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le Jeudi 21 avril 2005 0:00 Le 21 avril 2005

La contamination sournoise par des semences OGM se répand

La contamination sournoise par des semences OGM se répand
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Des analyses réalisées sur des semences de riz commercialisées en Chine ont détecté la présence de riz transgénique non autorisé, a révélé Greenpeace Chine, en avril dernier. Or, le gouvernement chinois n’aurait jamais autorisé la culture ou l’importation de riz transgénique.

La chaîne alimentaire du riz en Chine serait déjà plus contaminée que l’on prévoyait, car semble-t-il, des chercheurs de Greenpeace ont découvert que des semences transgéniques sont vendues et cultivées illégalement dans la province chinoise de Hubei depuis 2 ans. Selon l’organisme international qui s’est fait une mission de combattre l’introduction de cultures OGM, des échantillons de riz génétiquement modifié ont été récupérés auprès de revendeurs de semences, de paysans et de meuniers. Les analyses effectuées par le laboratoire international Genescan ont montré la présence d’ADN transgénique dans 19 échantillons.

Selon le Docteur Janet Cotter, conseillère scientifique de Greenpeace International « il s’agit d’un problème grave car certains tests ont révélé la présence de la protéine Bt « Cry1Ac », soupçonnée de provoquer des réactions allergiques chez les consommateurs. À ce jour, aucune étude sur les risques du riz Bt pour la santé humaine n’a été conduite ».

Contamination par la voie de matériels de recherche?

Plus souvent qu’autrement, ces soi-disant contaminations « accidentelles » proviendraient d’échappées de parcelles de recherche et d’essai d’acclimatation de variétés OGM expérimentales.

Revenant à l’exemple découvert en Chine récemment: « [?] cette contamination montre que l’industrie des biotechnologies est incontrôlable et pose la question de la capacité du gouvernement chinois à réglementer le riz OGM. Si le gouvernement n’est pas en mesure de contrôler le riz transgénique encore au stade de la recherche, comment pourra-t-il contrôler les cultures commerciales à grande échelle ? », s’interroge Greenpeace Chine.

Autre exemple de « commercialisation » par accident, aux États-Unis cette fois-ci: Syngenta a avoué publiquement au début de l’année 2005 avoir commercialisé à grande échelle entre 2001 et 2004 un maïs transgénique expérimental aux agriculteurs; ce maïs, le Bt10, a été « par erreur » mélangé avec un maïs Bt11, ce dernier autorisé dans plusieurs pays pour l’alimentation animale et humaine. Cependant, le Bt10, génétiquement semblable au Bt11, qui n’aurait jamais été testé pour ses impacts potentiels sur la santé humaine, contient un gène de résistance à un antibiotique. Il semble aussi qu’une partie de ce maïs a été exportée vers l’Union européenne. Syngenta devra verser une amende de 375 000$ au trésor américain.

Il y a quelques années, le scandale du maïs Starlink, lui aussi illégalement commercialisé en Amérique du Nord, aura coûté 1 milliard de dollars à la multinationale Aventis.

La contamination OGM répandue

En fait, le phénomène insidieux de la contamination n’est pas nouveau, et depuis quelques années il a été observé dans de nombreux pays, même ceux qui n’avaient pas autorisé au préalable l’importation commerciale de semences modifiées sur leur territoire.

Les semences ordinaires des grandes cultures de masse comme le maïs et le soya seraient de plus en plus contaminées par de faibles concentrations de séquences d’ADN provenant de variétés génétiquement modifiées (OGM), révèle un étude de l’Union of Concerned Scientists (UCS) américaine rendue publique l’an dernier.

Sur dix-huit variétés dites « traditionnelles » (réputées non modifiées génétiquement) soumises à l’analyse d’un laboratoire indépendant, la moitié des variétés de maïs et de soya, et toutes les variétés de canola contenaient des traces détectables d’ADN dérivées de plantes transgéniques. Un autre laboratoire en a détecté dans 83% des variétés traditionnelles de ces trois cultures majeures de l’agriculture américaine.

« Notre étude détruit le mythe selon lequel au moins une partie de l’approvisionnement de semences ? les semences traditionnelles en l’occurrence ? serait totalement exempte d’éléments génétiquement modifiés », lance la Dr Margaret Mellon, directrice du programme Aliments et environnement à l’UCS, et coauteure du rapport intitulé « Gone to Seeds: Transgenic contaminants in the traditional seed supply ».

Bien que l’étude soit trop limitée pour estimer avec certitude le degré de contamination de l’ensemble des lots de semences, les auteurs du rapport estiment qu’une graine sur 100 à 200 contiendrait des séquences étrangères de gènes d’OGM, soit un niveau de contamination des variétés « ordinaires » des trois cultures étudiées de l’ordre de 0,5 à 1%.

