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le Vendredi 24 juin 2016 11:40 Volume 33 Numéro 20 Le 17 juin 2016

Portes ouvertes à la ferme laitière René Franche & fils de Casselman

Portes ouvertes à la ferme laitière René Franche & fils de Casselman
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« Tant qu’on a la santé, on va de l’avant. Moi il n’y a rien pour m’arrêter » — Mario Franche.

À quelques semaines de la journée portes ouvertes qui se tiendra sur la ferme familiale René Franche & fils, le 9 juillet prochain à Casselman dans l’Est ontarien, les frères Pierre et Mario ainsi que les fils de ce dernier, Dominick et Gabriel, s’affairent à mettre la touche finale à l’immense étable dont ils ont entrepris la construction pour remplacer celle rasée par les flammes en 2013. Il reste encore les panneaux solaires à installer et mille et un détails à peaufiner, mais dans l’ensemble, les installations forcent déjà l’admiration.

Sur la route 16 que plusieurs appellent le chemin de Riceville, l’étable avec ses hauts toits de style cathédrale et ses six silos en jette plein la vue. Les quelque 120 vaches en lactation sont en stabulation entravées alors que les taures et les vaches taries leur font face dans l’enclos à stabulation libre. Dès que la construction a été suffisamment avancée, il y a environ deux ans, la traite a repris. Ce sont toutefois deux robots qui s’occupent maintenant de cette tâche. La Ferme René Franche & fils est la première en Ontario à se doter du Roboléo, seul robot au monde conçu pour la stabulation entravée. Dairymax Farm Solutions à Winchester en Ontario s’est associé à l’entreprise québécoise Milkomax qui en est le concepteur pour en devenir le premier concessionnaire ontarien. Cette porte ouverte est d’ailleurs l’œuvre de Dairymax et risque d’attirer une foule considérable.

D’autres acquisitions

Les frères Franche qui apprécient la modernité ont opté pour un distributeur d’ensilage et concentrés (DEC) sur roues totalement autonome pour l’alimentation. De la même façon, ils ont fait l’acquisition d’un composteur de fumier qui leur procure une litière sèche, inodore et sans la moindre trace de pathogènes.

Au cours de l’entrevue, Mario nous expliquera plus en détail ces nouveautés qui leur facilitent la tâche. Il faut comprendre qu’en ce temps de la saison, les travaux aux champs avec 745 acres en grandes cultures les occupent beaucoup. Dans ces dispositions, il est plutôt difficile de réunir les quatre en même temps. Pendant que nous attendons Pierre, occupé avec des techniciens qui font quelques ajustements sur le robot d’alimentation, Gabriel qui offre aussi les services d’arrosage à forfait avec son propre équipement doit quitter. Finalement, nous nous entretiendrons avec Mario et Dominick, mais Pierre assure que de toute façon il aurait été du même avis.

Peu avant, c’est Brigitte, l’épouse de Mario, qui nous a reçus dans la maison attenante. Elle a conservé toutes les coupures de presse qui ont documenté l’incendie du 23 juin 2013 et celles qui ont suivi la reconstruction. Elle possède des photographies du temps de René et Liliane Franche, ses beaux-parents et première génération à s’installer sur cette terre. À travers les clichés, on peut voir l’expansion de l’entreprise, jusqu’à cette nuit fatidique où un problème électrique a réduit tout leur travail en cendre. De leur troupeau qui comptait 152 vaches laitières en plus des taures, ils n’ont réussi qu’à faire sortir 135 bêtes, dont une quarantaine seulement a survécue. Le Dr Marcel Lalonde, vétérinaire bien connu dans la région les a bien aidés à ce moment.

Malheureusement, la scène a des airs de déjà vu. Quarante ans plus tôt, à pareille date, René Franche a tout perdu dans un incendie déclenché par la foudre. Mario s’en souvient très bien, mais ce qu’il en retient, c’est l’image de son père qui, dès le lendemain du sinistre, annonçait qu’il allait reconstruire. Lui et son frère ont adopté la même attitude. D’où, l’affirmation de Mario: « Quand tu as la santé tu dois aller de l’avant.»

Son épouse le confirme : « Il a tout de suite dit, il n’est pas question d’arrêter. » Brigitte toutefois, a vécu une double épreuve puisqu’elle a combattu un cancer pendant cette période. Aujourd’hui, elle est en rémission, mais ces dernières années n’ont pas été faciles. Heureusement, elle et les siens ont pu compter sur la fraternité de leur entourage.

« Dans les jours qui ont suivi, les voisins ont été très généreux. Ils nous amenaient à manger et tout le monde mettait la main à la pâte. »

Il faut dire que la famille Franche a toujours été très appréciée, entre autres, pour sa nature encline à rendre service.

