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le Jeudi 4 novembre 2010 0:00 Volume 28 Numéro 06 Le 3 novembre 2010

Agricom à l’Île-du-Prince-Édouard-2: Du soya à la sauce des maritimes

Agricom à l’Île-du-Prince-Édouard-2: Du soya à la sauce des maritimes
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« Nous offrons une prime pour le soya biologique de l’Île parce que nous savons à quel point c’est ardu de vivre d’agriculture », affirme John Hardy. Photo Catherine Fiset.

Le tofu a une double identité. Il est à la fois l’emblème et le mouton noir du végétarisme. La famille Hardy d’Alberton à l’Île-du-Prince-Édouard lui redonne ses lettres de noblesses.

Depuis 2002, la simple fève de soya biologique y est déclinée en tofus, en graines rôties et en déserts glacés de tous genres. L’innovation n’est pas étrangère à l’entreprise familiale Soy Hardy. Comment réussit-elle à tirer son épingle du jeu dans un bassin de population d’à peine 140 000 personnes’

« L’industrie agroalimentaire est l’une des plus difficile à pénétrer. Tu peux avoir le meilleur produit. Si tu ne sais pas à qui le vendre, il ne s’écoulera pas », assure John Hardy.

Le propriétaire de Soy Hardy sait de quoi il parle. Il a opéré une ferme laitière, il a géré une entreprise de distribution de lait et il a cultivé des grandes cultures biologiques.

En 2002, John acheta la compagnie Maritime Soycraft de la Nouvelle-Écosse. C’est alors que Soy Hardy vit le jour à l’Île. Aujourd’hui, John a mis de côté la production agricole.

Selon lui, il faut savoir miser sur ses atouts: « Je n’avais simplement plus le temps de cultiver et de transformer en simultané », avoue l’ancien fermier. « C’est également pour cela que mon fils Matthew est devenu directeur général et copropriétaire. Il est plus doué que moi en relations humaines », poursuit-il en riant.

Éduquer le consommateur

John et sa famille se sont rapidement aperçus qu’il ne suffit pas de produire du tofu. L’éducation du grand public est constamment à retravailler. Encore aujourd’hui, son épouse Louise utilise la cuisine familiale comme banc d’essai. Louise publie ses recettes et ses conseils culinaires sur le site Internet de l’entreprise.

« Ce n’est qu’une question de maîtrise des proportions lorsqu’on emploie le tofu comme substitut. Par la suite, les goûteurs peuvent difficilement déceler la différence entre les recettes avec et sans tofu », explique M. Hardy qui apprécie la texture soyeuse du gâteau au chocolat confectionné à partir de tofu.

Les principaux acheteurs de tofu dans les maritimes sont les restaurants. Ces derniers y voient, entre autres, un succédané économique à l’arachide. John Hardy produit divers tofus aromatisés. Son procédé de fabrication traditionnel confère une texture unique au tofu. Les Asiatiques de l’île apprécient la texture soyeuse et le goût sucré des produits Hardy.

« Chaque variété de soya cèdera une texture particulière. De plus, nous offrons une prime aux agriculteurs de l’île pour qu’ils produisent le soya biologique selon notre cahier de charge », explique John.

Les graines de soya grillées sont également classées dans la gamme supérieure. « Elles ne laissent pas d’arrière-goût de graine de soya crue contrairement aux marques commerciales », ajoute-t-il.

Les équipements employés dans l’usine de transformation sont le fruit de l’innovation de John Hardy et de l’habileté du mécanicien habitant à deux coins de rue. Le tout est par la suite rigoureusement mis sous la loupe des inspecteurs fédéraux pour assurer que les normes HACCP soient respectées.

Fromage de soya

La production de tofu traditionnel a permis à Soy Hardy de se tailler une place dans le marché. Maintenant que la marque de commerce est connue, la famille Hardy se lance dans la production de fromage à base de soya. Les fromages de type « feta » et « bleu » feront bientôt leur apparition sur les tablettes des Sobey?s et des marchés d’alimentation Coop.

« Il faut avancer tranquillement, mais sûrement, en alimentation », explique John. La recette pour ces fromages a été obtenue chez une entreprise américaine de renom. Les Américains permettent à John de commercialiser les fromages avec la marque Hardy et la leur. De cette façon, les Hardy piqueront la curiosité des clients tout conservant leur confiance.

Après 8 ans d’opération, John Hardy croit qu’il a maintenant la latitude nécessaire pour essayer de nouveaux produits sans toutefois compromettre l’image de l’entreprise.

Être distribué, mais pas à tout prix

Il y a encore du pain sur la planche pour faire découvrir les bienfaits du soya. L’attitude du consommateur a cependant beaucoup changé au cours des dernières années. C’est ce qui permet à la famille Hardy de remplir la demande grandissante pour les produits du soya en Atlantique.

La marchandise de Soy Hardy se trouvera bientôt en sol québécois. Pour ce qui est de l’Ontario, la transaction est morte dans l’?uf. « Nous avions courtisé un distributeur ontarien pendant un an. Un compétiteur nous a damé le pion à un jour de la signature du contrat », confie M. Hardy.

Cependant, l’entrepreneur ne baisse pas les bras.

Ce n’est que partie remise. « Il est important de faire sa place et de prendre des risques, mais pas à tout prix », conclut-il.

Pour John, l’important c’est la santé et la famille. Ce sont les deux éléments motivateurs de son odyssée. À preuve, l’interview avec Agricom se termine parce que c’est la canicule. Le petit-fils Hardy meurt d’envie d’aller à la plage.

Voilà un des avantages d’être son propre employeur. Les horaires effrénés sont parfois flexibles. Il est possible de concevoir une entreprise familiale où les forces de tous sont mises en valeur; des talents culinaires de Louise, en passant par l’entregent du fils Matthew ou l’imaginaire en graphisme du fils John.