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le Mercredi 21 Décembre 2016 11:28 Volume 34 Numéro 08 Le 02 décembre 2016

Lapinière J & M, quand la qualité est au rendez-vous

Lapinière J & M, quand la qualité est au rendez-vous
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Anciens producteurs laitiers et toujours producteurs de grandes cultures à Embrun dans l’Est ontarien, Jeannette et Michel Dignard sont aussi connus comme étant des précurseurs de la cuniculture de haute génétique en Ontario, soit l’élevage du lapin provenant de lignées françaises performantes.

Ils ont entre autres le mérite d’avoir réussi à faire rouvrir les frontières canadiennes. Le Canada refusait l’importation de sujets depuis 75 ans avant leur intervention.

Dans leur étable laitière convertie, la Lapinière J & M loge environ 300 lapines en production issues de la génétique de la compagnie française, Grimaud et Frères (Société Hyphram) dont ils sont distributeurs au Canada, exception faite du Québec. Des sections sont aussi aménagées pour la progéniture, à raison d’environ 600 lapereaux par mois, dont 90 % sont destinés à l’abattage et 10% pour le marché de la génétique. Incluant les mâles, les nouveau-nés, et les lapins à l’engraissement, on y dénombre environ 2 500 lapins et il arrive que quelques sujets soient vendus comme animal de compagnie.

Une décision bien réfléchie

C’est en effectuant une étude de marché que le couple a réalisé qu’il ne pouvait aspirer à la rentabilité qu’avec cette génétique française.

« Quelqu’un nous avait suggéré l’élevage du lapin. On a fait nos devoirs et on a vu qu’avec la génétique canadienne ce n’était pas payant. En tout cas, pas selon nos recherches », explique Mme Dignard.

En moyenne, la Lapinière J & M compte de huit à neuf bébés par portée comparativement au nombre de quatre à cinq pour la moyenne canadienne, précise l’éleveuse. Aussi, parmi les avantages considérables, le temps d’engraissement est beaucoup plus court.

« Ils sont envoyés à l’abattoir environ 30 jours plus vite parce que leur taux de conversion est plus rapide. Les Français sont beaucoup plus avancés que nous sur le plan génétique  », explique pour sa part M. Digard.

Ainsi, il faut compter 65 jours de la naissance à l’abattage. La Lapinière J & M produit environ 6 000 lapins par année pour la consommation. Leur principal client est un abattoir fédéral qui leur achète leur production. Cette chaire fine est appréciée parce que sa teneur en protéines est élevée par rapport à un taux inversement proportionné de gras et de cholestérol. On la mentionne aussi comme source d’oméga 3 et de vitamines B3 et B 12.

Des battants

À l’époque où Jeannette et Michel Dignard se sont intéressés à la génétique française, l’importation de lapins au Canada était interdite.

« Les frontières du Canada étaient fermées à cause de maladies en Europe », se souvient Mme Dignard. Malgré tout, le couple s’envole vers la France pour rencontrer les gens de Grimaud et Frères. Ces derniers sont reconnus pour leur génétique dans plusieurs élevages. Ce sont eux entre autres qui approvisionnent l’entreprise québécoise Canards du Lac Brome.

« À notre première visite, ils n’ont même pas voulu nous emmener visiter de fermes de lapins parce qu’ils disaient : c’est impossible, les frontières sont fermées. On est revenu et on a fait des recherches à travers le monde », raconte Mme Dignard.

Ainsi, ce couple de l’Est ontarien a compilé les données sur la cuniculture et les normes établies pour l’exportation dans plusieurs pays.

« Les gens ont été très gentils et nous ont beaucoup aidés. On a regardé les critères de chacun des pays et ce n’était pas partout pareil alors ont a dit, on va tous les prendre. Chacun avait leur force », rapporte Mme Dignard.

Ceci fait, M. et Mme Dignard ont soumis le fruit de leurs  recherches à l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

« Le Canada a accepté deux ans et demi plus tard. Je n’ai pas de problème avec ça. Le Canada a des standards de confiance très élevés et c’est bien correct. Pour notre part, on n’y pensait plus », mentionne encore Mme Dignard.

Ainsi, les frontières canadiennes étaient à nouveau ouvertes à l’importation de sujets européens après 75 ans de refus. En décembre 2008, Jeannette et Michel Dignard accueillaient leur premier lot de lapines au nombre de 15. L’année suivante on augmentait à 50, puis 75, enfin 100, 125, 150, 250, et finalement on était rendu à 300 en 2016.

Ces éleveurs ont reçu l’appui de la compagnie Grimaud et frères qui leur a offert du soutien technique pour différents aspects de l’élevage. Leur bâtiment de 9 000 pieds carrés est chauffé et doté d’une ventilation qui assure le confort des animaux. Quant aux cages, elles sont de dimensions supérieures aux normes requises. En fait, aux futures normes devrait-on dire puisque la première chartre canadienne de l’élevage commercial de lapin devrait être lancée en janvier prochain. Michel Dignard fait partie du comité qui a travaillé à l’élaboration de ce document.

Le couple a aussi collaboré à la rédaction de deux guides des meilleures pratiques avec la permission de Grimaud et frères d’utiliser leurs informations.

« Ils nous ont permis d’utiliser leur matériel pour nos présentations. Ils ont pour leurs dires que si les agriculteurs font un bon travail, ça ne peut qu’être bon pour eux », souligne Mme Dignard.

De leurs cinq enfants, Sonia, Véronique, Roseline, Éric et Félix, deux aimeraient prendre la relève de l’élevage et de la ferme de grandes cultures. Roseline qui étudie à l’Institut de formation et recherche agroalimentaire au campus d’Alfred a d’ailleurs pris l’entreprise familiale comme sujet d’étude. Elle travaille à la lapinerie toutes les fins de semaine lorsqu’elle est de retour de l’école. Son plus jeune frère Félix est tout aussi passionné. L’entreprise familiale compte également sur l’aide d’une employée, Danika Lamedeleine qui compte étudier en techniques de soins vétérinaires pour les petits animaux.

« C’est comme un membre de la famille », indique Jeannette Dignard.

Promoteurs des bonnes pratiques, le couple Dignard a monté un cours 4-H pour l’élevage de lapins. Pour leur part, il leur a fallu construire quatre types de cages avant de s’estimer satisfaits. Leur système de suivi pour chaque sujet est manuel, contrairement à la France où tout est informatisé, mais toutes les données pertinentes y sont consignées, ce qui répond à leurs besoins. Ainsi Michel Dignard sait exactement quand il est temps de présenter M. lapin à sa lapine. C’est là aussi une différence avec la France où l’on pratique généralement l’insémination artificielle. Chez les Dignard la méthode de fécondation est naturelle et le lapin récompensé d’une généreuse portion de foin.

L’entreprise compte poursuivre sur sa lancée et augmenter à 20 % la production destinée au marché de la génétique.

« On veut agrandir, mais sans s’endetter », précise Jeannette Dignard en mentionnant que l’entreprise familiale cesse ses opérations dans les petits fruits pour se concentrer dans le lapin. Les plants de bleuets et les ruches qui constituaient une production parallèle sont donc à vendre.