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le Mercredi 14 janvier 2009 0:00 Volume 26 Numéro 10 Le 14 janvier 2009

Expansion de La Coop fédérée en Ontario

Expansion de La Coop fédérée en Ontario
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C’est la logique du capitalisme qui pousse La Coop fédérée à croître pour demeurer un joueur de taille capable de bien négocier avec les grands fournisseurs d’intrants, affirme le chef de la direction Claude Lafleur. Photo Martin Roy.

MONTRÉAL ? La Coop fédérée se hisse au sommet des fournisseurs d’intrants agricoles dans l’Est du Canada en se portant acquéreur d’une entreprise ontarienne.

Aux usines d’Olymel en Alberta et en Ontario s’ajoutent désormais Agronomy Company of Canada, un important actif qui permettra à La Coop fédérée de doubler le volume de ses approvisionnements en intrants.

Mis à part ses activités dans la volaille et le porc, le réseau de La Coop fédérée ne comptait jusqu’à tout récemment qu’une seule coopérative en Ontario ? le Centre agricole Agri-Est, à St-Isidore ? et quelques coopératives de consommation au Nouveau-Brunswick.

La transaction avec les Américaines Land O’Lakes et CHS s’est conclue le 31 décembre dernier. Elle comprend les bureaux et le centre de distribution et de transbordement d’Agronony à Belton, au nord de London (Ont.), ainsi que Wellburn Agromart Limited, une filiale spécialisée dans les engrais et les grains.

La Coop fédérée acquiert aussi des parts dans 16 détaillants Agromart en Ontario, deux au Nouveau-Brunswick, un en Nouvelle-Écosse et un à l’Île-du-Prince-Édouard, de même qu’une propriété indirecte d’Agromart Terminals et Agromart Processing Company.

Pour la Fédérée, c’est un pas en avant qui lui permet de s’imposer comme joueur de taille dans le marché des engrais, de la semence et de la protection des récoltes.

« À la Fédérée, on pense Est du Canada », affirme son président Denis Richard. Comme son réseau détient près de la moitié du marché des intrants agricoles au Québec, il est normal que La Coop fédérée cherche à croître en sortant de son territoire traditionnel, explique-t-il.

Ces acquisitions permettent à la Fédérée de doubler son volume d’approvisionnement. Déjà, les multinationales des engrais et de la protection des cultures se bousculent au portillon avec d’alléchantes offres d’affaires.

Pourquoi La Coop fédérée prend-elle une si grosse bouchée à l’extérieur du Québec, alors que le Réseau La Coop affiche déjà une croissance respectable ?

« Nous devenons (avec cette acquisition) un joueur assez important pour influencer le marché des engrais minéraux », affirme Denis Richard. C’est d’ailleurs toute la logique derrière cette transaction: atteindre une masse critique capable d’influer sur les prix et les volumes d’achats.

« Si tu deviens un fournisseur marginal, tu ne réussiras pas à t’approvisionner correctement. Ton influence sera remise en question par les producteurs », ajoute Denis Richard.

La Coop fédérée a beau être une coopérative, c’est le courant du capitalisme qui l’emporte, soutient le chef de la direction Claude Lafleur. « Arrivé à un stade, la logique du marché t’impose de croître ou de disparaître. »

Le « radar » de La Coop fédérée surveillait depuis longtemps les opportunités. Ses dirigeants ont vu dans Agronomy un potentiel de synergie énorme. En plus d’un rapport de force supérieur lors des achats, La Coop fédérée se dote d’une flexibilité au stockage et à la distribution.

Un bateau contenant 35 000 tonnes d’engrais remontera le fleuve Saint-Laurent en déchargeant d’abord à Sillery près de Québec, puis ensuite à Sainte-Catherine près de Montréal, puis en Ontario. Ce volume ne représentera qu’une fraction des capacités de stockage, de sorte que si une offre avantageuse survient, on pourra aussi bien acheter une autre cargaison équivalente.

Selon Claude Lafleur, le partenariat avec les détaillants Agromart ressemble beaucoup à celui avec les six Agrocentre du Québec, dont La Coop fédérée détient la moitié des parts. Le modèle d’affaires des Agromart sera source d’inspiration, soutient-il, puisqu’ils vont jusqu’à offrir des travaux à forfait, à des clients qui ne bénéficient pas de la même assurance stabilité qu’au Québec.

La Coop fédérée ne vient pas « planter son drapeau » en Ontario, assure Claude Lafleur. Les Ontariens sont très sensibles à la question de la langue et sont très orgueilleux de leur façon de faire des affaires, observe-t-il. Les détaillants Agromart ne seront pas bousculés. Ils continueront de fonctionner en anglais, avec le même logo.

Le siège d’Agronomy à Belton pourrait même devenir le fer de lance d’autres acquisitions au Canada, croit Claude Lafleur. Nombre d’employés de La Coop fédérée ne parlent pas anglais, tandis que ceux d’Agronomy connaissent bien la culture d’affaires anglo-américaine.

Toute opportunité sera évaluée, en fonction de sa complémentarité avec les activités existantes. En ces temps d’incertitude économique, La Coop fédérée préférera la prudence, affirme Claude Lafleur. Vaut mieux accumuler des liquidités et prendre le temps de bien absorber l’acquisition d’Agronomy.

La Coop fédérée n’entend pas étendre son réseau de coopératives à l’extérieur du Québec. Par contre, pour Denis Richard, cette dernière transaction illustre le succès de notre modèle d’agriculture coopérative. Ailleurs au Canada, les coopératives ont été privatisées, leurs fédérations dissoutes. « Nous avons réussi à conserver assez de dynamisme pour faire notre place dans un marché ouvert et concurrencer des entreprises privées », dit-il.

Une entreprise cotée en bourse fera une acquisition pour augmenter la valeur de ses actions, explique Denis Richard. À La fédérée, l’objectif des acquisitions est de toujours mieux approvisionner les membres, dit-il. « Si on veut que les producteurs du Québec restent fiers de leur entreprise coopérative, il faut être capable d’influencer le marché. »