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le Mercredi 4 mai 2005 0:00 Le 4 mai 2005

Accusations criminelles pour avoir déposé une vache morte chez son député

Accusations criminelles pour avoir déposé une vache morte chez son député
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Pierre Etter, ce producteur laitier de Sarsfield qui a déposé une vache morte gelée dans l’entrée de cour du député fédéral de Glengarry-Prescott-Russell, l’honorable Don Boudria, fait maintenant face à deux chefs d’accusation dont un de nature criminelle. En effet, en vertu de la section 430(1)c du code criminel, il est accusé de méfait et plus précisément d’interférence à l’usage légal et au droit à la jouissance d’une propriété privée.

De plus, il est accusé de ne pas avoir disposé de façon légale, dans un délai de 48 heures, de la carcasse d’un animal mort. Cette deuxième accusation cependant n’a pas de portée criminelle.

Rappelons les faits. Dans la soirée du 3 mars, l’accusé participait à une réunion houleuse d’agriculteurs au cours de laquelle quelque 200 agriculteurs exprimaient tour à tour leurs frustrations en raison des prix dérisoires qu’ils obtenaient pour leurs animaux. La perception générale des participants était que le gouvernement fédéral ne posait pas tous les gestes qu’il aurait dû poser pour forcer les États-Unis à rouvrir la frontière qui avait été fermée à cause de la crise de la vache folle.

De plus, on attendait toujours du gouvernement un programme d’aide spéciale compte tenu du fait que les programmes d’aide normaux étaient jugés inadéquats. La frustration étant à son comble, on discute aussi de geste d’éclat qu’on pourrait poser pour forcer la main au gouvernement canadien. Au cours de la réunion, Pierre Etter annonce alors qu’il a l’intention de poser le soir même le geste symbolique de déposer une vache morte gelée décédée de cause naturelle quelques jours auparavant dans l’entrée de cour de son représentant au gouvernement fédéral en l’occurrence le député libéral, Don Boudria. Monsieur Etter est alors applaudi chaudement par ses collègues.

Dans la nuit même, soit le 4 mars peu après minuit, il pose son geste ce qui lui est relativement facile puisque le député demeure dans le même village que lui. En même temps, il émet un communiqué de presse expliquant son geste symbolique et convoque la presse pour le lendemain. Tôt le matin, un camelot fait la découverte et le député fait appel à la Gendarmerie royale du Canada qui fait enquête. Lorsque les journalistes arrivent en avant-midi, il n’y a déjà plus aucune trace de l’animal et ils sont en mesure de constater qu’il n’y a aucun dommage à la propriété du député.

Le 30 mars, monsieur Etter reçoit l’acte d’accusations. Le 25 avril, il se présente au poste de police où on prend sa photo et ses empreintes digitales. Le 26 avril, il se présente en Cour avec son avocat, Me Cornelia Miculshi. Il n’enregistre aucun plaidoyer et son avocat prend connaissance des preuves que le procureur de la couronne a en main. La cause doit maintenant être entendu le 17 mai prochain.

Réactions dans la communauté

Le moral est à son plus bas dans la communauté agricole ontarienne et à chaque semaine de nouvelles études confirment que le secteur de la production agricole en Ontario vit depuis plus d’un an des heures absolument critiques. En 2004, le revenu net par ferme en Ontario était de 2500$ ce qui est de loin en dessous de la moyenne canadienne (voir article en page 6). D’autres études confirment ce que les agriculteurs savaient déjà: que les détaillants et les abattoirs augmentent de beaucoup leurs profits alors qu’eux reçoivent des prix dérisoires pour leurs bovins (voir autre article en page 3).

Sur le terrain, nombreux sont les agriculteurs qui avouent privément ne pas avoir l’argent ou même le crédit nécessaire pour acheter les semences ce printemps.

Dans ce contexte, l’affaire Pierre Etter suscite la grogne et la colère chez les agriculteurs et dans toute l’industrie agricole. Selon eux, les autorités n’ont rien compris du symbolisme du geste de cet agriculteur qui était sans violence et qui n’a causé aucun danger ni aucun dommage, et les accusations au criminel leur semblent complètement démesurées par rapport aux quelques inconvénients qu’a causés ce geste.

Dans les nombreuses réunions auxquelles a assisté Agricom, l’affaire fait jaser et le capital de sympathie et d’appui envers cet agriculteur est à un très haut niveau et augmente sans cesse.

Monsieur Etter est un agriculteur bien connu et respecté de la collectivité agricole franco-ontarienne. Producteur laitier reconnu pour la qualité de son entreprise, il a siégé sur plusieurs organismes communautaires dont l’Union des cultivateurs franco-ontariens.