le Vendredi 29 mars 2024
le Vendredi 20 avril 2012 0:00 Volume 29 Numéro 16 Le 20 avril 2012

L’Enviropig n’a pas signé son arrêt de mort

L’Enviropig n’a pas signé son arrêt de mort
00:00 00:00

S’il est vu comme une bonne nouvelle par les activistes anti-OGM, l’abandon du programme de recherche sur le porc génétiquement modifié n’est pas un échec en soi pour l’Université de Guelph et Ontario Pork.

Le groupe industriel Ontario Pork a mis fin au financement du programme de recherche sur le porc génétiquement modifié, entamé en 1995, ce qui interrompt surtout l’élevage et la production continue d’animaux vivants sans pour autant mettre en péril le projet de commercialiser l’Enviropig. 

Il n’est pas question de renoncer à une autorisation de commercialisation de l’Enviropig auprès de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, soutient Cecil W. Forsberg, travailleur scientifique principal et professeur émérite de l’Université de Guelph. « Nous avons d’autres informations à leur soumettre. […] Nous croyons que le projet est arrivé à un point où il serait mieux qu’un industriel prenne la relève », mentionne-t-il ajoutant que la fin de la recherche a été prise d’un commun accord entre Ontario Pork, l’Université de Guelph et l’équipe de recherche.

« Nos priorités de recherche ont changé et nous voulons nous pencher sur les avancées possibles en matière de production et de compétitivité, ainsi que sur les tendances de consommation », soutient Mary Jane Quinn, conseillère principale en marketing et communication pour Ontario Pork. « Nous croyons toujours en l’Enviropig. C’est le genre de recherche qu’Ontario Pork a toujours soutenue. Depuis quelque 15 ans, nous y avons investi environ 1,2 million de dollars », précise-t-elle.

Rappelons que le porc Enviropig a été conçu en laboratoire par une équipe de l’Université de Guelph. L’objectif était de créer un porc génétiquement modifié dont les excréments contiendraient moins de phosphates, un élément hautement toxique responsable notamment de la pollution des rivières. Grâce au gène d’une souris, les glandes salivaires de l’Enviropig génèrent l’enzyme phytase, ce qui lui permet de digérer la phytate, une forme de phosphore contenue dans sa nourriture.

Le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB) et Vigilance OGM, une coalition de groupes de citoyens, se sont réjouis de l’abandon de la recherche active sur ce premier animal transgénique écologique.

Le responsable des communications de l’Union des consommateurs, Charles Tanguay, qualifie de « non-sens » la production de porcs dont les excréments sont moins polluants plutôt que d’adopter des mesures de production plus respectueuses de l’environnement afin obtenir les mêmes résultats.

La présidente de Vigilance OGM, Christine Gingras, abonde dans le même sens. « L’alimentation par phases, en nourrissant l’animal selon sa phase de croissance; l’ajout de phytase à la moulée et une meilleure répartition des troupeaux de porcs selon l’espace pourraient apporter une réduction de coûts de production et contribuer à abaisser les excrétions de phosphore dans le fumier », signale-t-elle.

Selon Mme Quinn, la pression publique n’a rien à voir avec la décision d’Ontario Pork. « La population ne comprend pas qu’il n’y a pas de changements concernant la viande de porc. Elle ne contient que le gène leur permettant de mieux digérer les céréales et les herbes ingérées. Ça n’affecte pas la qualité de la viande. Nous souhaitons toujours que l’Enviropig se retrouve sur le marché », assure-t-elle. M. Forsberg est du même avis. Il soutient que s’il avait eu qu’une seule raison de croire qu’il n’était pas souhaitable de manger ce porc transgénique, il aurait cessé de travailler sur ce projet.

Il rappelle qu’Environnement Canada a approuvé, en février 2010, la reproduction et l’exportation de l’Enviropig. « Pour l’instant, il n’y a pas d’intérêt au Canada pour développer commercialement ces porcs, mais peut-être un peu aux États-Unis », fait-il savoir.