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le Mercredi 18 mai 2011 0:00 Volume 28 Numéro 18 Le 18 mai 2011

Miser avant tout sur la ferme familiale et des systèmes de mise en marché locaux

Miser avant tout sur la ferme familiale et des systèmes de mise en marché locaux
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Rencontre avec Monsieur Joe Dama, coordonnateur pour la région de l’Ontario de la National Farmers Union (NFU).

Dans le cadre de notre série sur les organismes agricoles accrédités de l’Ontario, Agricom a rencontré pour vous M. Joe Dama qui est le coordonnateur provincial de la NFU, un organisme pancanadien qui compte quelques 5 000 membres répartis dans toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec. Près de la moitié de ses membres proviennent de l’Ontario. Cet organisme issu de la fusion en 1969 d’organismes de quatre différentes provinces a reçu son accréditation selon la loi de 1993 de l’Ontario, lui permettant de percevoir des cotisations statutaires des entreprises agricoles il y a à peine une dizaine d’années. Elle a présentement une vingtaine d’associations locales en Ontario.

Agricom : M. Dama, qu’est-ce qui distingue le NFU des autres organismes agricoles accrédités de l’Ontario ?

Joe Dama : Nous pensons que plus que toute autre organisme, nous faisons la promotion des politiques qui revitalisent l’agriculture en renforçant les fermes familiales. Nous faisons la promotion de structures de politiques gouvernementales qui résistent aux contrôles par les grandes corporations des systèmes de production et de distribution des aliments.

Agricom : Quels sont aujourd’hui les enjeux les plus importants pour les agriculteurs ontariens ?

Joe Dama : Il y en a plusieurs, mais le plus important à ce moment-ci c’est la protection et l’amélioration de nos programmes de gestion du risque. Nous avons le programme Agri-stabilité qui a besoin d’améliorations. Par exemple, nous pensons que le programme doit plafonner les prestations aux agriculteurs pour faire en sorte que l’argent aille davantage les petites fermes familiales et moins aux grandes entreprises.

Il y a aussi toute la question de la place qu’occupent les grosses entreprises dans la mise en marché. Elles occupent presque toute la place, prennent la part du lion des profits et laissent au gouvernement le soin d’aider les agriculteurs à survivre. Il faut renverser cette situation.

Agricom : Comment peut-on changer cette situation ?

Joe Dama : Il n’y a pas de solution magique, mais il y a un ensemble de solutions que les agriculteurs, les consommateurs et les gouvernements doivent ensemble favoriser. Par exemple, il faut renforcer le rôle de nos commissions de mise en marché des grains. Par exemple, le Ontatio Wheat Producers’ Marketing Board (Commission ontarienne de mise en marché du blé) ne fait présentement  la mise en marché que de 18% du blé ontarien. Elle s’occupe surtout de lobby et de la promotion. Il faut aussi créer de nouvelles coopératives de transformation et de mise en marché qui appartiennent aux agriculteurs. Enfin, il faut encourager les marchés locaux et la vente directe des produits aux consommateurs sans intermédiaire.

Agricom : Quelles sont aujourd’hui vos plus grandes craintes ?

Joe Dama : Ce sont les négociations commerciales internationales en cours. J’entends de plusieurs sources fiables que le gouvernement Harper a tout mis sur la table et qu’il est prêt à sacrifier nos commissions de mise en marché et aussi nos systèmes de gestion de l’offre.

En ce qui a trait à la gestion de l’offre, ce serait la catastrophe car ces systèmes sont très avantageux pour les agriculteurs et les consommateurs et ils ne coûtent rien aux payeurs de taxes. Bien sûr, ils ne sont pas parfaits. Il y a le problème du coût très élevé pour les jeunes qui veulent prendre en main ou lancer une nouvelle entreprise, mais nous avons commencé à élaborer des solutions créatives à ce problème.

En fait, le problème de la relève nous préoccupe énormément. Il faut trouver moyen d’inviter nos jeunes à envisager des carrières en agriculture. Là encore, il n’y a pas de solution miracle, mais un ensemble de mesures pourraient aider. Je pense par exemple à de la formation professionnelle à bas coût, à des incitatifs fiscaux pour les jeunes, à du mentorat et à des compensations pour les agriculteurs ainés qui seraient prêts à aider la relève. Mais je pense toujours que l’élément de solution le plus important est de faire en sorte que les forces du marché puissent s’ajuster pour offrir aux agriculteurs un revenu comparable à d’autres secteurs qui exigent autant de travail d’expertise et de capitaux.

Agricom : Quelles sont les priorités à long terme de votre organisme à ce moment-ci ?

Joe Dama : Nous pensons que l’application du concept de souveraineté alimentaire qui résultera d’une stratégie nationale de l’alimentation est absolument nécessaire pour assurer l’avenir de l’agriculture canadienne, tant pour les agriculteurs que pour les consommateurs.

Concrètement, ceci veut dire que nous devons viser à ce que les Canadiens consomment plus de produits canadiens. Nous devons aussi faire en sorte que tous les produits alimentaires consommés au Canada soient assujettis aux normes de qualité et de salubrité canadiennes qui sont souvent supérieures à celles des autres pays. Pour y arriver, il faudra entre autres encourager les produits locaux et des entreprises locales.             

Enfin, cette stratégie doit viser en tout temps à assurer la durabilité de l’agriculture canadienne et à la protection de l’environnement pour les générations à venir. Compte tenu du coût des transports qui sont appelés à grimper en flèche, il nous en coûtera de plus en plus cher pour importer nos produits. Si on y ajoute par surcroît les coûts environnementaux, je pense que le bilan indiquera que les produits canadiens seront la meilleure aubaine pour les consommateurs canadiens.

Agricom : Merci M. Dama.