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le Mercredi 19 octobre 2016 15:46 Volume 34 Numéro 05 le 21 octobre 2016

Augmentations du quota, comment réagissent les producteurs?

Augmentations du quota, comment réagissent les producteurs?
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En septembre dernier, le P5 a approuvé une augmentation de 3% de quota négociable qui entrera en vigueur le 1er novembre 2016. Cette nouvelle hausse s’ajoute aux augmentations de 1% émises pour chacun des mois de juillet, août et septembre 2016 pour une hausse totale d’environ 6% du quota laitier par ferme.

Selon les observations du comité sur le quota du P5, ces hausses permettraient aux producteurs laitiers canadiens de mieux combler l’ensemble de la demande qui croît en moyenne de 3 à 4 % par année et de rebâtir les inventaires de beurre, de 21 000 tonnes à un niveau cible de 30 000 tonnes d’ici juillet 2017.

Bien que cette nouvelle puisse sembler encourageante dans une industrie qui vit une année très difficile jusqu’à maintenant, cette annonce suscite un large éventail de réactions chez les producteurs laitiers. Ils ne s’entendent pas tous sur l’attitude à adopter envers ce « cadeau ». Chaque ferme étant unique en fait de gestion, de finances et d’infrastructures, les réflexions et les actions entreprises face à ces gains de quota divergent selon la situation de chaque producteur.

De son côté, Marc Bergeron de la ferme Mélistar Holstein à Vars, accueille ce quota supplémentaire les bras grands ouverts. « J’étais en retard de quota », a mentionné M. Bergeron. En effet, la production de son troupeau de 75 vaches en lactation en stabulation entravée dépassait déjà ses 92 kilos de quota originaux. « L’augmentation totale m’amène presque au montant de quota dont j’ai besoin pour ma production actuelle. C’est du quota gratuit. Je suis content, d’abord qu’il ne me l’enlève pas au bout de six mois. »

À l’opposé, d’autres, comme Nicholas Dessaint, propriétaire de la Ferme Dessaint Inc. à Sarsfield a déjà vendu le quota qui lui a été attribué et planifie faire de même avec celui de novembre. Son troupeau de 65 vaches en lactation en stabulation libre est à pleine capacité. « Puisque nous n’avons pas la capacité de produire plus que notre quota actuel pour le moment, on vend le quota supplémentaire. Ça nous donne de l’argent qu’on utilise pour d’autres projets », explique M. Dessaint.  « Je ne sais pas encore qu’est-ce que ça va faire côté impôt à la fin de l’année, mais pour l’instant, ça se prend bien ». Malgré son relatif contentement, M. Dessaint s’interroge cependant sur la capacité des transformateurs face à cette hausse de produit. Avec  la production de beurre, une des raisons qui vient justifier la hausse de quota du mois de novembre, s’ensuit inévitablement un excédant d’ingrédients laitiers. Avec les importations de lait diafiltré qui prennent déjà de la place dans les usines de transformation de la province dont la capacité est déjà maximisée selon les dires du DFO, où iront ces produits?

« Dans le fond, il nous redonne environ l’argent que nous avons perdu à cause des baisses de prix dans la dernière année sous forme de quota », calcule Sylvain Levac, producteur laitier de Saint-Bernardin. M. Levac est propriétaire de la Ferme Sylvano Inc. qui comprend un troupeau de 62 vaches en lactation dans une étable à stabulation entravée  pour remplir son quota original de 81 kilos. « L’étable  est pleine, mais on a beaucoup de vêlages en octobre. Donc pour l’instant, je garde le nouveau quota pour voir si on serait capable de le remplir. On va vendre le reste », conclut M. Levac.

Même s’il est retiré de la production depuis 2013, Roch Loranger d’Earlton dans le Nord de l’Ontario continue à s’intéresser au domaine. « Quant à moi, ils devraient régler les prix du lait avant d’augmenter le quota. Même si on produit plus de quotas, si on ne fait pas d’argent avec, ce n’est pas mieux. On dirait que c’est un genre de compensation pour la baisse des prix du lait dans le but de garder les producteurs tranquilles », ajoute M. Loranger qui sympathise avec les producteurs. La ferme de M.  Loranger incluait jadis un troupeau de 160 vaches en lactation dans une stabulation libre et remplissait 150 kilos de quota. « Je suis fier d’avoir lâché quand je l’ai fait! »

Malgré certaines réticences apparentes chez plusieurs producteurs, l’avis de l’agronome Luc Gagné, conseiller sein du Groupement de gestion agricole de l’Ontario, est clair : « Est-ce une bonne nouvelle pour tous les producteurs? OUI sans aucun doute. Est-ce que tous les producteurs pourront en tirer un avantage? OUI sans aucun doute… Mais à différents niveaux. Quoi qu’il en soit, il faut voir le quota comme un outil de gestion de la production laitière. »  Autrement dit, le quota est là. Le producteur doit donc s’arranger pour en tirer avantage selon sa situation. M. Gagné dresse différents scénarios aider les producteurs à faire les choix qui s’appliquent le mieux à leur situation. L’article est publié dans le présent numéro du journal Agricom.