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le Mercredi 2 novembre 2011 0:00 Volume 29 Numéro 06 Le 2 novembre 2011

Le nouveau visage de l’agriculture au Témiscaming

Le nouveau visage de l’agriculture au Témiscaming
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Le visage de l’agriculture change au Témiskaming. La ferme familiale est de moins en moins une réalité au fur et à mesure que les gros producteurs s’imposent. Bien que la production de lait se maintienne, il faut moins de producteurs qu’il y a quelques décennies pour en arriver à la même quantité.  « Quand j’ai commencé, on était 17 producteurs laitiers sur mon rang. Aujourd’hui, il en reste 3 et ils produisent plus de lait qu’autrefois », fait remarquer Albert Gauthier, producteur laitier à la retraite. Cependant, la réalité est différente pour le côté animal : la production de bœuf est en déclin.

Là où on remarque l’évolution la plus importante est la présence d’une agriculture dite plus industrielle. Au cours des dernières années, les gros joueurs prennent de plus en plus de place. Ça se voit facilement avec la construction de silos à grain tout neufs qui poussent comme des champignons.

De gros producteurs

Depuis quelques années, la famille Kock fait sa marque dans les grandes cultures. Elle achète et loue de plus en plus de terres, assez pour tenir occupé une équipe de 25 employés. Leur ferme qui s’est associé avec le géant Parrish and Heimbecker Ltd. a un chiffre d’affaires annuel qui oscille autour de 2 600 000 $. Son installation à l’opposé de l’entrée d’Earlton comprend plusieurs énormes silos. Sa stratégie de mise en marché met en valeur son accès à la voie ferrée d’Ontario Northland, ce qui le connecte avec tout le pays. En plus de la gamme complète des services d’élévateurs à grain, Norm Kock Agri Sales Farms offre du travail agraire à forfait. Cette année, l’entreprise a cultivé 11 000 acres.

La famille Miller possède aussi un autre élévateur, plus modeste, dans la région de Thornloe. Ces deux frères font également de la culture à grande échelle.

À Earlton, l’élévateur de David Shill ne passe pas non plus inaperçu. Son entreprise agricole a cultivé entre 10 000 et 11 000 acres cette année.

La compagnie Wabi Valley Elevators, située sur le chemin de Milberton, a quant à elle un chiffre d’affaires annuel de 1 à 1,5 million de dollars. Elle produit, entrepose, empaquette et transporte du blé, des pois jaunes, du lin, du canola de l’orge, ainsi que de l’avoine.

Les installations de la Coopérative régionale Nipissing-Sudbury ne datent pas d’hier. Les premiers silos avait été construits par les cultivateurs locaux qui avait contribué à hauteur de 10 000$ chacun afin de doter la région d’un lieu d’entreposage de céréales pour profiter de la possibilité de la vente de grands volumes de céréales aux meilleurs prix toute l’année. L’aventure avait mal tourné et la Coopérative était venue à la rescousse. Aujourd’hui, elle s’affaire à construire des solos neufs. Selon un employé de la Coop, la venue des gros joueurs a réduit de près de moitié les petits producteurs de céréales de la région.

Le dernier joueur dans la production céréalière à grande échelle est Peter Grant. Après avoir fait faillite avec son usine d’Englehart, Grant Forest Products, l’homme d’affaires a depuis décidé d’investir en agriculture. Il possède d’ailleurs l’élévateur le plus imposant élévateur de sa région : quatre silos de 1 500 tonnes métriques chacun, six hottes de moulin de 330 tonnes métriques, six silos suspendus de 60 tonnes métriques et un séchoir à grains LMN à la fine pointe de la technologie. Son fonctionnement entier est contrôlé par ordinateur.

Parmi les services offerts chez The Grant Farms, on y retrouve entre autres l’achat de céréales et de plantes oléagineuses, le séchage et l’entreposage, la vente et l’épandage de fertilisant liquide et la vente de fertilisants en granules, des insecticides et des fongicides.

 

Cette année Peter Grant a cultivé 6 000 acres et l’an prochain ce sera encore bien plus. Il a procédé à l’achat de nombreuses terres dans la région de Brethour et Belle Vallée dernièrement. D’ailleurs, on dit qu’il vise à augmenter ses terres en culture à 15 000 acres et pour y arriver, il a retenu les services d’une compagnie locale de drainage agricole pour une période de 5 ans.

Mécontentement et espoir

Il existe une certaine ambivalence dans la communauté agricole au sujet de l’entreprise de Peter Grant dû au fait qu’il achète plusieurs terres à un bien meilleur prix qu’on les évaluait. Au Témiskaming, un acre drainé valait environ 1 500$, mais Peter Grant monte la mise jusqu’à 2 700$; une hausse de 55% que toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre.

 

Les cultivateurs qui n’entrevoient pas la possibilité de relève voient la vente de leur terre comme un cadeau inespéré, alors que les agriculteurs qui désirent agrandir leur entreprise le perçoivent comme un frein à leurs projets d’agrandissement. Ils ont un sentiment que M. Grant fausse la donne avec son argent facile. Pierre-André Groux, un cultivateur de Nédelec à 30 minutes de New Liskeard, affirme que l’« effet Grant » se fait sentir jusque-là et les propriétaires terriens du coin patientent dans l’espoir de conclure une vente fructueuse, au grand dam des cultivateurs ambitieux.