars.

Un rapport du GIEC (Groupe des Nations Unies sur les changements climatiques) sur les événements extrèmes du futur, paru la semaine dernière, n’a été que la dernière salve d’un mois de mars chargé : le 25, dans la revue Nature Climate Change, les climatologues Dim Coumou et Stefan Rahmstorf analysaient les statistiques des événements extrêmes des 10 dernières années, et y trouvaient matière à inquiétude.

Et du 26 au 29 mars, dans le cadre du congrès international fort médiatisé Planet Under Pressure, à Londres, des experts de plusieurs pays y sont allés de leurs avertissements : est-ce que « l’accélération de l’impact humain » ne deviendrait pas hors de contrôle?

Le document du GIEC s’aventure pour sa part dans la jungle des prévisions. Sans pointer d’événement ou de région géographique en particulier, il en appelle à une révision de notre façon de voir nos propres événements extrêmes, dans nos régions respectives : une canicule ou une pluie torrentielle susceptible de ne se produire qu’une fois tous les 20 ans devrait désormais être vue comme susceptible de se produire tous les 5 à 10 ans.

Le rapport de 592 pages, auquel ont contribué 220 auteurs dans 62 pays, se veut une synthèse des connaissances accumulées ces dernières années sur ces événements dits « extrêmes ».

Quels extrêmes?

C’est à peu près depuis 2003 que les climatologues essaient de dégager des tendances au milieu de ces « extrêmes » qui surgissent aux quatre coins du monde —en gros, depuis la canicule de l’été 2003 en Europe de l’ouest, qui avait fait des centaines de mort. Mais il n’est pas facile de dégager des tendances à partir d’événements qui sont, par définition… extrêmes.

On sait par exemple qu’une température plus chaude produit plus d’évaporation au-dessus des océans, donc plus de précipitations au-dessus des régions côtières. Mais où et en quelle quantité? Ailleurs, davantage de canicules et davantage de records de chaleur, à l’image de ceux du mois de mars en Amérique du nord, semblent une conséquence logique d’un réchauffement planétaire. Mais à quel rythme?

Pour répondre à ces questions, il faut tenter de décoder des tendances dans l’histoire récente, et c’est également le sens du travail de Dim Coumou et Stefan Rahmstorf : ils ont analysé les événements « anormaux » de la dernière décennie, comme la canicule de 2010 en Russie, les inondations la même année au Pakistan ou le printemps le plus pluvieux en deux siècles en Angleterre, en 2007.

Mais l’important n’est pas tant d’aboutir à des prévisions que de tenter de redéfinir les risques. Parce que davantage d’inondations ou de canicules signifient des factures plus élevées —dommages à la propriété et frais d’hôpitaux— et il n’est pas un seul gouvernement qui ne souhaiterait pas réduire ses factures. Tout en se demandant si les changements que nous croyons distinguer ne sont que l’avant-garde de quelque chose de plus grave encore.