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le Vendredi 21 mai 2004 0:00 Le 19 mai 2004

Une porcherie biologique à Lamorandière, Abitibi

Une porcherie biologique à Lamorandière, Abitibi
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Paul Bernier a fait beaucoup de chemin avant de devenir producteur de porcs biologiques. Photo courtoisie.

Christine Rieux a eu l’opportunité de se joindre à une mission de prospection’ un voyage d’étude sur l’entrepreneuriat agricole en Abitibi-Témicamingue en avril dernier. Il s’agissait de la dernière activité du projet de diversification agricole de Ste-Anne-de-Prescott pour la saison 2003-2004, rendue possible grâce à une contribution financière du Regroupement pour le développement économique et l’employabilité (RDÉE).

Après avoir frayé notre chemin sur plusieurs kilomètres de route allant de Ste-Anne-de-Prescott jusqu’au village de Lamorandière, nous avons été accueillis chaleureusement dans la région abitibienne par nul autre que Paul Bernier, un producteur de porcs pas comme les autres…

Paul Bernier a fait beaucoup de chemin avant de devenir producteur de porcs biologiques d’envergure. Même si cela fait seulement 3 ans que l’entreprise d’une centaine de truies est en opération, il faut dire que l’expérience de M. Bernier et de son épouse dans ce domaine d’élevage s’étire depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années.

« Nous avons toujours fonctionné avec une petite production de porcs ce qui nous a permis d’apprendre par le biais d’essais et d’erreurs, mon épouse et moi. Auparavant j’étais mécanicien mais je savais qu’un jour j’élèverais du porc à plus grande échelle. Quand nous avons décidé pour de bon de se lancer en affaires nous y avons mis le paquet », explique Paul Bernier lorsqu’on lui a demandé s’il fallait partir en affaires tranquillement ou tout d’un coup.

La production biologique est une façon pour les Bernier de mettre en pratique leur côté innovateur. Aucun défi n’est trop grand pour ces entrepreneurs dynamiques. Imaginez-vous tout le travail qu’il faut pour effectuer un tel élevage de porcs en région! « Il faut non seulement organiser nos flûtes mais également encourager la communauté agricole des alentours à partager notre vision », stipule M. Bernier qui a dû faire plusieurs rencontres et encourager les producteurs de la région à produire des cultures biologiques.

« Nous avons mis plusieurs heures à développer notre coopérative de grains. Si un producteur de la région est intéressé, on s’assoit ensemble et nous déterminons un prix d’achat pour ses denrées. J’aime mieux acheter des produits d’ici que de faire venir mes pois biologiques en train de Washington mais la mentalité des gens ne change pas du jour au lendemain; les gars doivent être convaincus que cette production leur sera aussi rentable », poursuit-il.

L’alimentation des porcs est composée de foin sec et d’une base de pois, d’orge et d’avoine et est offerte à une fréquence de 4 fois par jour. Tout sur l’entreprise mise sur l’efficacité et la rentabilité allant des parcs d’engraissement faits avec des planches de bois à la verticale et du toit cathédral ? pour encourager une circulation d’air ? jusqu’à l’épandeur de ripe de bois mécanisé qui circule au-dessus des enclos. « L’important dans la production de porcs biologiques, c’est de diminuer au maximum les maladies. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de celles-ci proviennent d’un manque de propreté », renchérit-il.

« Notre prochain défi de taille sera de laisser les porcs aller à l’extérieur », explique M. Bernier qui dit que les certificateurs exigent ce critère dans la production biologique. « Ce qui ne savent pas, c’est quand on laisse aller les porcs à l’extérieur, ils redeviennent comme à l’état sauvage et cela diminue grandement leur gain de poids quotidien. »

Même si la demande pour le porc biologique excède grandement l’offre, M. Bernier n’est pas certain que le consommateur sera prêt à payer pour ces exigences de production. À visiter les lieux, nous sommes certains que les porcs n’ont rien à se plaindre, on ne sent pratiquement pas le fumier en se promenant dans les allées, les porcs semblent à l’aise et, contrairement aux autres porcheries d’envergure, les Bernier n’ont pas besoin d’un brûleur de monoxyde de carbone pour éliminer les excès.

Dans la porcherie, l’air circule à profusion et le fumier entreposé ressort avec un pH de 7 à l’analyse même si celui-ci contient de la ripe. « Selon moi, on peut mesurer la santé des animaux par la qualité de leur fumier », explique-t-il. « Nous avons visité différents types de porcherie avant de construire la nôtre ici à Lamorandière. Nous nous sommes inspirés de ce que nous aimions et avons délaissé le reste. J’ai plusieurs amis qui pratiquent l’élevage de porcs conventionnels et je n’ai rien à leur envier. Sûr que nous avons de grands défis à surmonter mais au moins j’ai réussi à avoir un prix raisonnable pour mon produit et j’ai la conscience d’esprit que mes animaux ne sont pas constamment bourrés d’antibiotiques. »

L’organisme de certification Québec Vrai est celui avec qui les Bernier font des affaires. Ils vendent la totalité de leur production à l’abattoir Le Breton qui détermine le prix d’achat à l’avance avec l’entrepreneur. Cet acheteur croit tellement au porc biologique qu’il offre une prime sur chaque bête achetée à l’entreprise à condition que M. Bernier agisse à titre de « vitrine biologique » pour le grand public. C’est-à-dire qu’ils prennent le temps de rencontrer des gens comme nous afin de leur donner le goût de produire du porc biologique. « Il ne faut pas avoir peur de demander la juste valeur pour son produit. Certain que ça peut créer des frictions au début mais il faut être patient et surtout persévérant. Moi je produis du porc premièrement pour en vivre », affirme M. Bernier.

Le prochain projet des Bernier est de se concentrer sur la génétique. « Les organismes de certification nous laissent s’approvisionner en génétique chez des producteurs conventionnels mais nous aimerions développer ce côté de notre entreprise », explique M. Bernier. « Ceci n’est pas une tâche facile en soi mais ça en vaut le coût. Nous pourrions ainsi sélectionner de la progéniture résistante et adaptée à nos méthodes d’élevage au lieu de la génétique habituellement plus assujettie aux maladies des entreprises de porcs assainis. »

*Christine Rieux d.t.a., coordonne le Réseau de jeunes entrepreneurs en agroalimentaire, une initiative de l’Union des cultivateurs franco-ontariens.