le Mercredi 17 avril 2024
le Jeudi 17 juin 2004 0:00 Le 17 juin 2004

L’évolution de l’agriculture perçue par la fenêtre de mon auto

L’évolution de l’agriculture perçue par la fenêtre de mon auto
00:00 00:00

Par une chaude après-midi de ce début de juin, le mercure du thermomètre oscille aux environs de 31° Celsius. Je prends la route et j’essaie de comprendre pourquoi nos régions rurales s’urbanisent. Est-ce possible de parler d’urbanisation dans nos paroisses agricoles’ Quel effet ce phénomène aura-t-il sur les producteurs agricoles qui doivent adapter leurs manières de gérer leur ferme selon les attentes et les contraintes que crée cette « urbanisation » croissante de nos concessions rurales’ Est-ce qu’il va y avoir de l’agriculture dans nos régions rurales dans les années à venir?

Ce genre de questionnement n’est pas seulement le mien mais celui de beaucoup de personnes qui oeuvrent de près ou de loin dans le monde agricole. Pour tenter de trouver des réponses à ces questions, j’ai essayé de me rappeler comment était le monde agricole lors de mon enfance et comment les agriculteurs de ce temps-là voyaient l’avenir de l’agriculture. En parcourant les chemins de nos régions rurales en 2004 et en se remémorant les paysages de ces mêmes routes dans les années cinquante ou avant, je réalise à quel point les changements survenus graduellement au cours des années sont importants.

Pour ceux et celles qui sont friands d’histoire et aussi de nostalgie, je vous suggère de parcourir avec moi le rang #1, le chemin # 2, la montée 3 et d’essayer d’imaginer le changement qui a eu lieu durant les cinquante dernières années et plus. Même si mes souvenirs sont surtout ceux de la région de Prescott-Russell, je suis certain que le paysage des régions rurales du reste de la province a subi des changements comparables durant la même période.

Attachons nos ceintures et démarrons nos voitures avec nos systèmes de sons ultramodernes ainsi que le confort de l’air climatisé.

Vous l’avez deviné, le premier changement majeur est celui des moyens de transport. Aujourd’hui nous possédons des autos, des fourgonnettes et des camions des plus modernes où tout fonctionne à « bouton ». Autrefois, nos parents possédaient des autos et des camions des plus rudimentaires selon les standards d’aujourd’hui. Avec la modernisation des automobiles, l’amélioration des chemins était de mise.

Aujourd’hui, presque tous nos chemins de campagne sont pavés en comparaison aux routes de terre battues ou gravelées d’autrefois, souvent carrossables seulement à certaines périodes de l’année. Au printemps et durant les mois d’hiver, plusieurs de nos routes de campagne étaient impraticables ou non-recommandables.

En roulant sur ces chemins de concession et en me remémorant les paysages d’autrefois, je m’aperçois comment tout a changé. Autrefois, les abords de nos rangs de campagne étaient pleins de petites fermes. Nous apercevions des clôtures et des fossés qui démarquaient les périmètres des pâturages. La grandeur des champs était généralement de 5 à 7 à 10 acres pour permettre une bonne rotation des pâturages et aussi pour faciliter l’égouttement de ces champs. La mécanisation du monde agricole commençait et l’avènement du drainage souterrain était encore un rêve pour Prescott-Russell. Nous pouvions voir vaches, cochons, moutons, poules, etc. par les fenêtres ouvertes des autos. ? Ouf, la poussière était terrible par les temps secs.

Aujourd’hui, nous ne voyons pratiquement plus de clôtures, la grandeur des champs dans beaucoup de nos régions à grandes cultures, est de 50 à 70 à 100 acres et les fossés ont disparu avec les clôtures. Il devient de plus en plus rare de voir des vaches laitières dans les champs et des volailles dans les basses-cours des quelques fermes éparpillées parmi les nombreuses résidences qui jouent du coude sur chaque côté des chemins pavés de nos campagnes. Je constate que la grande majorité des terres utilisées pour la production animale au milieu du siècle dernier ont été transformées en fermes de grandes cultures. Le nombre d’entreprises agricoles dans nos régions rurales a grandement diminué et celles qui restent sont devenues des PME.

En parcourant aujourd’hui sur ces routes de nos régions agricoles, nous ne retrouvons plus de fromageries, plus d’écoles de rang, les croix de bois aux intersections des montées et concessions se font de plus en plus rares, et les petits commerces qui complétaient le paysage serein des campagnes d’autrefois ont aussi disparu à quelques exceptions près. Parfois, nous devions arrêter nos voitures pour laisser traverser un troupeau de vaches qui se rendaient à leur lieu de pacage ou céder la route à des poules avec leur volée de rejetons.

Aujourd’hui, ces chemins de campagne sont parfois semblables à un circuit de courses avec ces bolides (autos, motos) qui roulent à des vitesses excédant de beaucoup celles permises. Ce n’est plus pour les vaches qui faut s’arrêter pour mais plutôt ces immenses machines aratoires qui font paraître mon auto comme un minuscule « Tonka ». Entre les rangées de maisons, nous pouvons voir des champs de maïs, de soya, de blé, et de foin à perte de vue, entrelacés entre ces résidences où les personnes qui y vivent cherchent le confort des villes. Nous remarquons des bâtiments de ferme de la grandeur d’une aréna, des nombreux silos et élévateurs à grain et surtout ces camions « 4 par 4 » qui ressemblent plus à un salon ambulant qu’à un « pick-up » de ferme.

Pour ceux et celles qui ont eu la chance de connaître le monde d’hier et celui d’aujourd’hui vous allez comprendre que la profession d’agriculteur et d’agricultrice doit continuellement s’adapter aux exigences de la société et toujours essayer de vivre en harmonie avec ses voisins. Autrefois, il y avait les chicanes entre fermiers pour savoir de quelle section de clôtures vous étiez responsable. Aujourd’hui, tous les agriculteurs doivent s’épauler pour avoir le droit de pratiquer leur profession entre les résidences dont les propriétaires n’ont aucun lien avec l’agriculture.

La perception par la fenêtre de leur auto qu’ont la grande majorité des personnes de notre monde moderne qui visitent nos belles régions rurales, est bien différente de celle des agriculteurs.

Tout comme l’agriculture d’aujourd’hui est prospère, celle d’autrefois l’était aussi et le monde agricole de demain le sera aussi en autant que ceux et celles qui la pratiquent en demeurent des passionnés.

Bon été!