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le Vendredi 6 juillet 2012 0:00 Volume 29 Numéro 21 Le 6 juillet 2012

Deux récoltes par année

Deux récoltes par année
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Le climat se réchauffe, la génétique des semences s’améliore et la machinerie est de plus en plus efficace. Ce qui peut ne sembler qu’un rêve devient possible : obtenir deux récoltes du même champ dans la même saison.

En Ontario, le « double cropping » en grandes cultures fait beaucoup jaser. Des essais de semis de soya en juillet sur retour de blé d’hiver ont lieu depuis plusieurs années. La météo ne se prête pas au jeu à chaque fois, mais tout indique que cette année sera la bonne pour ceux qui veulent tenter deux récoltes dans un même champ.

Dans l’Est ontarien, la récolte de blé d’hiver survient habituellement trop tard en juillet pour envisager semer ensuite du soya et en tirer un rendement acceptable. D’après l’agronome Gilles Quesnel, du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (MAAARO), on retrouve néanmoins dans cette région plusieurs expériences intéressantes combinant avantageusement les fourrages avec des cultures annuelles.

L’hiver dernier a été particulièrement dur sur les luzernières. Puisque le foin se faisait rare, plusieurs producteurs ont récolté une première coupe vers la fin mai, avant de détruire les prairies les plus affaiblies. Début juin, ces producteurs ont semé du soya, ou du maïs ensilage. Selon Gilles Quesnel, il s’agit là de la principale forme de double cropping dans l’Est ontarien. L’un des grands avantages est la disponibilité d’azote laissée dans le sol par la luzerne au profit de la prochaine culture.

Ce printemps, les petites céréales ont connu une excellente croissance, de sorte que les récoltes seront devancées de 10 à 14 jours. Gilles Quesnel prévoit que des agriculteurs qui battront leur blé d’hiver vers la mi-juillet en profiteront pour implanter une luzernière.

Exceptionnellement, le blé d’automne pourrait être récolté dès le début août cette année, ce qui ouvrira aussi la voie à l’implantation de luzernières qui seront suffisamment fortes pour affronter l’hiver.

« Les graminées peuvent être semées en septembre, mais si on veut que les légumineuses soient bien ancrées dans le sol et qu’elles aient suffisamment de réserves pour l’hiver, on suggère de les semer avant le 10 août », explique Gilles Quesnel. Une luzernière bien implantée aura des tiges suffisamment longues pour capter la neige et ainsi protéger ses racines du gel, ajoute-t-il.

Blé, puis soya

C’est plutôt dans le sud-ouest de l’Ontario, là où on atteint 2950 UTM et que l’on peut espérer récolter du blé d’hiver dans les dix premiers jours de juillet, que s’envisage un semis de soya sur un retour de blé la même année.

Dans le magazine Country Guide, le conseiller en grandes cultures et représentant chez Syngenta, Eric Richter, estime qu’à un prix de près de 300 $ la tonne (8 $ le boisseau) ou plus, le soya sur retour de blé d’hiver dans une même saison peut s’avérer rentable, même à un rendement en soya de 1,33 tm/ha.

On suggère d’utiliser des variétés de 2700 à 2800 UTM, qui donneront moins de rendement que des variétés tardives, mais qui auront le temps d’arriver à maturité à l’automne.

Des recherches ont démontré que lorsqu’on sème avant le 10 juillet, les chances de succès sont de 90 %. Entre le 10 et le 15 juillet, les chances de succès chutent à 50 %.

On peut s’attendre à un rendement de 1,33 tm/ha, tout au plus de 2 tm/ha. À chacun de faire ses calculs de rentabilité. Dans bien des cas, cela pourrait permettre d’aller chercher jusqu’à 500 $ de revenus nets de plus par hectare.

Selon Eric Richter, il faut aussi calculer que cette pratique fournira un apport d’azote pour la culture de l’année suivante. Elle aura aussi un effet bénéfique sur le sol, le soya agissant en culture de couverture qui protège de l’érosion à l’automne et laisse dernière de la matière organique.

Horst Bohner, spécialiste du soya au MAAARO, partage l’optimisme d’Eric Richter. Il y a bel et bien des profits qui nous pendent au bout du nez, croit-il, mais le principal obstacle au succès de cette pratique est l’absence d’humidité dans le sol en juillet. « S’il la levée ne se fait pas avant un mois, ou qu’elle est inégale, on peut se retrouver à la mi-août avant que tous les plants soient émergés. »

Cette pratique sous-entend qu’on sème dans un champ qui vient tout juste d’être récolté. Toutefois, en Ontario, des producteurs sont en train de perfectionner un moyen de semer du soya en semis direct dans les entre-rangs de blé encore debout. Pour l’instant, les pertes attribuables au piétinement par la machinerie sont trop importantes, mais l’usage de pneus étroits et de semoirs plus précis pourrait permettre d’atténuer ces dommages.