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le Mardi 28 mai 2002 0:00 Le 15 mai 2002

Premier discours du trône du nouveau Premier ministre Ernie Eves «L’essentiel n’est pas là» ? Wilkinson

Premier discours du trône du nouveau Premier ministre Ernie Eves «L’essentiel n’est pas là» ? Wilkinson
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Ernie Eves est déterminé à faire adopter le projet de loi sur la gestion des éléments nutritifs durant la présente session parlementaire.

Lecture, le jeudi 9 mai dernier, du premier discours du trône du nouveau Premier ministre Ernie Eves qui ouvrera enfin la session parlementaire à Queen’s Park. L’appareil législatif ontarien, qui va se remettre en fonction après une absence de plus de quatre mois, aura quelques engagements à tenir dans le secteur rural et agricole.

Les organisations agricoles ontariennes attendaient avec impatience l’ouverture de la session parlementaire pour connaître quels seraient les gestes concrets que le gouvernement Eves entend poser dans le secteur agricole.

L’agriculture est menacée !

Dans le discours du trône, le nouveau Premier ministre reconnaît volontiers que l’agriculture traverse une passe difficile, et qu’on devrait mieux la traiter. «L’agriculture n’est pas seulement une entreprise, c’est aussi un mode de vie», dit-il. «Or, ce mode de vie est aujourd’hui menacé», estime le Premier ministre ontarien.

Ernie Eves a rappelé le rendez-vous du 6 juin prochain, où il s’est engagé à rencontrer les leaders du secteur agricole. Lors de cette table ronde qui se tiendra à Guelph, il dit vouloir «cerner leurs préoccupations majeures et déterminer les priorités à cibler au cours des cinq prochaines années pour préserver la vitalité du secteur».

Le projet de loi 81 est toujours à l’agenda

Le Premier ministre Eves a confirmé l’intention du gouvernement de passer la loi 81 sur la gestion des éléments nutritifs, tant attendue par tous les acteurs du secteur rural. «Comme les agriculteurs de l’Ontario, votre gouvernement comprend que la protection de l’environnement est d’une importance cruciale pour l’avenir de l’exploitation agricole familiale», peut-on lire dans la version française du Discours du trône.

Ernie Eves a rappelé qu’il «est déterminé à faire adopter le projet de loi sur la gestion des éléments nutritifs, qui vise à protéger l’environnement en établissant des normes précises et homogènes pour la gestion des substances nutritives, et en imposant ces normes aux exploitations».

Il manque un engagement clé !

La Fédération de l’agriculture de l’Ontario (FAO) salue les quelques engagements contenu dans le Discours du trône que le gouvernement Eves entend poursuivre en agriculture, particulièrement en ce qui concerne la fameuse Loi 81 sur la gestion des éléments nutritifs qui est tant attendue. Toutefois, la FAO signale qu’il manque un engagement essentiel au Discours : pas un mot sur le plan de soutien amélioré du revenu agricole (?Made-in-Ontario Safety Net?).

«Le discours du trône a rappelé un certain nombre d’engagements que le gouvernement avait déjà pris envers les agriculteurs, dit Jack Wilkinson, président de la FAO, mais a raté la cible en ce qui concerne un ingrédient clé de la politique agricole». «Ce qu’il manque, ce sont des détails comment le gouvernement ontarien entend mettre en place le plan amélioré du soutien agricole», poursuit le président de la Fédération.

La nouvelle ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Ontario, Helen Johns, aurait discuté du plan de soutien ontarien avec ses homologues du fédéral lors de la récente conférence fédérale-provinciale, «mais aucune mention n’est faite au niveau des intentions actuelles du gouvernement», note Jack Wilkinson.

Le président de la FAO ne perd pas espoir pour autant : «Le Premier ministre a mentionné les problèmes financiers que connaît l’agriculture ontarienne et reconnu le besoin d’aider le secteur. Nous savons que le concept d’amélioration du soutien agricole est toujours bien présent dans l’esprit de nos politiciens», croit Jack Wilkinson.

D’autres mesures toucheront l’eau et l’électricité

En réponse à la tragédie de Walkerton et l’apparent laxisme gouvernemental qui avait été révélé par la Commission d’enquête, Ernie Eves a promis que son gouvernement instaurera une politique «exemplaire» pour l’assainissement de l’eau «qui sera l’une des plus rigoureuses au monde». Afin de financer un tel programme, un Fonds de protection du patrimoine des eaux de l’Ontario utiliserait ses ressources «pour recueillir des subventions [?] dans le but de reconstruire les infrastructures d’alimentation en eau».

