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le Jeudi 19 septembre 2002 0:00 Le 18 septembre 2002

Un comité d’experts se prononce contre l’étiquetage obligatoire des aliments GM

Un comité d’experts se prononce contre l’étiquetage obligatoire des aliments GM
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Nouvelle manche dans le douloureux débat entourant l’étiquetage obligatoire ou non des aliments dits ?GM’, contenant des ingrédients génétiquement modifiés. Un organisme consultatif gouvernemental vient de recommander au gouvernement de ne pas obliger les géants de l’alimentation à révéler si leurs produits contiennent des ingrédients génétiquement modifiés; un étiquetage qui serait volontaire.

En effet, le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB), un groupe conseil gouvernemental formé d’une vingtaine d’experts canadiens des milieux scientifique et du commerce, vient de se prononcer en douce contre l’étiquetage obligatoire des aliments GM. Mais il s’agit là que de la septième des huit recommandations que le comité vient d’adresser dans un volumineux rapport au ministre de l’Industrie et du Commerce du Canada, Allan Rock.

Étiquetage volontaire moins risqué

Tous les membres du Comité, sauf un, sont d’avis que «le Canada devrait commencer par un régime volontaire d’étiquetage des produits GM afin de se laisser le temps de mettre à l’épreuve l’efficience et l’efficacité du régime et de définir une norme internationale acceptée». Et cela même si le membre dissident du Comité, Anne Mitchell, fait remarquer que «la majorité des personnes qui ont réagi au Rapport provisoire du CCCB insistaient pour que le gouvernement adopte un régime obligatoire d’étiquetage des aliments GM».

On craint aussi «les sanctions commerciales si jamais un régime d’étiquetage obligatoire contrevenait à des accords commerciaux», en soulignant qu’il existe déjà un «étiquetage explicite des aliments GM», lorsqu’un risque a été reconnu pour la santé ou pour l’environnement, comme c’est le cas pour les aliments biologiques et les produits casher.

Le Comité a été rebuté par la complexité effarante de la mise en oeuvre et des coûts associés à l’étiquetage obligatoire des aliments GM. «La tâche ne serait pas simple», dit Suzanne Hendricks, nutritionniste-conseil d’Ottawa et membre du CCCB. «Il faudra prévoir de suivre à la trace les produits de la ferme à l’épicerie, il faudra instaurer une ségrégation étanche entre les OGM et les autres végétaux, et il faudra concevoir une méthode chimique fiable qui permettra de reconnaître les produits qui contiennent des OGM», précise Mme Hendricks.

Mieux informer le public

En fait, le comité croit qu’il serait mieux d’étudier davantage les effets à long terme des organismes génétiquement modifiés (OGM) sur la santé et l’environnement, plutôt que de se lancer dans un processus d’étiquetage obligatoire qui risque d’être à la fois onéreux et peu efficace. On rappelle aussi au gouvernement son rôle de coordonnateur de l’information (c’est la première recommandation) et son «devoir légal» de rendre compte et de prendre «un engagement à la transparence» relativement au processus de réglementation des OGM, qui doit être à l’abri des conflits d’intérêts divergents au sein du gouvernement canadien.

Par ailleurs, le CCCB a relevé des lacunes importantes au niveau des communications avec le public et recommande «de renforcer la capacité du système à réglementer les aliments GM plus complexes qui sont maintenant en cours d’élaboration, et à intégrer les percées scientifiques et techniques au fur et à mesure qu’elles adviennent».

Il y aurait de la place pour améliorer la qualité des communications avec les citoyens. Le Comité constate qu’à l’heure actuelle, «le gouvernement n’offre pas de renseignements clairs pour expliquer comment les aliments GM sont réglementés et comment les décisions sont prises; quels sont les rôles des instances de réglementation et les données prises en compte au moment d’évaluer la salubrité des aliments GM».

Des opinions très polarisées

Après avoir effectué des recherches, et mené des consultations auprès de groupes clés d’intervenants et de citoyens, le Comité est d’avis que «les questions entourant les aliments GM sont complexes, et les positions des divers groupes d’intéressés se sont polarisées».

Le CCCB dit avoir rencontré des personnes «convaincues que la biotechnologie moderne a déjà apporté, et continuera d’offrir, des avantages considérables aux agriculteurs comme aux consommateurs», alors que d’autres, les ?opposants’, «sont convaincues que seuls les inventeurs de produits GM en tireront des profits intéressants alors que la population dans son ensemble pourrait se retrouver devant des risques inacceptables menaçant la santé humaine et l’environnement».

Pourtant, le CCCB dit n’avoir trouvé «aucune preuve que les aliments GM approuvés en vertu du système de réglementation actuel fassent courir des risques plus grands pour la santé et l’environnement que les autres produits alimentaires offerts sur le marché».

Utiliser davantage le principe de précaution

Néanmoins, le CCCB recommande fortement d’introduire le principe de précaution dans toutes les étapes du processus d’approbation des organismes génétiquement modifiés. Il suggère même de soumettre les normes actuelles à un examen, «afin de veiller à ce que les activités de recherche-développement soient exécutées selon l’approche de précaution», l’approche de précaution s’étant révélée, à l’échelle nationale et mondiale, «une composante essentielle de bonnes pratiques de réglementation».

En outre, on recommande d’étudier mieux l’effet des OGM sur l’environnement : «Dans le cadre de son approche de précaution, le gouvernement devrait lancer un programme à long terme de recherche sur les OGM et les autres organismes non conventionnels qui font partie de la chaîne alimentaire».

Une nouveauté, le CCCB suggère au ministre Allan Rock d’instaurer un processus de «réévaluation obligatoire des approbations» de produits OGM. La réévaluation pourrait avoir lieu à tous les dix ans, et serait «justifiée par l’examen de renseignements nouveaux fournis par le promoteur ou créateur du produit, par le public ou par des spécialistes de l’extérieur», un peu comme dans le cas des pesticides. Les OGM sont l’objet d’une ré-approbation obligatoire à tous les cinq ans par les autorités fédérales aux États-Unis.

Déception des groupes anti-OGM

Du côté de Greenpeace et du Conseil des Canadiens, on ne s’explique pas la position du Comité consultatif, alors que l’Union européenne, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, partant des mêmes principes de prudence et des mêmes renseignements, exigent tous l’étiquetage obligatoire des aliments GM. On parle d’une contradiction parmi d’autres dont serait truffé le rapport, commentent les organisations opposées à l’usage des OGM en agriculture et en alimentation.

Bien que le CCCB incite le gouvernement à adopter une «approche de précaution», on ne va pas jusqu’à recommander un moratoire sur les OGM, alors «qu’il est absolument essentiel d’examiner tous les risques de ces aliments avant d’en autoriser leur commercialisation», déplore des porte-parole de Greenpeace et du Conseil des Canadiens (CC). «Les Canadiens ne sont pas des rats de laboratoire», s’est indignée Nadège Adams du CC.

Le plus récent rapport du Comité consultatif canadien de la biotechnologie, intitulé ?Améliorer la réglementation des aliments génétiquement modifiés et des autres aliments nouveaux au Canada?, est disponible sur le site Web du Comité en format PDF : www.cbac-cccb.ca/francais/. On peut aussi en obtenir une copie en communiquant au numéro de téléphone sans frais 1-866-748-2222.