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le Mardi 17 juillet 2018 22:52 Volume 35 Numéro 21 Le 13 juillet 2018

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Personnage coloré et agriculteur passionné, Marc Bercier passe rarement  inaperçu. Le 12 juillet dernier, l’Association canadienne des producteurs de semences lui témoignait sa reconnaissance pour sa participation à l’essor du secteur depuis 30 ans.

Visionnaire

Avant-gardiste, Marc Bercier fait la promotion du chanvre depuis plus d’une dizaine d’années, plante à laquelle il a consacré temps, énergie et argent. Il est l’un des producteurs derrière UniSeeds, entreprise qui œuvre à développer cette production alternative et à en tirer des semences certifiées.

Liberté!

« Je suis allé vers le chanvre pour diversifier les cultures et pour contribuer aux efforts pour amener de petites entreprises et améliorer l’économie en zone rurale », précise Marc Bercier. Il voulait par la même occasion, pouvoir être plus indépendant du système de redevances qui régit la production de cultures traditionnelles.

« Avec SeCan  (Canadian Seed Growers’ Association) on paie des royautés sur les droits.  Ce que l’on payait 30 $ la tonne il y a trente ans est passé à  3 000 $ la tonne.  Comme dans le chanvre c’est ma génétique et nos recherches, il n’y a personne d’autre au monde à avoir ces variétés- la. » Il n’y a donc personne pour lui imposer des « frais d’utilisation ».

Mais avant, regardons, comment son leadership a profité aux producteurs de soya, de blé et de petites céréales, cultures qu’il produit encore aujourd’hui sur 3 500 acres de terrains, sans compter les contrats donnés à l’extérieur. Son entreprise, la Ferme Agriber, produit des semences certifiées, offre le service de criblage et possède les installations d’entreposage, entre autres. Il a ajouté un peu de maïs bio, cette année.

Un contexte favorable

Lorsqu’il a commencé dans le métier, en 1986, il était plus facile pour un jeune de se lancer, selon lui. Les producteurs bénéficiaient de services professionnels gratuits de l’ACIA  et avaient accès aux semences les plus performantes ou les mieux adaptées à leurs conditions sans payer de droits d’utilisation. Le gouvernement canadien mettait ainsi à disposition le fruit des recherches qu’il  finançait. Puis, les droits furent vendus au secteur privé.

En réaction, Marc Bercier et six autres producteurs en différents points de la province fondèrent la compagnie ProSeeds. « Avant ça, on pouvait acheter deux sacs de semences à la Ferme expérimentale sans payer de droits. Avec ProSeeds, on s’est regroupés pour acheter les droits et comme on était sept dans sept territoires différents, on se passait les semences et ça nous permettait de concurrencer. » Il a vendu ses parts depuis, mais ce fut un bon tremplin pour augmenter son acrage et se monter un capital pour investir dans le chanvre.

Bien encadré

Les souvenirs de ses débuts sont aussi empreints par la solidarité entre producteurs. « Oui, on se faisait compétition, mais si l’un d’entre-nous manquait de quelque chose on pouvait compter l’un sur l’autre », mentionne Marc Bercier en se souvenant particulièrement de sa complicité avec (feu) Florian Bourgon et Raymond Legault.

Les producteurs pouvaient aussi compter sur l’expertise des inspecteurs de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dont les services étaient offerts gratuitement.

« J’ai eu la chance d’avoir des mentors exceptionnels. Jim Arbuckal et Jean-Luc  Poupart comme inspecteurs à l’ACIA m’ont beaucoup aidé. Je peux en dire autant de René D’Aoust de l’Association canadienne des producteurs de semences à Ottawa qui est aujourd’hui décédé.  C’était vraiment une belle relation avec beaucoup d’aide pour que je reste là-dedans (la production de semences certifiées). Ce sont eux qui m’ont appris à tout faire pour la traçabilité, jusqu’à vérifier mes formulaires pour les demandes d’inspection. »

En plus j’étais en Ontario et j’avais la chance d’être servi en anglais.

En 1994 toutefois, les fonds pour les inspecteurs sont coupés.

«À partir de là, il a fallu faire faire nos inspections par un tiers.  Pour les producteurs c’était plus cher qu’avant. »

Tracer la voie

Comme son père, feu Jean-Louis Bercier qui lui a ouvert la voie en lui donnant son premier cribleur, Marc Bercier a voulu préparer le terrain pour la relève.

« Les années ont passé vite. Ça  bien été vraiment. D’après moi, j’ai préparé le terrain pour ma famille et pour d’autres. »

Il se réjouit d’avoir une relève en son fils Guillaume et sa bru, Karine Bercier  Desjardins. Ceux-ci pourront continuer à faire progresser Agriber, la ferme familiale qu’il a mise sur pieds avec son épouse Chantal Titley Bercier .

Puis, il y a ces jeunes du Sud-Ouest, Ruban et Keanan Stone à qui il a permis de se lancer dans la production de chanvre à Cobden. Il a établi un centre de criblage là-bas et a fait du couple ses partenaires.

Engagement

Sa carrière a aussi été marquée par son passage au sein de l’Association des producteurs de semences de l’Ontario.

« J’ai été directeur pour une bonne dizaine d’années pour l’Est ontarien. Une chose dont je suis bien fier, c’est d’avoir réussi à faire le pont avec les Québécois. Avant, ils ne venaient pas aux réunions canadiennes. Puis, ils ont commencé à participer parce que je traduisais pour eux. »

C’est une époque marquée par une ambiance familiale et chaleureuse, se souvient-il. Les délégués se déplaçaient en famille. Et Harold Rudy, secrétaire de l’Association mettait un point d’honneur à faire de ces rencontres un succès.

Suivre sa destinée

Et lui qui se destinait à la production laitière comme son père et ses frères, fut attiré par les cultures après avoir participé à un jugement de grains et d’animaux à Guelph. Il représentait le Collège d’Alfred.

« Ça m’avait marqué. J’avais remporté le 1er prix pour les grains et le 2e prix pour toutes les catégories confondues. C’est la première fois que le Collège remportait ces honneurs-là. »

Le Collège d’Alfred fut d’autant marquant dans sa vie que c’est là qu’il a rencontré son épouse. Et trente ans plus tard, les tourtereaux offrent toujours l’image parfaite de la complicité.