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le Mercredi 1 février 2023 5:58 Nos racines

Notre patrimoine agricole menacé

Agrandissement de la grange de la famille Landry à Clarence Creek en 1907.  — photo : Sauvetage 1978 du Centre Culturel de la Sainte-Famille, don de Mme Lionel Boileau
Agrandissement de la grange de la famille Landry à Clarence Creek en 1907.
photo : Sauvetage 1978 du Centre Culturel de la Sainte-Famille, don de Mme Lionel Boileau
Grange-étables, maisons de fermes, photos anciennes et paysages ruraux. L’Ontario français possède un riche patrimoine agricole qu’il faudrait mieux protéger.
Notre patrimoine agricole menacé
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Février est le Mois du patrimoine en Ontario français. Agricom en profite pour lancer Nos racines, une nouvelle rubrique préparée en collaboration avec l’historien Michel Prévost. Voici son premier texte.

Après les Autochtones, les Franco-Ontariens ont été les premiers à défricher et à cultiver la terre dans la province. Ce patrimoine est souvent méconnu et peu valorisé. La préservation de ce qui reste est très préoccupante.

Ce patrimoine agraire pourtant très diversifié et tout à fait fascinant. ll comprend tous les bâtiments et maisons de ferme, les instruments aratoires, les archives et les paysages ruraux.

La grange-étable demeure l’élément architectural le plus important d’une ferme. On trouve aussi une grande variété de bâtiments : laiterie, poulailler, porcherie, bergerie, hangar à grains, silo, remise et séchoir. Il ne faut pas oublier la maison de ferme où logent le producteur et sa famille.

Les fromageries font aussi partie du patrimoine agricole. À cela s’ajoutent les instruments aratoires qui ont bien évolué au fil des ans.

Les archives constituent un autre volet important. Elles retracent l’histoire de l’agriculture et de la vie rurale depuis près de 400 ans. Par exemple, une partie des archives de l’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) est déposée au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa. De plus, plusieurs documents de valeur se trouvent dans les archives familiales.

Le patrimoine agricole inclut également les paysages ruraux. Il faut circuler dans nos campagnes pour découvrir de magnifiques champs cultivés et de belles forêts. Dans l’Est ontarien, on trouve un patrimoine forestier unique, la Forêt Larose, nommée en l’honneur de l’agronome Ferdinand Larose.

Un patrimoine menacé

Malgré sa grande richesse, le patrimoine agricole franco-ontarien est menacé. De nombreux bâtiments de ferme sont mal entretenus ou tombent en ruine. Plusieurs disparaissent dans l’indifférence.

 

Séchoir à houblon sur le chemin du Ridge, près de Fournier, dans l’Est ontarien.

photo : André Dumont

Citons comme exemple les derniers séchoirs à houblon à Fournier, dans Prescott et Russell, et les cabanes à sucre traditionnelles qui sont oubliés.

L’étalement urbain menace plusieurs fermes et modifie à jamais les paysages ruraux. Orléans, en banlieue d’Ottawa, jadis un village agricole francophone, s’avère un parfait exemple.

Par ailleurs, on construit des autoroutes ou on élargit les routes existantes pour accommoder les citadins qui travaillent dans les villes, mais qui habitent à l’extérieur.

Dans la même veine, la population perd peu à peu les points de vue des cours d’eau et des lacs, car les terrains situés près des plans d’eau sont très recherchés. C’est particulièrement le cas de la rivière des Outaouais, entre Ottawa et Hawkesbury, que l’on voit de moins en moins à cause des nombreuses nouvelles constructions.

Quant aux fromageries, que l’on apercevait jadis partout en Ontario français où florissait l’industrie laitière, elles sont presque disparues. Il y a une exception notable avec la Fromagerie coopérative St-Albert, qui a célébré en 1994 son 100e anniversaire. Malheureusement, en 2013, le bâtiment et les archives historiques sont détruits par le feu. La structure est reconstruite depuis.

Enfin, les archives sont trop souvent oubliées ou mal préservées. Ce patrimoine archivistique unique disparaît avant même d’être transmis dans les centres d’archives. Combien de photos relatant la vie des agriculteurs, les activités de la ferme, les bâtiments et les instruments aratoires ont été détruites?

Malgré ce sombre portrait, il y a de l’espoir. Je vous en parle la semaine prochaine. D’ici là, si vous avez en main d’anciennes photos de famille à saveur agricole, partagez-les-nous! Envoyez-les à [email protected].

Michel Prévost a grandi dans l’Est ontarien, notamment à Curran. Il a été l’archiviste en chef de l’Université d’Ottawa pendant une trentaine d’années. Depuis 1997, il est président de la Société d’histoire de l’Outaouais.