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le Vendredi 17 Décembre 2004 0:00 Le 16 décembre 2004

La bourrellerie, un métier aux effluves d’antan Jean-Denis Campeau, cordonnier pour chevaux

La bourrellerie, un métier aux effluves d’antan Jean-Denis Campeau, cordonnier pour chevaux
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Jean-Denis Campeau répare et fabrique des attelages pour chevaux dans sa boutique de North Lancaster. Ce faisant, il a pris la relève de M. Barratt qui était fort connu à Pakenham. Photo C.Quirion.

À peine la porte franchie, on se laisse envahir par la douce odeur de cuir qui règne dans l’atelier de Jean-Denis Campeau. Depuis un an, le hangar à deux pas de la maison familiale a changé de vocation. Après plusieurs travaux d’aménagement, c’est aujourd’hui une boutique atelier comme il en existe peu, spécialisée dans la réparation et la confection d’attelage pour chevaux. On la trouve sous l’enseigne Harnais JD.

Située à North Lancaster, elle est probablement la seule à plusieurs kilomètres à la ronde à offrir ce service, croit M. Campeau. Autrefois, on s’adressait à M. Barratt de Pakenham qui pendant 25 ans, y a tenu boutique. Il est aujourd’hui retraité et M. Campeau en achetant l’ensemble de son équipement a pris la relève.

Depuis quatorze ans, Jean-Denis Campeau et son épouse Linda possèdent des chevaux. Anciens producteurs laitiers, ils ont toujours eu cette passion chevaline pour meubler leur temps de loisirs et aussi pour les aider dans certaines tâches comme pour ramener le bois de chauffage. Le couple s’adonne régulièrement à de belles randonnées en carriole et se rend jusqu’à Ste-Justine au Québec pour sillonner les pistes en compagnie d’amis. Jean-Denis Campeau fabrique lui-même ses voitures et c’est justement parce qu’il est très habile de ses mains, rapporte son épouse, qu’il en est venu à réparer ses attelages.

Il y a quelques années, M. Campeau confiait à une amie qu’il aimait beaucoup travailler le cuir et que c’est possiblement un métier qu’il aurait aimé exercer. Sur l’entrefaite, elle lui montre une petite annonce où M. Barratt vient justement de mettre en vente tout son équipement. L’idée reste là et quelqu’un d’autre se porte acquéreur. Un an plus tard, Jean-Denis Campeau dira: « J’aurais dû acheter ». Quelque chose en lui sommeille comme un regret, une occasion manquée.

Était-ce sa destinée? Il est porté à croire que oui, puisque finalement, la transaction amorcée avorta pour cause de maladie et tout l’équipement fut remis en vente. Cette fois-ci, Jean-Denis Campeau était prêt. Cela fait maintenant un an qu’il exerce cet art que l’on nomme la bourrellerie et il a déjà à son actif la vente de trois attelages dont une de sa conception et deux commandes, en plus de nombreuses réparations. Pour l’instant cela meuble la grande partie de ses temps libres puisqu’il est encore producteur de grandes cultures. Il compte avec le temps, délaisser l’agriculture au profit de la cordonnerie.

Avait-il suivi une quelconque formation dans le domaine? Non. Son épouse croit que c’est inné chez lui. « Il a un talent certain », dit-elle. À en juger par les photographies d’attelages en démonstration dans la boutique, il est difficile d’en douter. Certaines très clinquantes sont magnifiques pour la parade alors que d’autres, très sobres offrent autant d’attraits par la pureté de leurs lignes et certains alliages de couleur audacieux mais très réussis.

M. Campeau semble être aussi fin concepteur qu’artisan. Depuis ses débuts, M. Barratt s’est rendu à l’atelier quatre ou cinq fois pour l’aider à perfectionner sa technique et pour lui transmettre ses connaissances. Linda Campeau s’implique aussi et effectue certains travaux de couture et la pose d’ornements.

S’il est vrai que cela sent le cuir, c’est que M. Campeau engarde pour confectionner certaines pièces mais en général, il se sert de matériaux synthétiques comme le granite et le nylon. Ceux ci sont moins dispendieux tout en étant aussi résistants, ils ne subissent pas les avaries dues à l’humidité et ils exigent beaucoup moins de temps pour la fabrication. Par ailleurs, le granite est une réplique très convaincante et pour peu on jurerait que c’est du cuir. Cependant chez Jean-Denis Campeau le client est maître et il choisit le style et les matériaux de son choix.

C’est d’ailleurs ce service sur mesure qui le distingue du principal fabricant d’attelage de la province, la communauté amish de Waterloo en Ontario. Là-bas plusieurs personnes en font le métier, c’est presque une industrie. C’est d’ailleurs auprès d’eux que Jean-Denis Campeau commande la majorité de ses matériaux. « Question de prix affirme M. Campeau, je ne peux pas être compétitif avec les amish, nous n’avons pas du tout le même volume de production. Cependant, j’offre la confection sur mesure, une finition plus peaufinée et les attelages sont montés lors de la vente ».

Le couple s’est d’ailleurs rendu à Waterloo pour visiter cette communauté. « Une très belle expérience, disent-ils. Ce sont des gens très gentils ». Ils ont aussi observé que d’une communauté amish à une autre les m’urs varient. Ils l’ont constaté en Ohio aux États-Unis. Le choc culturel y a été plus grand mais l’hospitalité tout aussi hors pair.

De retour chez eux, ils ont trouvé leur boutique bien petite en comparaison de celle des amish. Cependant, il ne l’apprécie pas moins pour autant. Avec ses nombreux instruments traditionnels qui meublent la pièce ainsi qu’une panoplie d’accessoires suspendus ici et là, la boutique offre un coup d’?il réjouissant. Les clients y viennent pour la réparation et la confection mais aussi parce qu’ils y trouvent une belle gamme de produits tant pour l’attelage de travail que pour l’attelage fin en passant par les colliers d’attelage, les mords, les grelots de toutes tailles et les cloches aux formes variées. On y trouve aussi certaines pièces pour le tir et le labour. Enfin, à peu près tout ce qui a trait à l’attelage s’y retrouve ou peut être commandé. Même des motocyclistes s’y rendent pour faire enjoliver leurs sacoches.

Ainsi il y a un an, Jean-Denis Campeau ouvrait sa boutique. Une bonne décision parce que, une fois la porte franchie, on aperçoit un homme heureux.