Le nouveau Premier ministre a révélé que les 28 recommandations du premier rapport du juge O’Connor sur Walkerton seraient actuellement en train d’être mises en oeuvre. Eves a aussi annoncé qu’un Centre d’excellence en eau et assainissement, implanté à Walkerton, coordonnera la recherche et la formation de ceux qui travaillent dans ce domaine.

Quant à l’épineux dossier de la privatisation du réseau électrique en Ontario, Ernie Eves a fait part d’un plan de restructuration du secteur de l’électricité en quatre points :

· Premièrement, le gouvernement dit vouloir «assurer un approvisionnement en énergie efficient à des prix qui seront compétitifs pour la population de l’Ontario et sur le marché international»;

· Deuxièmement, l’Ontario «s’emploiera à trouver le capital nécessaire pour reconstruire et moderniser le réseau de transport et de distribution d’électricité de la province»;

· Troisièmement, Ernie Eves entend «imposer la discipline du marché à Hydro One et préviendra toute récidive éventuelle d’endettements monstrueux, comme la dette actuelle de 38 milliards de dollars qu’il s’applique à liquider»;

· Quatrièmement, le gouvernement ontarien s’engage à atteindre ces objectifs «tout en veillant à la protection des consommateurs».

Droit des travailleurs agricoles à se syndiquer

Par ailleurs, se référant à la récente décision de la Cour suprême de renverser une loi du gouvernement Harris d’interdire la syndicalisation des travailleurs du secteur agricole, Ernie Eves a livré le court message suivant dans le Discours : «Les récoltes et l’approvisionnement alimentaire de l’Ontario ne doivent pas être à la merci des conflits de travail». Il a ajouté que son «gouvernement s’attachera, en ces temps difficiles, à protéger les exploitants et leurs moyens de subsistance».

Propos qui ont fait bondir Michael J. Fraser, directeur général de la ?United Food and Commercial Workers’ (UFCW) qui dit représenter plus de 230 000 travailleurs du secteur agroalimentaire à travers le Canada, et qui avait porté la fameuse cause devant la plus haute cour du pays. «Contrairement à ce qui a été déclaré dans le discours du trône, le fait de respecter le droit des travailleurs agricoles à être représentés par un syndicat ne menace aucunement la ferme familiale», affirme M. Fraser.

Michael Fraser poursuit en disant que de toute façon l’UFCW «n’est aucunement intéressé d’organiser les fermes familiales». «Nous ne l’avons jamais fait dans aucune province qui respecte le droit à la négociation collective des travailleurs agricoles, et nous n’avons pas plus l’intention de le faire en Ontario», a poursuivi M. Fraser. Il spécifie ce que l’UFCW entend être son champ d’intervention : «Une champignonnière de 200 employés qui opère 24 heures sur 24 n’est pas une ?ferme familiale?, pas plus qu’un complexe de serres de 200 acres qui exporte pour des millions de dollars de tomates aux États-Unis», écrit-il.

La Loi sur les Relations de travail en agriculture (?Agricultural Labour Relations Act? ou ARLA), qui fut cassée par le gouvernement Harris en 1995, accordait le droit aux travailleurs agricoles ontariens de s’organiser, mais prévoyait un mécanisme obligatoire d’arbitrage pour résoudre les conflits de travail, ce qui excluait les arrêts de travail possibles dus aux grèves ou les lock-out, explique Michael Fraser. «Les petites fermes familiales étaient exclues d’emblée de l’ARLA, et nous n’avions aucun problème avec cela», rappelle-t-il.

Points saillants du discours du trône d’Ernie Eves pour le secteur rural :

· Fera adopter le projet de loi sur la gestion des éléments nutritifs;

· Reconnaît les problèmes financiers que connaît l’agriculture ontarienne et le besoin d’aider le secteur;

· Aucun engagement direct à mettre en place le plan amélioré du soutien agricole;

· Protégera l’approvisionnement alimentaire des Ontariens contre d’éventuels conflits de travail dans le secteur agricole;

· Instaurera une politique pour l’assainissement de l’eau qui sera l’une des plus rigoureuses au monde;

· Restructurer le secteur de l’électricité tout en veillant à la protection des consommateurs.