« Des études plus vastes seraient nécessaires pour déterminer avec plus de confiance le degré de contamination », peut-on lire plus loin dans le rapport.

Néanmoins, l’UCS conclut que « les semences traditionnelles de maïs, de soya et de canola sont contaminées d’une manière « sournoise » par des niveaux encore faibles de séquences d’ADN dérivées de variétés transgéniques ».

Situation inquiétante

Ce qui semble alarmer davantage les scientifiques responsables, c’est qu’en plus des séquences de gènes régulièrement intégrées aux variétés OGM alimentaires ? tels que de la résistance à certains insectes et à certains herbicides ? des gènes provenant de variétés encore expérimentales ou encore destinées à l’industrie pharmaceutique ou biochimique, dont les effets sur la santé humaine sont évidemment inconnus, pourraient venir contaminer involontairement l’approvisionnement en semences traditionnelles.

Et le nombre de « transgènes » potentiellement contaminant, présents dans des végétaux cultivés en dehors des lieux confinés des laboratoires serait déjà grand, indique l’étude des UCS. Toutefois, la présence de ces séquences génétiques industrielles n’a pu être établie, parce que « le matériel nécessaire pour détecter de tels gènes par des tests moléculaires n’est pas disponible publiquement », révèle le rapport.

Les conséquences de la contamination seraient sérieuses, écrit l’UCS. D’abord, avec chaque saison de production, de nouvelles semences peuvent devenir contaminées, quoique les auteurs du rapport ne sont pas certains du mécanisme réel de contamination et ne peuvent spéculer sur l’intensité du transfert de gènes qui est en train de se produire. De plus, les semences une fois contaminées, devraient continuer d’être l’hôte involontaire de transgènes et ce, pratiquement à tout jamais.

En outre, « la contamination transgénique menacerait particulièrement l’avenir de la production biologique, un secteur de plus en plus important aux États-Unis », estime l’UCS. En effet, les règles de l’agriculture biologique interdisent la présence de semences transgéniques et de produits dérivés d’OGM en production certifiée.

Mais c’est la notion même de contamination du patrimoine des semences agricoles qui inquiète l’UCS. Les semences de variétés cultivées représentent la base du système de production agricole, rappellent les scientifiques.

« Si la conviction actuelle de l’innocuité des OGM venait à être démentie, disent-ils, ces semences ordinaires seraient notre seule planche de salut. Laisser sciemment se contaminer les variétés traditionnelles par des transgènes, revient à prendre une « immense » gageure sur notre capacité à comprendre une technologie compliquée qui manipule la vie au niveau le plus élémentaire », avertit l’UCS.

Selon les scientifiques, même des niveaux de contamination aussi faibles que 0,05-1% seraient significatifs, considérant les immenses quantités de semences produites aux États-Unis. Par exemple, utilisant les superficies ensemencées en maïs ordinaire du Département de l’agriculture des É-U pour 2002, plus de 6000 tonnes de graines contaminées par des séquences OGM auraient été produites, soit l’équivalent de 240 grands camions semi-remorques.

Alors que l’on craint que la majeure partie des stocks de semences ordinaires soient désormais irrémédiablement contaminés, les chercheurs pointent du doigt l’échec des méthodes de ségrégation censées garantir la séparation des variétés traditionnelles et transgéniques.

Préoccupations en Europe

Cette situation fait déjà l’objet de préoccupations depuis quelques années de l’autre côté de l’Atlantique, alors que des analyses de semences ordinaires ont révélé des traces mesurables de semences génétiquement modifiées dans un quart des échantillons de semences de maïs importés en France. On sait que l’Union européenne impose des restrictions sévères à l’égard de l’importation d’un grand nombre de séquences d’ADN transgéniques qu’elle ne veut pas voir répandues sur son territoire.

Par exemple, sur 447 échantillons de semences de maïs d’importation, dont 130 en provenance des États-Unis analysés en 2002, 109 échantillons de 5 pays (É-U, Hongrie, Chili, Afrique du Sud, Turquie) ont présenté des traces d’OGM, dont 2 échantillons à un seuil supérieur à 0,5%. Déjà, en 2002, les autorités françaises concluaient que « la production mondiale de semences ne permet pas de garantir d’avoir des semences exemptes d’OGM ».

On peut en apprendre davantage sur la question de la contamination des semences par des transgènes en consultant le site Internet de l’Union of Concerned Scientists (en anglais seulement): www.ucsusa.org/food_and_environment/biotechnology/seed_index.html.