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le Jeudi 22 novembre 2012 0:00 Volume 30 Numéro 07 Le 23 novembre 2012

Ma vache est-elle une mauvaise brouteuse ?

Ma vache est-elle une mauvaise brouteuse ?
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Est-ce que les vaches savent quoi manger ou y vont-elles au hasard des bouchées ? C’est la question que s’est posée Darrel Emmick PhD, un consultant en gestion des pâturages lors d’une conférence à la Ferme Rêveuse à Curran dans l’Est ontarien le 23 octobre dernier.

La première partie de la conférence traitait de comportements alimentaires des vaches au  pâturage. La deuxième partie traitait des facteurs qui pouvaient limiter l’ingestion de matière sèche (MS) au pâturage et des façons de l’améliorer.

Deux systèmes différents
Le conférencier a expliqué que depuis 60 ans, les humains considèrent les vaches comme des machines à faire du lait qu’il faut forcer à rentrer dans le système productiviste. Ce faisant, on passe outre le fait qu’elles soient des ruminants et par exemple on leur calcule des rations juste assez riches en fibres pour éviter qu’elles ne tombent malades.

Dans les systèmes de pâture qu’il propose, on laisse les vaches pâturer naturellement et choisir leurs bouchées. Cependant, pour rendre efficace la haute production de lait au pâturage, il est nécessaire de respecter certaines règles précises (diversité des plantes, stade de pâture…), mais surtout de comprendre les comportements alimentaires du ruminant collectant sa ration.

Je broute donc je suis.
En tant que machine parfaite à brouter, la vache laitière utilise ses sens, soit la vue, l’odorat, le toucher et le goût entre chaque bouchée, au rythme de 40 à 60 bouchées par minute. On peut imaginer la complexité du circuit de l’information voyageant à toute allure entre les poils sensoriels situés sur le mufle et le cerveau, sans compter les rétroactions de l’estomac. Les vaches sont donc bien équipées pour faire un choix conscient de ce qu’elles mangent et il convient d’utiliser au mieux cette adaptation au  pâturage. Travailler avec la Nature plutôt que contre elle pourrait être une définition du pâturage.

Les facteurs qui limitent l’ingestion
M. Emmick a également expliqué que l’ingestion de matière sèche (MS) dépend du type de vache, de son état physiologique, de l’environnement, de sa condition physique et de ses expériences précédentes avec la nourriture. Les vaches broutent huit heures par jour. Si la qualité du pâturage est faible (composition prairiale, maturité…) ceci  réduit le rythme de broutage et l’ingestion de MS en est réduite. Il faut donc, pour maximiser chaque bouchée, lui offrir un pâturage riche (8 à 10 pouces) composé d’au moins deux espèces de plantes. Un autre facteur limitant la consommation du pâturage est l’apport de concentré à l’étable avant la mise à l’herbe. Plusieurs études menées par le conférencier ont permis de montrer que les vaches changeaient leur comportement alimentaire au pâturage en fonction de la quantité et les valeurs nutritives des grains servis. Le message n’était pas de ne pas complémenter les vaches, mais de comprendre qu’à partir d’un certain niveau leurs performances au  pâturage s’en trouvaient pénalisées. 

Un autre facteur qui limite l’ingestion de MS au pâturage est la plante elle-même. Une plante fourragère qui subit une sécheresse par exemple produit des toxines, une odeur ou un goût répugnant pour la vache. Elle signifie à l’animal qu’il n’est pas le temps pour lui de la manger, car elle est en plein processus de reconstitution de ses réserves suite à un stress.

À ruminer
Le message délivré lors de cette conférence en étable fut donc de mieux comprendre l’animal avec lequel nous travaillons. Avant les allées sablées, le système d’abreuvement et les clôtures, il y a le comportement de la vache à apprendre. C’est à cette condition seulement que nous rendrons réellement performant la production de lait à partir du  pâturage. 

 

Un grand merci à la famille Schneider de Curran pour avoir organisé et hébergé cet événement.

Pour plus d’information: Managing Pasture as a Crop – University of Vermont