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le Mardi 12 avril 2016 11:49 Volume 33 Numéro 15 Le 08 avril 2016

Un cidre primé pour Les Vergers des pins

Un cidre primé pour Les Vergers des pins
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« Une pomme par jour éloigne le médecin », prétend le proverbe, mais « un verre par jour vous redonne énergie et jeunesse », affirme Paul Doran en appréciant la robe dorée de son cidre maison.

Puis, il en déguste une gorgée. « Ça goûte la pomme qui vient d’être cueillie! », s’exclame ce pommiculteur de Bourget, l’air enchanté. Il  vient de remporter la deuxième place en Ontario pour son produit aux arômes aussi pleins que complexes. Ainsi, le cidre des Vergers des pins a été primé lors de la conférence annuelle de l’Ontario Fruit  & Vegetable qui s’est tenue récemment à Niagara Falls.

Il faut préciser que le terme cidre (sweet cider) employé par les anglophones  correspond plutôt au jus chez les francophones. La boisson alcoolisée est le « hard cider ». C’est donc le jus 100 % pommes et sans agent de conservation de M. Doran qui a remporté la médaille d’argent.

Cette reconnaissance n’est pas sans faire un petit velours au maestro de la pomme, d’autant que c’est la première fois qu’il participait à cette compétition. Il y a bien un peu plus de 20 ans qu’il prend soin de ses vergers et qu’il presse ses fruits et une douzaine d’années qu’il fréquente la conférence presque religieusement,  mais l’idée de s’inscrire à la compétition ne l’avait pas encore effleuré avant l’automne dernier. Chaque saison, ses amis viennent lui donner un coup de main.

« Les gars m’ont dit « pourquoi bon sang tu ne te présentes pas. Ton jus est bon! »  Et voilà comment je me suis finalement amené avec mes huit litres de jus. »

Cet honneur est d’autant apprécié, que Paul Doran se considère comme un bien petit joueur sur l’échiquier de l’industrie en Ontario. Sans tambour ni trompette,  il est arrivé là-bas avec ses échantillons congelés qu’il a simplement laissé décongeler dans sa chambre d’hôtel.

C’est d’ailleurs sa façon de conserver son précieux nectar. Il le congèle. Cela limite sa production, mais il se satisfait de cette méthode qui lui permet généralement de répondre à la demande de ses clients pendant l’hiver et d’amorcer la saison suivante avec le surplus de la saison précédente avant que la nouvelle production ne vienne remplacer les réserves. Il en produit en moyenne 2 000 litres par années.

Ses secrets

Les Vergers des pins abritent 21 cultivars de pommes qui poussent à l’abri des pins, d’où le nom,  et qui jouissent par conséquent d’un microclimat qui les protège des rigueurs climatiques. Les bourgeons sont préservés des vents et des froids extrêmes qui pourraient les anéantir et les fruits ont par la suite la chance de se développer pleinement.

Du début de la saison des récoltes qui commence généralement autour de la fête du Travail, Paul Doran se rend dans ses vergers pour cueillir les fruits qui entreront dans la composition de son cidre.

« Le secret d’un bon cidre c’est d’employer le plus de sortes de pommes possible. Parfois, j’ajoute même quelques pommettes et ça vient donner une belle petite amertume. »

Ainsi, la ronde commence avec la Vista Bella suivie de la Paula Red, de la McIntosch, de la Royal Gala jusqu’à la plus tardive Golden Russett, entre autres.

« La Golden n’a pas tellement de caractère pour le jus, mais elle vient me donner mon sucre », explique le connaisseur.

Ainsi, lorsque les visiteurs repartent après l’autocueillette, le maître des lieux se remet à l’œuvre.

« J’aime beaucoup ce moment-là. Ça me permet de faire le tour des vergers, de vérifier s’il n’y a pas eu de dégâts et de voir où chacune des variétés en est rendue. »

C’est pendant ces tournées qu’il remplit les caisses de fruits croquants qui lui donneront son cidre savoureux. Toutes les pommes qui entreront dans la composition du mélange auront été prises dans l’arbre.

« On ne prend aucun fruit qui est tombé par terre. »

Un site au grand potentiel

En plus d’avoir plusieurs variétés à sa disposition, l’artisan jouit d’une palette de saveurs élargie, du fait que ses pommiers croissent dans deux types de sol. Une section est sur le sable et l’autre sur un mélange de glaise et de sable. On retrouve chacune des variétés dans les deux parties.

« Ce sont les mêmes variétés, mais elles n’ont pas le même goût. Je n’aurais jamais pensé que la terre pouvait jouer un rôle aussi grand. »

De la même façon, faire un bon cidre ne relève pas de la science exacte puisque Dame nature ne réagit pas également d’année en année.

« C’est comme pour le vin. Il n’y a  pas une année qui est pareille. »

Une chose ne varie pas cependant, c’est la passion de Paul Doran, qui dans son atelier non loin de la maison a installé son broyeur et sa presse à jus. De l’équipement de facture artisanale qui a l’avantage d’avoir été fabriqué à partir de pièces que l’on retrouve invariablement sur une ferme.

« Ici, on ne peut jamais se faire dire qu’on n’a pas la pièce. »

L’ancien ingénieur en électronique pour Bell Canada aime bien mettre la main à la pâte lorsqu’il s’agit d’améliorer ses installations. Il sait en tout cas reconnaître les bonnes occasions. C’est de cette façon qu’il a déniché sa deuxième presse qui dormait dans un hangar.

« Avec ma première presse, c’était tellement long que les gens faisaient la queue pour avoir du jus. Je me suis dit que cela n’avait plus de bon sens. »

Aujourd’hui, les gens continuent à se mettre en ligne, mais ils n’attendent pas très longtemps avant de serrer la main du propriétaire Paul Doran ou des membres de son équipe qui leur propose aussi les produits tirés du fruit du travail des abeilles qui font aussi partie du succès  de l’entreprise. Elles sont bénéfiques à plusieurs égards, entre autres parce qu’elles dévorent les insectes nuisibles, qu’elles aident à la pollinisation et qu’elles produisent ce miel si velouté qui fait aussi la fierté des Vergers des pins. L’automne prochain, on retrouvera en plus du raisin de table Concorde, cultivé sur un acre du domaine. Et maintenant qu’il est entré sur le circuit de la compétition, Paul Doran a pris la piqûre et compte bien se représenter l’an prochain. Et même peut-être dans un avenir pas si lointain, y proposera-t-il un alcool de pommes inspiré du fameux Calvados.

En attendant, il s’attaque à mille et un projets dans ce qu’il appelle ce petit coin de paradis