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le Mercredi 5 Décembre 2012 0:00 Volume 30 Numéro 08 Le 5 décembre 2012

Le désespoir de l’Europe (Opinion)

Le désespoir de l’Europe (Opinion)
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Les négociations entre l’Union européenne et le Canada entament une phase cruciale. Malgré les pourparlers qui perdurent depuis plusieurs mois, certains points litigieux demeurent. Les politiques provinciales et municipales d’approvisionnement, les règles qui entourent la propriété intellectuelle et la culture en sont quelques exemples. Une réforme qui mettrait fin à la gestion de l’offre agricole est toujours concevable. Ce système chéri par les producteurs ontariens et québécois inclut un mode restrictif de quotas de production de lait, d’œufs et de volailles à des tarifs d’importation exorbitants. Les deux parties contractantes ont tellement soif qu’il est fort probable que la gestion de l’offre verra un autre jour, malgré une entente.

 

Pour le Canada, l’enjeu est considérable. Avec l’Europe, le Canada tente d’intégrer le groupe sélect des pays ayant des accords de libre-échange avec deux continents majeurs. L’ALENA avec les Américains et les Mexicains, signé il y a plus de vingt ans, est vraiment notre dernière entente de libre-échange d’envergure. L’ère Chrétien et Martin n’a pas produit grand-chose, outre quelques visites impromptues en Chine. Le gouvernement Harper est le premier depuis des lunes à prioriser le commerce international, mais les résultats concrets tardent toujours à se faire sentir. Malgré un huard à parité, notre partenaire le plus important demeure toujours les États-Unis. L’état piteux de notre secteur manufacturier nous rappelle notre précarité envers la valeur du dollar canadien. Puisque les Américains s’appuient ces jours-ci sur une monnaie anémiée pour remettre de l’aplomb dans leur économie vacillante, le gouvernement Harper reconnaît que le Canada doit miser sur d’autres marchés.

 

L’Europe aussi a beaucoup à gagner avec une entente. Il va sans dire que l’Europe agonise, et les bonnes nouvelles économiques se font rares. Il est surprenant que le vieux continent tente de signer avec nous une première entente avec un pays développé. L’Europe n’a jamais réussi à le faire par le passé. Par conséquent, la valeur symbolique des négociations canado-européennes n’est pas sans importance pour nos partenaires de l’autre côté de l’Atlantique. Surtout, le Canada représente une chance inouïe pour l’Europe d’avoir accès au lucratif marché américain, difficilement accessible pour eux normalement.

 

Pour arriver à une entente, il est possible qu’une réforme de la gestion de l’offre doive refaire surface. Il est tout à fait normal qu’on garde les sujets les plus sensibles sur la table jusqu’à la toute fin des négociations. Les Européens s’intéressent particulièrement à notre marché fromager et tentent d’élargir leur quota d’importation à tarif préférentiel. Avant la fin des négociations, ce quota pourrait augmenter davantage, froissant potentiellement d’autres pays qui tentent aussi de pénétrer le marché canadien. Certains de ces pays sont membres de l’Accord de partenariat transpacifique, un regroupement que le Canada vient de joindre au cours des derniers mois.

 

La position canadienne, d’être favorable au libre-échange tout en maintenant la gestion de l’offre, arrive tranquillement à sa fin utile. Une entente avec l’Europe permettra vraisemblablement à la gestion de l’offre de survivre, et notre ministre de l’Agriculture Gerry Ritz y veille. D’ailleurs, vu sa position ferme du maintien de la gestion de l’offre, le Canada est l’un des seuls pays qui incluent toujours son propre ministre de l’Agriculture dans les négociations.

 

En revanche, ce n’est qu’une question de temps avant que le Canada soit forcé de reconsidérer ce mécanisme caduc pour une agriculture qui tente désespérément de se moderniser. Pour les négociations éventuelles qui entourent l’Accord de partenariat transpacifique, il ne faut pas être surpris si le Ministre Ritz n’est pas invité aux discussions.