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le Mercredi 23 mars 2011 0:00 Volume 28 Numéro 14 Le 23 mars 2011

Accéder à l’inaccessible

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« La production d’oeufs est fermée aux nouveaux venus. Le prix du quota et la façon qu’il se transige rendent un démarrage impossible, à moins que la famille soit déjà en production. »

Ces affirmations, les leaders syndicaux des producteurs d’oeufs du Québec les ont tellement entendues, qu’ils ont décidé de changer les choses. Leur programme d’aide au démarrage (prêt de quota à vie de 5000 pondeuses) ne fut que le début.

Deux nouveaux programmes de la Fédération des producteurs d’oeufs de consommation du Québec (FPOCQ) marquent le début d’une nouvelle ère de transparence et d’accessibilité des quotas. Fonctionnent-ils vraiment? « C’est certain! », vous dirait un producteur de 34 ans qu’Agricom a visité récemment.

Faites connaissance avec Nicholas Tremblay. Le poulailler qu’il a bâti à partir de rien en 2008 est un bel exemple d’un rêve qui se réalise, grâce à la solidarité entre producteurs, beaucoup de détermination et un peu de chance.

Après avoir obtenu un diplôme en agronomie de l’Université McGill, Nicholas Tremblay a été embauché au couvoir de Victoriaville de La Coop fédérée. Un an plus tard, une compagnie pharmaceutique retenait ses services, pour desservir les producteurs de porc et de volaille.

À Sainte-Julie, au sud de Montréal, notre jeune agronome entreprend de monter une modeste production de poulet. Tout est en place pour l’achat de 300 mètres carrés de quota, mais le projet avorte pour une question de distances séparatrices.

En 2006, Nicholas Tremblay devient l’un des quatre finalistes pour l’obtention du tout premier prêt de quota à vie pour 5000 pondeuses de la FPOCQ. Le tirage au sort a favorisé un couple de producteurs de porcs de Chaudière-Appalaches.

L’année suivante, la candidature de Nicholas Tremblay s’est hissée parmi les cinq meilleures, sur 26. Cette fois-ci, la chance fut de son côté au moment du tirage au sort parmi les cinq finalistes.

« Le concours est très exigeant. C’est sérieux, insiste le gagnant. La Fédération nous oblige à tellement bien préparer notre candidature qu’une fois qu’on est choisi, on ne panique pas! »

« Je suis un agronome de formation et j’étais destiné à travailler dans le domaine, en pensant que ce serait impossible de devenir producteur », ajoute-t-il.

En mai 2008, Nicholas Tremblay commence à construire le poulailler sur une terre qui avait appartenu à son grand-père à Saint-Ambroise, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le bâtiment de 20 par 200 pieds sera complété en septembre, avec un poste d’emballage et une pièce réfrigérée. La ferme s’appellera « Les poules à Meggy », du nom de sa première fille.

Les 5000 poules arrivent et les débuts sont difficiles, puisque sa conjointe Amélie Audet doit rester à Saint-Hyacinthe pour terminer un diplôme d’études vétérinaires. Elle visite Nicholas et Meggy à chaque fin de semaine.

Gilles Aurélien Tremblay, le père de Nicholas, vient en renfort. Pour joindre les deux bouts, Nicholas accepte de travailler pour la même compagnie pharmaceutique, à raison de trois jours semaine. 

Tous les moyens d’accroître la production sont envisagés. Une productrice qui siégeait au conseil d’administration de la FPOCQ lui témoigne de son enthousiasme en offrant de lui vendre du quota dont elle souhaite se départir.

Nicholas Tremblay achète du quota directement de cette productrice. Il en convainc d’autres de lui louer le quota pour lequel ils n’ont pas de place sur leurs fermes.

Deux nouveaux programmes sont venus lui faciliter la vie, pour accroître la rentabilité de sa ferme. Emboîtant le pas aux producteurs de lait du Québec, la FPOCQ a mis sur pied un système centralisé de vente de quota.

« Nous voyions que c’étaient surtout les grosses exploitations qui étaient favorisées par les transactions de quota de gré à gré », soutient Philippe Olivier, responsable des communications à la FPOCQ.

Le nouveau système centralisé est géré par le Groupe Agéco, une firme de recherche indépendante. Le système se veut transparent, avec des ventes environ quatre fois par année. Les vendeurs établissent leur prix en secret et les acheteurs enregistrent leur mise. Par un système d’« enchère tronquée », ceux qui misent trop haut ou trop bas sont écartés, le quota disponible étant distribué à ceux qui avaient deviné exactement le prix demandé par le ou les vendeurs.

« Le système est fait pour trouver un prix d’équilibre, soutient Philippe Olivier. Ce n’est pas celui qui fait la plus haute mise qui l’emporte. »

Nicholas Tremblay a réussi à acheter un peu de quota avec ce nouveau système. Par contre, il croit qu’un plafond devrait s’appliquer au prix du quota, comme cela se fait déjà pour le lait. Pour un jeune producteur comme lui, le prix doit être raisonnable et prévisible, dit-il.

La plus grande part de l’augmentation de production chez Les poules à Meggy est réalisée avec du quota loué. Ici aussi, la FPOCQ est intervenue pour améliorer les règles du jeu.

Le quota en location provient principalement des producteurs dont les bâtiments sont remplis à capacité, mais qui reçoivent du nouveau quota à partir des allocations rendues possibles par l’augmentation de la consommation. Très souvent, ce quota aboutissait entre les mains des couvoirs ou des meuneries, qui le louaient à un producteur à condition qu’il leur achète ses poussins ou sa moulée.

Tout le nouveau quota en location est maintenant administré par la FPOCQ, qui le combine à ses propres réserves. Une fois par année, ce quota est rendu disponible à un prix fixe, à tous ceux désirant le louer.

« Il est très intéressant de produire avec ce quota loué », reconnait Nicholas Tremblay.

Trois ans après le démarrage, la production a presque doublé.  « Nous sommes très contents de ces programmes, affirme Nicholas Tremblay. Il y a eu une part de chance dans l’obtention du prêt de quota de 5000 pondeuses, mais pour le reste, nous faisons notre propre chance. On travaille très fort pour démontrer que nous sommes des producteurs d’oeufs sérieux et qu’on ne se contente pas de ce prêt de quota à vie. »