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le Vendredi 17 avril 2020 8:59 Volume 37 Numéro 8 - Le 6 mars 2020

Risques associés aux silos-tours et ensilage

Risques associés aux silos-tours et ensilage
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Plusieurs risques sont présents sur la ferme et beaucoup d’éléments entourant les silos peuvent provoquer des incidents et même mener jusqu’à la mort. Le 17 mars dernier, l’Union des producteurs agricoles (UPA) et Les Producteurs de lait du Québec se sont associés afin d’offrir un webinaire dédié aux producteurs désireux de mettre en place de bonnes pratiques et afin d’éviter des incidents entourant leurs silos.

Plusieurs risques atmosphériques sont possibles. L’exposition à une déficience en oxygène ou une exposition à des gaz nocifs produits par l’ensilage est concevable. D’autres risques moins discutés sont également présents tels que l’inhalation de moisissures, la chute lors de l’ascension, l’écrasement ou le happement par le videur ou des risques d’incendies et de feu couvant.

L’ensilage en silo est dangereux en raison du procédé de fermentation qui y survient. La fermentation étant un processus microbiologique, il y a une consommation d’oxygène suivi d’une fermentation anaérobie. Ce processus génère des gaz asphyxiants et toxiques tels que le dioxyde de carbone (CO2) et les oxydes d’azote (NOx) qui comprennent le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2) et ce dès les premières heures d’ajout d’ensilage dans un silo-tour. L’absence d’oxygène ou l’inhalation d’un gaz qui est toxique peut causer une perte de conscience en aussi peu que deux inspirations et même causer la mort.

Le ministère de l’agriculture ontarien explique sur son site web que « le gaz [des oxydes d’ozotes] peut être reconnaissable à son odeur de javellisant […] et apparaitre sous forme de brouillard rougeâtre, mais il n’est pas toujours visible. » Ils sont donc difficilement détectables à l’œil ou l’odorat et les concentrations peuvent aussi varier selon la météo ou les méthodes agricoles. L’exposition au gaz carbonique(CO2) est très dangereuse aussi, car il est sans odeur et sans couleur et réduit la quantité d’oxygène dans l’air.

L’oxygène est essentiel à la vie. Normalement dans l’air sec que nous respirons de tous les jours, le niveau d’oxygène (O2) est à 20,9 %. Si le niveau descend à 17 %, c’est le seuil de danger et l’apparition de premiers symptômes comme le mal de tête. Si le niveau descend à 12 %, il y a une perte de conscience et à 6 % et moins la mort du travailleur en quelques minutes à peine suite à un arrêt respiratoire et un arrêt cardiaque.

Au Québec, de 2006 à 2018, 11 cas ont été rapportés comme des accidents liés aux gaz de silos, dont 3 décès. On soupçonne toutefois que plusieurs cas supplémentaires ne seraient pas déclarés à cause d’une méconnaissance du problème. Des effets immédiats tels que la toux et irritation des yeux et la gorge peuvent apparaitre de même qu’une perte de conscience ou la mort. Les effets peuvent aussi être retardés et apparaitre de 4 à 48 heures après l’exposition. Selon Chantal Bonneau, infirmière et conseillère en soins pour la Montérégie « Le cas classique [d’effets] retardé[s] est 24 ou 48 heures après l’exposition, le producteur ressent un malaise en pleine nuit chez lui et d’autres symptômes pourront apparaitre… » Des effets comme une douleur à la poitrine, une nausée, des difficultés respiratoires, une faiblesse et/ou des maux de tête peuvent s’en suivent.

D’autres symptômes retardés peuvent survenir de 2 à 6 semaines après l’exposition et se présenter sous forme de toux, de difficultés respiratoires, d’infections à répétitions ou sous forme de fièvre. Il faut être attentif aux symptômes habituels tels qu’un rhume qui ne guérit pas. Le travailleur pourrait recevoir le mauvais traitement de la part d’un professionnel de la santé si ce dernier n’est pas mis au courant des activités des semaines précédentes du travailleur agricole. Des effets chroniques non souhaitables pour la vie d’un travailleur peuvent se développer.

La maladie du silo est une intoxication aux oxydes d’azote (NOx). En résumé, les oxydes d’azotes pénètrent dans les poumons et se transforment en acide au contact de l’humidité. C’est donc une atteinte broncho-pulmonaire d’origine chimique qui peut se traduire par un risque d’œdème pulmonaire.

Peu importe que ce soit de l’ensilage de maïs ou de foin, les risques sont les mêmes. Les gaz d’ensilage se forment dès les premières heures après la mise en silo suite au processus de fermentation et peuvent être présents plus de 4 semaines.

«La maladie du silo est une intoxication aux oxydes d’azote (NOx). En résumé, les oxydes d’azotes pénètrent dans les poumons et se transforment en acide au contact de l’humidité. » Photo Archives Agricom Roxanne Lormand

Trois mesures de base sont donc nécessaires : la ventilation, la détection des gaz et le port d’un appareil respiratoire isolant.

Ventilation

Une bonne ventilation est nécessaire afin d’assainir l’air à l’intérieur de la chute et du silo avant l’entrée. La durée dépend du volume à ventiler, du débit, des obstacles et de la configuration du système. Il faut aussi maintenir un apport d’air neuf lorsque des travailleurs se trouvent à l’intérieur. Le courant d’air minimum recommandé est de 0,3m/s.

La ventilation avec un souffleur n’est cependant pas toujours fiable. Pour Michel Lagacé, ingénieur et directeur général chez Silo Supérieur, « la vitesse du souffleur et la force du tracteur font varier le niveau de ventilation et ce n’est pas fiable. » Il souligne aussi qu’« un système de ventilation dédié pour chaque silo serait recommandé. Un ventilateur électrique est plus dispendieux, mais plus facile d’utilisation par la suite. » Dans cette optique, il explique que des entreprises ont déjà commencé à développer un système qui pourra être installé sur des nouveaux silos ou sur des silos existants et qui sera abordable.

Détection des gaz

Durant la montée et avant l’entrée dans un silo il est recommandé de vérifier que l’atmosphère est sûre grâce à un détecteur de gaz. Très peu utilisé par les producteurs encore aujourd’hui, le détecteur de gaz est le seul moyen efficace et certain de vérifier la teneur en oxygène et en gaz nocifs. Le prix peut varier autour de 2500 $ à 3000 $ en moyenne pour l’appareil, mais vaut largement la vie d’un travailleur.

Il ne faut pas oublier de bien calibrer et étalonner son détecteur de gaz et il est donc recommandé de suivre une formation auprès du fournisseur et de respecter les instructions pour un bon fonctionnement.

Également, la détection des gaz se fait habituellement par l’extérieur avec une sonde qu’on descend à la hauteur de l’ensilage. Michel Lagacé a aussi expliqué qu’un système de valves par la chute en bas par la porte est en développement et à venir et permettrait ainsi de détecter le gaz sans ouvrir la porte.

Protection respiratoire

Un appareil respiratoire à adduction d’air ou autonome devrait être porté plus souvent. S’il est absolument nécessaire d’entrer et que la détection des gaz n’indique pas que le milieu est sans danger, mieux vaut se protéger. Également si le temps de ventilation et les changements d’air n’ont pas été suffisants, il faut être prudent.  

Conclusion

L’entrée dans un silo ne s’improvise pas. Les mesures les plus simples restent de ventiler et de détecter les gaz. La santé des producteurs et travailleurs est à risque, que ce ne soit que pour quelques minutes ou plus. Le travail en espace clos dans un silo n’est pas à négliger et tous les moyens de prévention pour assurer la sécurité doivent être pris.