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le Vendredi 8 juillet 2005 0:00 Le 8 juillet 2005

Pas de dossier criminel pour l’agriculteur qui a déposé une vache morte chez son député

Pas de dossier criminel pour l’agriculteur qui a déposé une vache morte chez son député
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Pierre Etter, ce producteur laitier de Sarsfield qui avait abandonné la carcasse d’une vache morte en mars dernier dans l’entrée de cour de son député fédéral, l’honorable Don Boudria, pourra continuer à voyager librement à l’extérieur du pays. La couronne a décidé de retirer l’accusation de « méfait », une accusation criminelle qui pesait contre lui.

Par contre, il écope d’une amende de 750$ après avoir plaidé coupable à une accusation de ne pas avoir disposé de façon légale de la carcasse d’un animal mort.

Depuis le 21 juin, le producteur laitier de Sarsfield, Pierre Etter, est un homme visiblement soulagé mais toujours aussi fier du geste qu’il a posé. « J’espérais beaucoup qu’on retire l’accusation criminelle de méfait qu’on avait logée contre moi car ça aurait pu me causer des embarras, comme pour voyager à l’étranger par exemple, mais je ne regrette nullement mon geste », a-t-il déclaré à Agricom.

M. Etter s’est même permis d’en rajouter dans une déclaration qu’il a lue au juge lors de son procès, dont Agricom a obtenu copie.

Dans cette déclaration au juge, il se dit découragé et humilié des prix dérisoires qu’obtiennent les agriculteurs pour leurs vaches de réforme alors que le prix du boeuf haché dans les magasins a à peine fléchi. Il évoque les pertes financières énormes que subissent les agriculteurs et le stress que cela engendre dans les familles agricoles et en particulier auprès de la relève pour expliquer son geste.

Il admet sans détour et avec même une certaine fierté, avoir posé le geste dont on l’accuse afin de « protester contre l’indifférence des différents paliers de gouvernements à l’égard de notre profession ».

« J’ai posé ce geste au nom de tous les éleveurs et des familles agricoles au travers du pays. L’appui que j’ai reçu de la population m’a démontré que le problème est plus que sérieux », a-t-il ajouté.

Il termine son plaidoyer au juge en disant « je vous laisse réfléchir à la pénalité que vous allez m’imposer, mais à mon avis, nous les agriculteurs, avons déjà payé largement le prix ».

Un juge qui se montre sympathique

Les accusations criminelles ont été retirées quelques jours avant le procès suite à une entente intervenue entre le procureur de la couronne Me Joseph Selvaratnam et celui de l’accusé Me Cornelia Miculshi.

« Le juge J.P. Wright qui a entendu la cause a été très sympathique à notre égard », a déclaré M. Etter à Agricom. « Il a bien écouté ma déclaration et il a déclaré par la suite pouvoir bien comprendre les frustrations des agriculteurs ».

À un moment donné, il a même songé à blanchir l’accusé de l’accusation d’avoir disposé illégalement d’un animal mort, puisque l’animal avait été récupéré par un équarisseur professionnel dans un délai plus court que le délai maximum prévu par la loi, soit 48 heures. Après un entretien avec les deux avocats, le juge a accepté de reconnaître l’accusé coupable, puisque celui-ci avait plaidé en ce sens après avoir clairement et publiquement admis avoir posé les gestes qu’on lui reprochait. Le magistrat a aussi rappelé à l’accusé que nul n’a le droit de poser des gestes illégaux pour faire valoir un point de vue.

Rappelons que c’est au cours de la nuit du 3 au 4 mars que M. Etter a déposé la vache morte congelée dans l’entrée de cour de son député fédéral Don Boudria suite à une réunion houleuse d’agriculteurs qui avait eu lieu la soirée même. Il avait annoncé publiquement qu’il poserait ce geste lors de la réunion. Le lendemain matin, il convoquait la presse pour expliquer son geste délibéré, qui n’avait causé aucun dommage et occasionné aucun danger.

La ferme de M. Etter est située à quelques minutes du domicile du député Boudria. « Je n’ai jamais voulu viser personnellement mon député ou sa famille », a souvent déclaré M. Etter. « Je visais le gouvernement canadien et il en était le symbole le plus accessible », a-t-il tenu à réitérer.