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le Lundi 24 février 2020 11:01 Volume 37 Numéro 7 - Le 14 février 2020

Une nouvelle technologie pour traiter le lisier porcin

Une nouvelle technologie pour traiter le lisier porcin
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L’entreprise Solugen est située dans l’agglomération métropolitaine de la ville de Québec, plus précisément à Saint-Romuald. Fondée en 2015, la jeune entreprise développe, fabrique et commercialise des systèmes de traitement d’eaux usées pour le monde agricole et industriel.

Une de leur récente percée est le traitement du lisier porcin. Le lisier porcin est une problématique dans le milieu agricole pour diverses raisons. Tout d’abord, lors de l’entreposage de celui-ci, il y a une forte émission de gaz à effet de serre (GES) à cause de la digestion anaérobique du lisier, ainsi que durant le transport et l’épandage, le tout sous forme de méthane. De plus, la population environnante des porcheries reproche souvent les fortes odeurs pouvant émaner des installations. Également, une eutrophisation des cours d’eau est possible. L’enrichissement des sols en phosphore suite à l’épandage de lisier aux champs peut causer une possible contamination des cours d’eau. Une grande superficie de terres agricoles est aussi requise pour l’épandage et pose parfois problème.

Au Québec le premier système a été installé à Ste-Agathe de Lotbinière en 2019 et est en observation scientifique. « On est suivi aussi au niveau gouvernemental avec le gouvernement du Québec […] et donc régulièrement on doit faire parvenir des rapports d’évolution avec des résultats d’analyses qui ont été faits par un institut scientifique, » explique Patrick Vidal, directeur de la mise en marché chez Solugen en entrevue avec Agricom.

Le système de Solugen comporte deux procédés. Le premier est un prétraitement qui consiste en une séparation du solide et du liquide, alors que le second est le traitement principal par évaporation azéotropique (se dit d’un mélange de deux liquides dont l’ébullition se fait à température constante et dégage une vapeur de même nature que le mélange).

Le lisier de porc n’est pas envoyé à une fosse comme à la normale, mais plutôt directement au bâtiment de filtration grâce à des conduites. Le lisier est traité de façon continue et réduit la nécessité pour les producteurs d’acheter ou de louer des champs pour épandre le lisier contenu dans leurs fosses et diminue considérablement les odeurs émanant des installations traditionnelles.

La séparation du lisier comporte plusieurs sous-étapes afin de diviser les parties solides et liquides. La partie solide du lisier représente 10 % du volume initial et comprend 85 % du phosphore contenu dans le lisier et de l’azote. Dans la partie liquide, on retrouvera après le procédé 84 % du volume initial de lisier sous forme d’eau pure pouvant être réutilisée par la porcherie ou rejetée dans l’environnement sans risque de contamination. Du volume initial à traiter on retrouve aussi 1,5 % d’azote ammoniacal et 4,5 % de bioliquide potassium.

Voici les différents sous-produits résultants du procédé de Solugen pour le traitement du lisier porcin.
De gauche à droite : eau pure extraite du lisier, azote ammoniacal liquide, bioliquide potassium , fraction liquide avant traitement et fraction solide après la séparation liquide-solide. Photo Gracieuseté Solugen

Avantages du système

Cette technologie permet une réduction importante de GES ; de 90 à 95 % des émissions de GES normalement produites sont réduites sans compter l’économie réalisée avec la réduction massive de transport et d’épandage.

Le système est aussi entièrement automatisé ce qui est très utile et permet de contrôler le tout à distance en plus d’avoir un suivi rapproché de toute l’opération.

De plus, le procédé en circuit fermé permet une récupération de la chaleur qui est produite pour porter à ébullition le lisier liquide pour chauffer le lissier à son arrivée dans l’évaporateur.

Le système de traitement est aussi peu énergivore en plus de fonctionner à l’hydro-électricité. À peine 30 kWh sont nécessaires pour traiter un mètre cube de lisier porcin.

Un tel système vient avec son coût d’installation et d’opération. L’installation d’un système pouvant traiter 10 000 m3 de lisier par année est d’environ 850 000 $ alors que pour un système pouvant traiter 20 000 m3 la facture s’élève à 1 350 000 $. Pour les frais d’exploitation, il repose sur l’hydro-électricité et au Québec il en coûterait environ 2,10 $ pour traiter un mètre cube de lisier et 0,60 $ pour la chaux. Patrick Vidal explique que l’entreprise ne s’arrête pas là cependant  : « On est toujours en phase d’amélioration continue […] améliorer la solution pour la diminuer en taille et simplifier le processus et le rendre plus financièrement accessible et compétitif aussi. »

« Au niveau de la maturité de la technologie, selon les normes canadiennes on a atteint la Norme de maturation technologique (NMT), niveau 8, ce qui veut dire que la technologie a été validé techniquement et elle a passé le cap de la vitrine technologique et nous sommes prêts à commercialiser. » souligne le directeur Vidal.

L’entreprise Solugen indique par ailleurs qu’ils travaillent actuellement sur un projet avec une municipalité près de la région de Québec pour une vitrine technologique pour traiter cette fois des eaux industrielles.   Également, en ce qui concerne le traitement du lisier porcin Patrick confie : « On travaille sur trois projets, un ou deux au Royaume-Uni et en Angleterre et un autre en France avec un déploiement qui devrait se faire dans les un an à 18 mois à peu près. »

La recherche et le développement de solutions pour traiter les eaux usées sont devenus primordiaux dans les dernières années avec le souci de la population de réduire la contamination de l’environnement. Ainsi Solugen espère améliorer les conditions en contribuant à la purification des eaux industrielles et agricoles, dont le traitement du lisier porcin.

Monsieur André Beaulieu Blanchette est président de l’entreprise Solugen. Il est ici devant les installations de Ste-Agathe de Lotbinière. Photo Gracieuseté Solugen.