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le Mercredi 20 octobre 2004 0:00 Le 20 octobre 2004

« Nous sommes une race de nobles entêtés »

« Nous sommes une race de nobles entêtés »
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C’était un plaisir redoublé pour mon épouse Hélène et moi que de revoir les Noces d’Antoine et Corine à Saint-Isidore le 9 octobre dernier. Cette 6e et dernière représentation de la pièce de l’UCFO (Union des cultivateurs franco-ontariens) a connu un véritable triomphe.

Le spectacle était organisé en partenariat avec Jean Levac et son équipe des Chevaliers de Colomb de Saint-Isidore, devant une salle comble de près de 500 personnes qui sont reparties enchantées de cette agréable et mémorable soirée.

Déjà au printemps, lors du lancement des fêtes du 75e anniversaire de fondation de l’UCFO, la 1re représentation théâtrale à Embrun avait remporté un vif succès. Et la 2e prestation, devant une église remplie à Sainte-Anne-de-Prescott, venait confirmer sa qualité et son caractère d’exportation. Mais la saison des semailles se pointait et il fallait suspendre cette passionnante activité jusqu’après le gros des récoltes.

Il faut bien comprendre que la plus belle particularité de cette troupe de théâtre spontanément constituée, c’est qu’elle est formée en quasi-totalité de gens qui viennent de la terre. Les trois-quarts vivent encore sur une ferme. Voilà ce qui explique les « vacances » estivales de ces artistes.

La popularité de l’événement ne s’est pas démentie lors de la reprise automnale et, après le succès remporté à Saint-Albert-le-Fromage, il a fallu deux soirées plutôt qu’une à Saint-Pascal. C’était trop bon. Voilà pourquoi une autre représentation a dû s’ajouter à la paroisse du Saint patron des laboureurs.

La pièce s’inscrit en réalité dans la veine de la comédie musicale et allie à plusieurs de nos belles pages historiques un heureux mélange de chansons populaires récentes et de beaux airs de folklore. Les voix sont belles et la musique est bonne. Martin Houle en particulier impressionne dans les deux domaines.

Si l’histoire gravite autour d’une famille venue s’installer auprès des pionniers de Saint-Pascal, elle est jouée aussi dans plusieurs cas par des familles, pionnières elles aussi, dont les Racine et les Séguin, pour ne mentionner que ces deux-là. L’entrain de la famille Racine dans la musique, le chant et la danse sont contagieux. Et je salue ici fièrement mon ancien élève de 13e année, Jean-Marie Séguin, et son épouse Lucie, coauteurs avec Julie Henri de ce scénario qui loge à l’enseigne de la bonne humeur. Ce trio a aussi signé la mise en scène.

Et tout ce beau monde garde les pieds bien sur terre. Personne ne se prend pour quelqu’un d’autre. On s’amuse comme des petits fous, comme larrons en foire selon une autre expression. Le texte est déjà alerte et plein de blagues, mais on se permet d’en remettre, d’improviser. Une hésitation, un petit accroc est aussitôt abrié par un mot d’esprit qui fait les délices du public. Jean-Yves Gaudreau et Louis Racine déclenchent l’hilarité par leurs vives réparties. Et que dire de l’ineffable André Chabot? J’ignore si cet ancien président de l’UCFO a récolté bien des piastres sur sa terre, mais c’est un pince-sans-rire qui aurait pu se démarquer comme humoriste!

Peut-être faudrait-il rappeler cette première page du jeune romancier français Louis Hémon, dans sa célèbre Maria Chapdelaine, où il parle avec étonnement et admiration de ces Canadiens français ruraux qui « appartenaient à une race pétrie d’invincible allégresse et que rien ne peut empêcher de rire. »

Et, qui plus est, au-delà des mots et des chants, ce qui se dégage de toute cette belle réussite, c’est ce sentiment d’appartenance, cette belle atmosphère de culture, ces capsules de fierté, ces injections de vitamines françaises. Peut-être pourrait-on répéter avec le grand Victor Hugo: « J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir. »

Comme pour notre grand spectacle de l’Écho d’un Peuple, on quitte après une telle soirée avec un grand contentement au c’ur. Et je conclus avec la devise de l’ACFO qui a présidé à la naissance de l’UCFO: « Nous sommes, nous serons. » Oui, comme j’ai souvent répété: « Nous sommes une race de nobles entêtés. »

Yves Saint-Denis

président de l’ACFO Ontarie

(Régionale de Prescott et Russell)