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le Mercredi 11 Décembre 2013 5:00 Volume 31 Numéro 08 Le 6 décembre 2013

L’innovation : une culture familiale

L’innovation : une culture familiale
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« C’était soit qu’on lâchait et qu’on déclarait faillite, soit on se retroussait les manches », affirme Denise Laframboise, propriétaire d’une ferme laitière, au nord d’Earlton. Ces mots peuvent sonner crève-cœur, mais ils sont plutôt une preuve de la détermination de cette famille agricole qui a vécu beaucoup d’événements pénibles en l’espace de quelques mois.

Comme si l’épreuve de reconstruire une étable neuve après l’incendie de leur ferme, en 2002, n’était pas déjà suffisamment pénible, voilà que le sort s’abattait à nouveau sur eux. Le nouveau bâtiment était presque terminé lorsqu’ils apprennent que leur assureur a déclaré faillite.

Se retrousser les manches, voilà ce que Denise, Roland et leurs 2 fils, Lee et Kim, ont décidé de faire, un geste qu’il ne regrette aucunement aujourd’hui. En fait, on pourrait même dire qu’ils ont bénéficié des événements pour changer leurs méthodes de gestion. « Le feu a presque été une bonne affaire », avoue l’un des deux fils.

Après le sinistre, pour survivre, il fallait faire autrement pour ces producteurs qui possèdent 150 kg de quota. « On a appris comment pincer des cennes, avoue Kim. On cherche tout le temps à être plus efficace : faire du meilleur soignage, traire moins de vaches et produire plus de lait. »

Une communauté tissée serrée

D’ailleurs, les deux jeunes agriculteurs sont soutenus par toute une communauté : celle de Twitter. Chaque jour, ils consultent et alimentent le réseau social avec des photos et des commentaires.

« Si j’ai un problème, j’envoie un « twitt » et je reçois beaucoup de réponses. Puis quand je me rends à un endroit, si je passe devant la ferme de quelqu’un avec qui je « twitte », j’arrête le visiter. J’ai déjà pensé que c’était une perte de temps, mais j’ai appris gros avec ça, » affirme Lee.

Une des idées de Lee promet de changer l’agriculture au Témiskaming. C’est lui qui a introduit la culture du maïs sous plastique. Le pari était risqué, mais Lee avait fait son devoir et avait bien étudié la question : comment aller chercher les 200 unités de chaleur qui manquent pour avoir une récolte de maïs. La solution reposait dans ce plastique qui augmente la température du sol de 8 degrés au printemps.

Cette année, il y a eu 1800 unités de chaleur dans la région d’Earlton. C’est insuffisant, mais les résultats sont quand même spectaculaires. Ils ont récolté 22 tonnes à l’acre d’ensilage de maïs contre 15 à 16 ailleurs, ce qui n’est pas si mal considérant que « cet été a été le pire que j’ai connu. On a semé tard et la première gelée est arrivée le 14 septembre », confie Lee.

Aujourd’hui, la famille Laframboise peut être fière de ses résultats. Ils ont produit 3551 livres de lait par tonne de matière sèche, contre 2591 pour les autres producteurs, et le ENL (l’énergie dans l’ensilage) se situe à 1,72 contre la moyenne de 1,39 à 1,50.

Le partage de la machinerie avec une autre ferme est aussi une solution qui leur a permis en partie de tirer leur épingle du jeu. Parce qu’il y a un partage de coût, ils achètent de plus grosses machines. En cas de bris, le coût réparations est partagé entre les utilisateurs et s’il est nécessaire louer parce que les récoltes doivent se faire simultanément, ils partagent le coût de location.

Et l’innovation ne se termine pas là. L’été prochain, ces agriculteurs prévoient semer un peu de soya sous plastique. De plus, il est question d’acheter une presse à soya et à canola, de façon à utiliser l’huile comme carburant, tandis que les résidus seraient servis aux vaches. L’achat d’un biodigesteur est aussi envisagé.

Les Laframboise continuent à chercher des façons de devenir autosuffisants.

« On n’a pas besoin d’aller à Las Vegas. Le goût du risque, on le satisfait sur la ferme », conclut Rolland.