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le Mercredi 16 avril 2003 0:00 Le 16 avril 2003

L’agroforesterie au service de la protection des eaux

L’agroforesterie au service de la protection des eaux
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Coexistence de la culture des arbres à bois-d’oeuvre, des cultures et des animaux d’élevage sur la ferme des Banbury. Photo courtoisie OSCIA.

Nichée dans les collines ondulantes à l’ouest de Brighton, à cheval sur les cantons de Brighton et Cramahe, l’entreprise diversifiée de Joe Banbury innove: on y cultive des arbres, c’est-à-dire qu’on s’y adonne à l’agroforesterie. Et ce faisant, l’entreprise bénéficie de multiples retombées profitables.

La ferme Banbury est un des vingt-cinq projets de démonstration à travers l’Ontario qui font la promotion des pratiques optimales de gestion (POG) pour protéger les ressources en eaux de surface et souterraines, améliorer la santé des sols et réduire les gaz à effet de serre.

Vers la fin de 2001, l’Ontario Cattlemen’s Association (OCA) et l’Agence ontarienne de commercialisation des ovins (OSMA, en anglais) ont aidé financièrement certains producteurs pour réaliser ces projets. Les fonds sont venus de l’Initiative de gestion agroenvironnementale d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, par l’intermédiaire du Conseil de l’adaptation agricole de l’Ontario et de la Coalition agroenvironnementale de l’Ontario. L’Association pour l’amélioration des sols et récoltes de l’Ontario assure la prestation de ce programme par le biais de l’OCA et de l’OSMA.

Le projet de démonstration de Joe Banbury illustre les trois objectifs du programme. Le contrôle des eaux de pluie déversées par les toits de grange, et l’amélioration de l’eau destinée aux troupeaux, aident à protéger les eaux de surface et les eaux souterraines. L’entreprise suit déjà des pratiques d’amélioration de la santé des sols, et la culture des arbres aide à réduire les gaz à effet de serre.

Les arbres aident à réduire les gaz à effet de serre (GES), dont les plus préoccupants: l’oxyde nitreux, le méthane et le gaz carbonique. Bien que les GES soient nécessaires à la vie sur terre, une augmentation excessive des niveaux de GES peut conduire à un réchauffement de la planète. Les plantes et les arbres aident à contrôler le niveau de gaz carbonique dans l’atmosphère grâce au procédé de photosynthèse, en transformant le carbone en fibre dans les plantes. Ce procédé s’appelle la « séquestration du carbone ».

« Culture d’arbres » à la ferme Banbury

Faire pousser des arbres, donc emprisonner le carbone, est une pratique de gestion efficace pour réduire les gaz à effet de serre. Brise-vent, plantation de protection et bande-tampon riveraine en sont des exemples familiers. Joe Banbury est allé une étape plus loin en plantant des arbres en rangées pour les récolter et faire pacager entre les rangées. En plus d’être un bienfait pour l’environnement, les arbres constituent une récolte qui offre un bon rendement économique.

« C’est un vieil ami de la famille, mon mentor Andrew Dixon, qui m’a donné l’idée de planter des arbres », dit Joe Banbury. « Andrew a capté l’attention des chercheurs et des propriétaires fonciers en les sensibilisant au potentiel de l’agroforesterie en Ontario. »

Prévoyant une pénurie de bois dur de qualité dans l’avenir, Dixon a rédigé un livre, ?How Best to Grow Veneer Quality Lumber?, publié récemment par le Conseil de l’intendance environnementale de Northumberland. Il y développe une idée fort simple: « Si vous plantez des arbres dans un sol fertile et leur donnez de l’espace pour croître, ils pousseront beaucoup plus vite que dans des conditions naturelles ».

Joe Banbury a lancé son projet agroforestier en 1989 par une plantation de 20 acres de noyer noir destiné à la production de bois-d’oeuvre. « Utilisant l’approche de Dixon, nous avons planté des noyers, distancés en 30 pieds, en rangées espacées de 50 pieds », dit-il. « Nous cultivons l’espace entre les arbres avec du maïs et du foin pour le pâturage d’hiver. Des clôtures électriques protègent les arbres. Une fois les arbres bien établis, notre tâche principale consiste à émonder les branches les plus basses afin de favoriser la pousse de la tige centrale ».

