La jeune femme a grandi en ville dans une maisonnée sans animaux. Dès son plus jeune âge, elle sait qu’elle en aura. Un jour. « Je trouvais qu’on n’avait pas assez de produits de lait de chèvre, j’ai donc décidé de me lancer dans l’élevage. Une chèvre, c’est idéal parce que c’est facile à manipuler pour une femme. » Mais après quelques années, l’entreprise laitière qui achète sa production lui demande de réduire des deux-tiers, faute de demande. Le seuil de profitabilité n’y est plus. Marie-Estella doit trouver une autre avenue pour ne pas perdre sa ferme.
Et si…?
Un ami lui parle d’un concept intéressant: et si elle transformait la ferme en halte routière pour le bétail en transit? L’éleveuse creuse l’idée et se renseigne auprès d’une entreprise existante à Thunder Bay. Après une courte formation, elle apporte des modifications mineures à sa ferme. Chèvres laitières de Hearst devient Cattle Lodge Feed and water rest area for Livestock.
« Le principe est simple: nous sommes situés sur la route qui mène aux abattoirs et les camionneurs sont invités à arrêter chez nous pour la nuit. On prend en charge les animaux (vaches, porcs, chevaux), on leur donne les meilleurs traitements avant qu’ils reprennent la route. Mon mari Alex Rancourt accueille les camionneurs et c’est lui qui rembarque les animaux dans la remorque. Les producteurs nous avisent à l’avance de l’arrivée des camions », précise la femme d’affaires.
Une histoire d’amour
Pour Marie-Estella, les animaux, même en transit, ne sont pas qu’une source de revenus. « Je veux leur donner la meilleure nourriture, de l’eau et des soins comme on le ferait pour un humain. J’adore les animaux. Nous avons une douzaine de vaches, des chèvres et d’autres que nous élevons nous-mêmes. »
Bien connue des services publics, la ferme est souvent appelée en cas d’incident sur la route. « Un jour, un camion a pris feu et le conducteur a dû ouvrir les portes de la remorque pour sauver le bétail. On m’a appelé pour organiser la récupération des vaches dans la forêt en bordure de la route. Dans la neige, avec des barrières, on les a dirigées vers les remorques, mais quelques-unes nous ont échappées et n’ont pas été revues », se souvient-elle.
Parmi ses souvenirs, il y a ce conducteur impatient qui a décidé de récupérer lui-même ses porcs dans la grange avant le lever du soleil. « Sauf qu’il s’est trompé et il est parti avec les porcs d’un autre camionneur. On a interdit l’accès libre aux bâtiments depuis! »
À vendre
Cattle Lodge est à vendre depuis peu. Les propriétaires rêvent d’une petite ferme sur l’Île-du-Prince-Édouard où ils vivront leur passion à une échelle plus humaine. Marie-Estella et Alex sont à la recherche d’un acheteur ayant à cœur le bien-être des animaux. L’entreprise d’un genre plutôt rare peut garder son statut d’hébergement pour animaux ou être convertie, étant située en territoire non-organisé.
« J’ai tout donné », dit-elle. « Je n’ai pas d’enfants. Il est temps pour quelqu’un d’autre de prendre la relève. » Qui sait, ça pourrait être vous!