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le Mardi 30 juin 2009 0:00 Volume 26 Numéro 21 Le 30 juin 2009

Un presbytère sauvé et une belle fromagerie artisanale!

Un presbytère sauvé et une belle fromagerie artisanale!
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Le presbytère recyclé en fromagerie à Sainte-Élizabeth-de-Warwick dans les Bois-Francs au Québec, est devenu un lieu agrotouristique. Ici un groupe de cyclistes s’arrêtent pour entendre les explications et goûter le fromage. Photo courtoisie.

La conférence de Jean Morin, « Une idylle entre une ferme et un presbytère », a sans doute été un des moments forts de la conférence laitière biologique de cette année, le 2 avril dernier au campus d’Alfred.

Le producteur laitier bio qui s’est doublé récemment du métier de fromager au lait cru, en a fait rigoler plus d’un avec son humour particulier. Il n’a pu s’empêcher de décocher des flèches acérées à l’endroit des ratés de l’inspection alimentaire au Québec, l’été dernier:

« Nous ne sommes pas des terroristes! », a-t-il proclamé haut et fort à quelques reprises.

Il faisait référence aux événements entourant la saisie et la destruction sur-le-champ de milliers de dollars de fromages au lait cru durant une razzia générale et sans pitié durant une fin de semaine à l’été dernier, en marge de la crise de la listériose.

M. Morin opère avec son frère une petite entreprise laitière certifiée bio à Sainte-Élizabeth-de-Warwick dans les Bois-Francs au Québec « exactement à mi-chemin entre boston et Gaspé »…

Un presbytère recyclé en fromagerie artisanale

C’est dans l’esprit d’une stratégie de diversification de l’économie locale que Jean Morin et son frère se sont intéressés à la transformation du lait en fromage sur les lieux de la ferme.

Avec l’aide de bons amis de la ferme Au gré des champs de Saint-Jean-sur-Richelieu, producteurs laitiers et fromagers eux-mêmes, Jean Morin est allé visiter des fromageries artisanales dans la région du Jura français pour rapporter une technique « complètement différente » de faire un fromage, en particulier un bleu.

Au lieu de bâtir un bâtiment neuf tout pour abriter une fromagerie de première classe, l’occasion s’est présentée d’acquérir le presbytère déserté juste en face, d’où le curé était déjà parti, comme l’église, le magasin général, le bureau de poste, etc. dans ce petit village qui avait fort besoin de « vitalisation ».

C’était un achat gagnant-gagnant, explique-t-il, car ce fier monument des temps passés allait continuer à être bien entretenu et même connaître une seconde carrière. Et l’entreprise, de son côté, allait pouvoir acquérir pour un prix modeste des locaux nécessaires avec pignon sur rue.

De plus, les Morin voyait tout le potentiel agrotouristique du coup de génie qu’ils avaient eu. Une fromagerie artisanale bien située sur des circuits de vélo dans vaste plaine adossée aux Appalaches, éloignée des grandes villes bruyantes et polluées. Jean Morin a présenté une diapositive montrant un bon groupe de cyclistes arrêtés aux abords de la grande galerie qui ceinture la Fromagerie du Presbytère, écoutant une présentation qui leur est offerte.

Une fromagerie selon les règles les plus élevées de la salubrité a toutefois dû être construite en annexe au bâtiment, l’été dernier. « Tout ? absolument tout ? l’acier inoxydable, même jusqu’aux vis dans les murs doivent être selon les normes de l’ACIA et justifié par des papiers », mentionne Jean Morin sur un ton léger. La production y a commencé l’automne dernier, et les premiers fromages affinés et gardés au moins deux mois sous haute surveillance, en sortent depuis quelques mois.

À ce sujet, l’entreprise s’astreint à faire une batterie de suivis bactériologiques. Listéria, coliformes, staphylocoque et autres, sont régulièrement testés dans le lait, les fromages et même la saumure qui sert à l’affinage. On ne prend plus de chance avec « l’hystérie », commentera Jean Morin durant sa conférence.

Que du foin sec

Afin de produire le meilleur et le plus savoureux fromage au lait cru, l’alimentation du troupeau a été entièrement convertie au foin sec, pour l’équivalent de 60 000 petites balles par année. Outre la recherche d’une mécanisation plus poussée « pour maintenir l’efficacité de cette opération », dit-il.

À ce sujet, la ferme prendra part à un projet d’étude des effets sur la valeur alimentaire du foin traité au Macérateur, devenant une des fermes collaboratrices du chercheur Robert Berthiaume de la Station fédérale d’Agriculture Canada à Lennoxville. Avec un volume pareil de foin sec à rentrer malgré les aléas de la météo, toutes techniques qui peuvent aider à le rentrer vert, de bonne odeur et « appétent » pour les animaux, sont les bienvenues, commente M. Morin.

Ce n’est pas que l’entreprise de M. Morin vise des sommets de production, mais la qualité de vie des animaux et la qualité des fromages de la ferme en dépendent. « Nos vaches produisent en moyenne 20 litres de lait par jour », avouera-t-il.

« Le problème avec l’ensilage, c’est les butyriques », a expliqué Jean Morin. Et ces substances, qui sont fermentées dans de mauvaises conditions, sont inacceptables dans la fabrication du fromage de haute qualité de la Fromagerie du presbytère.

Il a même eu des doutes, à un moment donné, sur la transition du troupeau qui recevait de l’ensilage. Il dit avoir fait part de ses inquiétudes à la nutritionniste de Valacta. Elle lui aurait rétorqué que quand les vaches auront assez faim, elles ne se laisseraient pas mourir de faim. Elles allaient le manger son foin sec!