Noyers japonais pour la production de noix

Ce printemps, dans le cadre de son projet de démonstration, Joe Banbury ajoutera d’autres allées d’arbres, y plantant des noyers japonais sur 3,75 acres de plus pour y récolter des noix et diversifier davantage sa production. Joe affirme que « le Canada importe presque toutes ses noix alors que son climat lui permet d’en produire plusieurs variétés ». Le maïs à pâturer poussera dans les allées de 50 pieds de large jusqu’à ce que les noyers puissent soutenir la concurrence du foin ou du pâturage.

Le noyer japonais, Juglans ailantifolia var. cordiformis, originaire du Japon, est un membre de la famille des Juglandacées. Il est adapté à la zone 6 des régions fruitières des Grands Lacs. (Joe en a déjà dans sa cour avant.) Les noyers préfèrent les sols sableux et les loams argileux fertiles et bien drainés, présentant un pH de 6 à 7, des sols semblables à ceux dans lesquels poussent, à l’état sauvage, le noyer noir et le noyer cendré. Le noyer japonais atteint 15 mètres de hauteur avec un étalement de 20 à 30 mètres et il croît de 50 à 100 centimètres et plus par année. Ces arbres vivent vieux et donnent entre une et trois tonnes de noix à l’acre à chaque année.

Contrôle des eaux de pluie

Le système de contrôle des eaux de pluie déversées par le toit de grange de Joe consiste en des gouttières qui acheminent l’eau dans un drain souterrain menant à un fossé en bordure du chemin. L’eau débouche dans un étang plus loin à l’est de la propriété. Auparavant, ces eaux de pluie transformaient la cour de grange en une mer de boue.

L’étang derrière la grange est devenu une bien meilleure source d’eau pour le bétail, près du pâturage. Une fois l’étang approfondi et clôturé, une pile solaire pompera l’eau dans un réservoir à l’extérieur de la zone clôturée. Une zone tampon de végétation naturelle entoure l’étang et aide à protéger la qualité de l’eau, tout en contribuant à la séquestration du carbone.

Joe Banbury s’implique dans plusieurs organismes agricoles et d’intendance, dont l’OCA (il siégait au c.a. provincial), la Fédération de l’agriculture de Northumberland, le Brighton Agricultural Advisory Committee, et plus récemment à titre de président du Conseil de l’intendance environnementale de Northumberland.

Joe applique ce qu’il prêche. Le sol arable de sa ferme est un loam sableux Dundonald, sensible au vent et à l’érosion éolienne. Il pratique donc le semis sans travail du sol pour établir le foin et ses pâturages. Les 20 acres de pâturage qu’il a ensemencés en 1989 sont pacagés en rotation, et il prévoit ne plus jamais les labourer. Il renouvèle le foin en ensemençant à la volée de la luzerne et du brome, sans plante-abri, après avoir détruit la végétation existante avec du glyphosate.

Son troupeau se compose de 25 à 30 vaches de race Shorthorn, dont il vend les veaux. Ses 110 acres lui suffisent à nourrir les vaches. En plus de produire son propre foin, il gère 25 acres de bois dur pour y produire du sirop d’érable et plus de 50 acres encore plus humides pour y prélever du bois-d’oeuvre. Il vend localement du bois de foyer, des asperges, des bleuets, des framboises et des ?ufs de son petit poulailler.

La diversité, l’innovation et l’ingéniosité sont au centre de la philosophie agricole de Joe Banbury. Il a une vision de l’avenir de l’agriculture en Ontario: « Le nombre d’agriculteurs à temps partiel augmentera sans cesse en Ontario, tout comme l’agriculture de loisir, l’intendance et la diversification. Les pressions réduiront l’utilisation de pesticides et de produits chimiques, et les grandes cultures commerciales cèderont la place à la production d’une grande variété de récoltes spéciales. Les bovins, les ovins et les caprins deviendront la principale production sur les plus petites parcelles, et on s’intéressera davantage aux activités complémentaires qui permettent d’accroître les revenus. »

Traduction gracieuseté de l’Association pour l’amélioration des sols et récoltes de l’Ontario.