« On est assez habile côté machinerie et ça nous faisait plaisir de dépanner les autres. On l’a fait pendant longtemps jusqu’au jour où j’ai réalisé que c’était trop. On ne pouvait même plus rentrer dans la cour tant il y avait de la machinerie. Ce jour-là, il y en avait en plus de stationnée des deux côtés de la route. Là, je me suis dit que cela n’avait plus de bon sens », explique Mario Franche qui a fait la fortune des réparateurs du coin en cessant son bénévolat.

Une autre étape

Une fois tout démoli et déblayé, ce qui n’est pas une mince affaire vu l’ampleur des décombres, et une fois les nombreux formulaires pour les assurances remplis, la famille Franche pouvait franchir une autre étape, la reconstruction. On allait passer d’une étable de 44 pi par 360 pi avec plafonds de 16 pieds à un bâtiment de 156 pi par 190 pi d’une hauteur d’une trentaine de pieds.

« On a vu une seule ferme et on a su tout de suite que c’était en plein ce que l’on voulait », rapporte Mario Franche en parlant de la ferme de la famille Chrétien à Sarsfield. Les Franche venaient d’arrêter leur choix pour une construction préfabriquée de la compagnie européenne Wolf dont les immenses panneaux arrivent par bateau au port de Montréal. L’entreprise les achemine ensuite sur les lieux et s’occupe de l’assemblage.

Il fallait entre temps s’occuper de couler les planchers, voir aux systèmes de plomberie, d’électricité, de chauffage, de ventilation et autres détails. Sans entrepreneur général, la famille Franche a orchestré les travaux d’une main de maître avec le soulagement de pouvoir se reposer sur des experts pour chacun des domaines. Christian, le fils de Pierre, avec sa compagnie de construction du même nom leur a donné un énorme coup de main.

Le résultat est impressionnant. La lumière entre de toute part et les animaux semblent logés dans un cinq étoiles.

Mario Franche fait observer à quel point l’air est sec et frais dans l’étable. Les lieux sont aérés par un système de ventilation naturelle avec les panneaux latéraux amovibles et par les ventilateurs aux plafonds. Dominick mentionne qu’ils ont choisi des panneaux clairs pour profiter du paysage extérieur.

Avec ce même souci du confort des animaux, l’entreprise a choisi d’acquérir un composteur de fumier qui, à leur avis, leur procure une litière plus confortable que la paille tout en s’inscrivant dans la lignée des énergies vertes. Ainsi, le convoyeur amène la matière première dans l’immense cylindre qui dans un premier temps sépare la matière solide des liquides qui sont évacués dans le bassin de rétention. S’amorce ensuite la phase de compostage qui s’effectue en trois jours. La chaleur due à la fermentation a aussi l’avantage de réduire les frais de chauffage.

« L’hiver, c’est ça qui chauffe la bâtisse », explique encore M. Franche en précisant que c’est le hangar qui sert d’atelier pour réparer la machinerie et où est installé le composteur qui se trouve ainsi chauffé, pas l’étable.

Le produit final donne une litière souple et aseptisée qui correspond parfaitement aux normes de bien-être animal. Mario aurait pour sa part abandonné l’idée d’installer des tapis tant cette litière semble confortable. Dominick a toutefois insisté et les vaches reposent sur une couche doublement matelassée. Diplômé du Collège d’Alfred, c’est d’ailleurs lui qui a produit le plan agroenvironnemental pour la ferme.

Côté alimentation, l’installation en mai dernier du robot Rover de Rovibec, un DEC à quatre roues motrices, facilite encore la tâche des employés. Les curieux peuvent même visionner la vidéo tournée à la ferme René Franche sur You Tube. Les ingrédients qui composent les recettes sont amenés par convoyeur et chargées automatiquement dans le robot qui peut dispenser les rations désirées pour chaque sujet ou chaque groupe. La capacité de mélange est de 1 000 kg ou 2 200 lb.

Naturellement, le Roboléo est pour ainsi dire la marque de commerce de la Ferme René Franche & fils qui en avait justement commandé un avant l’incendie. Le projet s’est concrétisé plus tard, mais deux fois plutôt qu’une. Aujourd’hui, les deux Roboléo sillonnent les allées, les vaches sont traites trois fois par jour et le quota d’environ 129 kg est atteint sans peine. Il a fallu moins d’une semaine aux vaches pour s’habituer à cette nouvelle routine. Le robot prépare la vache suivante en même temps qu’il en trait une. Il a la capacité d’analyser les échantillons de lait et d’emmagasiner les données. Il sait si le lait d’une vache doit être mis en retrait si elle est sous médication et tout le protocole à suivre dans ce cas. En fait, il a tout de l’employé modèle et les vaches lui font complètement confiance. Elles reculent de leur propre chef dans la structure avant même d’y être incitées par les bras de caoutchouc.

Les visiteurs apprécieront certainement cette visite qui leur donnera fort à voir.