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le Mardi 11 octobre 2016 10:30 Volume 34 Numéro 03 Le 23 septembre 2016

Chronique Comme dans l’temps, Suivre l’évolution

Chronique Comme dans l’temps, Suivre l’évolution
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 «C’est seulement en regardant le passé que l’on peut comprendre où nous en sommes dans le présent et déterminer dans quelle direction avancer.»

C’est ce qu’on me répétait sans cesse dans mes cours d’histoire à l’école. Je n’ai jamais réellement compris comment ce dicton s’appliquait au monde actuel jusqu’à ma rencontre avec deux couples d’agriculteurs de Sainte-Anne-de-Prescott : Alain et Rachel Lavigne ainsi que Damase et Marielle Lalonde.

«À Saint-Rédempteur, à quelques kilomètres d’ici sur le bord du Québec, dans le temps de la guerre, il y avait une manufacture de lin. Donc, les fermiers de la région faisaient pousser du lin. Mais cette culture-là a épuisé le sol de ses nutriments. Avant les années 60, on ne connaissait pas ça les engrais chimiques. On utilisait simplement le fumier de nos animaux. Donc, à la fin des années 50, le sol était épuisé et les récoltes moins bonnes qu’avant. Ç’a créé une pauvreté, les terres ne produisaient plus, les troupeaux étaient petits et moins productifs, nos granges étaient rendues vieilles et mal ventilées. Les gens disaient: J’comprends pas ça! Mon père remplissait le hangar pis moi, je n’en viens pas à bout. On n’a pu de température! Ça pousse pu! » relate monsieur Lavigne.

«Ma grand-mère me disait : va à l’école. Deviens un professeur comme ton frère. Si tu restes sur la terre, tu vas travailler comme un chien toute ta vie et tu ne seras pas plus riche. Elle avait raison. Dans c’temps-là, les jeunes laissaient la terre pour aller travailler ailleurs. Il y en avait de l’emploi dans ces années-là et les salaires étaient bons. C’est comme ça que les terres se libéraient, mais les gens avaient d’la misère à les vendre. On pouvait offrir une terre à 150$ de l’acre, mais ça ne se vendait pas», poursuit M. Lavigne en enchaînant sur la production laitière.

«Avant l’instauration des quotas, la production laitière était saisonnière. Les vaches vêlaient au printemps et produisaient du lait pour fournir les fromageries jusqu’en hiver. Au début des années 60, on a commencé à envoyer notre lait par train à Montréal pour la consommation humaine plutôt que d’envoyer ça strictement aux fromageries. À cette époque-là, les plans de lait avaient de la misère à avoir un approvisionnement stable et plusieurs faisaient banqueroute. Les fermiers qui avaient des parts perdaient beaucoup d’argent. Ce sont ces années difficiles qui ont amené beaucoup de fermiers à quitter l’industrie laitière. C’est là que le quota a fait son entrée autour de 1965. Ce système a amené une stabilité aux producteurs et aux transformateurs parce qu’il fallait maintenir notre production à longueur d’année. Grâce à cette consolidation, une évolution rapide en agriculture a commencé», rapporte encore M. Lavigne.

«En 1971, les bidons à lait ont été défendus par la régie. C’est cette année-là qu’on a bâti une rallonge pour faire une cabane à lait et qu’on a eu un bulk tank (réservoir à lait). C’était un gros investissement. Plutôt que de suivre le changement, plusieurs fermiers ont décidé de vendre. C’est comme ça. Tu suis ou tu lâches», commente pour sa part,  Mme Lalonde.

Aujourd’hui, avec les réglementations de santé et de qualité qui se resserrent et la mondialisation du commerce qui menace notre système de la gestion de l’offre, l’industrie laitière et agricole en général vit une autre vague de changement. À chaque fois, ceux qui résistent aux changements sont éliminés pendant que les autres doivent se résigner. C’est ce qui assure une constante évolution. Sinon, l’industrie stagne. Par contre, même s’il faut apprendre à accueillir le changement, c’est à nous de le modeler pour le bien de nos communautés canadiennes.