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le Mardi 11 novembre 2014 7:00 Volume 32 Numéro 05 Le 24 octobre 2014

Une femme accomplie

Une femme accomplie
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La place de Ginette Quesnel est sur un conseil d’administration; personne ne la convaincra du contraire. L’agricultrice de Moose Creek et nouvellement présidente de la Fromagerie St-Albert vient de se le faire confirmer par l’association des Femmes d’affaires et de développement économique rural qui lui a récemment remis le prix de l’agricultrice de l’année à son gala annuel. Cette distinction la motive à prendre la place qu’elle mérite et encourager les autres femmes à suivre son exemple.

« Sur le coup, je disais voyons donc! Moi, Genette Quesnel, reconnue comme agricultrice de l’année. Je n’ai rien fait ; je n’ai pas sauvé le monde », lance-t-elle en riant.

Mme Quesnel est encore sous le choc. Elle ne s’attendait certainement pas à être honorée par d’autres femmes pour l’ouverture d’esprit dont elle fait preuve en devenant la première femme à occuper le poste de présidente de la Fromagerie St-Albert en 130 ans d’existence, mais aussi en traçant son chemin à travers la majorité masculine du milieu dans lequel elle gravite.

Elle confie avoir toujours eu la certitude que la femme devait sortir de la cuisine et du bureau de la ferme pour s’impliquer et apporter leur touche féminine, leur vision, aux conseils d’administration d’organismes agricoles.

« Les femmes ont souvent l’impression que c’est le mari l’agriculteur et que la ferme appartient à leur mari. Mais si elles n’étaient plus là, le mari n’en aurait plus de ferme », fait-elle observer.

Pourtant, elle a souvent remarqué que tous n’ont pas la même vision qu’elle. Pour preuve, les sièges des conseils d’administration sont majoritairement occupés par des hommes.

« À la fromagerie, des gens approchaient mon mari en lui demandant de venir siéger sur le conseil de la Fromagerie. Ils ne me l’ont jamais proposé parce que Marc était plus actif dans ce milieu-là. Mais moi j’avais le goût de m’impliquer dans un C.A. où je ne siégerais pas en tant que maman », explique Ginette Quesnel.

« C’est le réflexe naturel de demander au mari, alors que ce n’est pas parce que la femme n’est pas au champ qu’elle ne connaît pas la ferme. Je la connais autant que Marc », ajoute-t-elle.

Persuadée qu’elle pouvait apporter quelque chose de positif à la coopérative fromagère, elle s’est engagée à titre de vice-présidente de la coopérative, puis a été élue présidente en mai dernier.

Trop habituée de voir les femmes siéger en tant que secrétaire, elle s’étonne même que le poste ne lui ait jamais été proposé. Et ce n’est pas elle qui s’en plaint; elle est même honorée qu’on lui ait plutôt offert la chance d’être présidente. « Ma première réaction était de leur dire qu’ils étaient tombés sur la tête », mais l’idée a fait son chemin et elle a foncé droit devant.

Depuis, elle a incroyablement gagné en assurance et a gagné la confiance de tout son conseil d’administration.

« Je ne me fais pas enterrer par les hommes. Quand on fait le tour de table, ils ne passent pas mon tour. Ils me demandent ce que j’en pense. J’ai toujours compté autant que les autres », soutient la présidente.

« Je ne vois pas les femmes et les hommes différemment.

Si Ginette se fait respecter dans l’industrie agricole et coopérative, elle réalise cependant que d’autres n’ont pas cette chance. « Je parle avec des femmes qui sont sur d’autres bureaux de direction et certaines retournent chez elles en pleurant, se désole Mme Quesnel. Moi je ne reviendrais pas chez nous en braillant plus d’une fois, je resterais chez nous. S’ils ne sont pas assez intelligents pour se rendre compte que j’ai une tête… »

Quant à elle, elle a du plaisir à faire ce qu’elle fait et elle espère qu’un jour les femmes n’auront plus à se battre pour montrer qu’elles ont l’étoffe de dirigeantes.

« Je réalise que j’ai fait du chemin et que j’ai peut-être ouvert des portes », conclut la récipiendaire du prix d’agricultrice de l’année.