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le Jeudi 8 septembre 2016 12:44 Volume 34 Numéro 01 le 26 août 2016

Guy Desjardins, de fleurs et de politique

Guy Desjardins, de fleurs et de politique
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Originaire d’Orléans, Guy Desjardins avait comme terrain de jeu préféré la ferme de son voisin, l’un des derniers vestiges de l’activité agricole dans cette région. La belle grange patrimoniale se dresse encore aujourd’hui sur le chemin Saint-Joseph, à quelques kilomètres à peine de la colline parlementaire.

C’est donc très jeune, que celui qui est aujourd’hui maire de la Cité de Clarence-Rockland et président du conseil des Comtés unis de Prescott et Russell, s’est découvert un penchant pour l’agriculture.

« J’ai fait mes études en agriculture au Collège de Kemptville qui est aujourd’hui malheureusement, fermé. »

Eh oui, ce fleuron de l’enseignement agricole de niveau post secondaire a changé de vocation tout récemment.  Si Guy Desjardins a eu la chance d’y acquérir une solide formation qu’il met encore à profit comme producteur maraîcher et ornemental ainsi qu’éleveur de bœuf, il en conserve d’autant un doux souvenir que c’est là qu’il a rencontré sa tendre moitié. Originaire de Lindsay, en périphérie de Peterborough, la jeune Donna Stokes allait devenir sa partenaire de tous les instants, son bras droit en affaires et la mère de ses trois enfants, Christian, Tanya et Jason. Et ce, jusqu’à ce que la maladie en décide autrement en 2011.

Mais à l’époque, le couple de jeunes mariés élit domicile à Saint-Pascal-Baylon, petit village de la Cité de Clarence-Rockland dans l’Est ontarien. Les propriétés y sont abordables, les terres agricoles nombreuses et on y trouve la tranquillité.

Plusieurs talents

« Je savais que je voulais me lancer en agriculture, mais je ne savais pas encore dans quelle branche. Je sortais de l’école et j’étais cassé comme un clou. »

Comme on le verra, l’homme ne manque pas de détermination et a plus d’une corde à son arc. Agriculteur ce qu’il est toujours d’ailleurs et encore en mode expansion, il sera aussi homme d’affaires et gestionnaire à la tête de deux résidences pour personnes âgées et d’un immeuble à logements. Il répondra plus tard à l’appel de la politique municipale. Il est le premier à le dire, son emploi du temps est chargé. Cela ne l’empêche par pour autant de prendre un réel plaisir à échanger avec ses commettants qui l’arrête au passage ou qui en profite pour le saluer en faisant quelques emplettes à son commerce, Le jardin Desjardins. De nature joviale, il invite à la confiance et son humour ne fait jamais défaut. « Je porte bien mon nom : Des-Jardins », dit-il en riant.

Des débuts modestes

Ce qui nous ramène à ses débuts alors qu’il se lance en production végétale équipé d’une petite serre à côté de la maison et d’un jardin d’une dizaine d’acres. Pendant 23 ans on le retrouvera sur le Marché By à Ottawa et il sera président de l’Association des jardiniers. L’acquisition de 75 acres de terres, incluant une vieille grange, permettra par la suite d’installer quelques animaux à bœuf. Le troupeau compte aujourd’hui une soixantaine de têtes. S’y ajouteront 50 acres pour la grande culture.

« On a commencé avec le Limousin, mais on est en train de croiser avec le Hereford. C’est un animal plus calme et le veau est plus petit. En fait, je ne m’occupe plus beaucoup des animaux. Les fonctions de président et de maire ça me coupe beaucoup de mon temps. C’est surtout mon fils Christian qui y voit et c’est lui aussi qui cultive le maïs et le soya. »

Un homme surprenant

Et puisque nous parlons bovins, je lui demande ce qu’il pense de la décision de la Corée du sur de lever son interdiction temporaire frappant les importations de bœuf et de veau en provenance du Canada. Sans grande surprise, j’apprends qu’il voit cela d’un œil positif, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il m’informe qu’en tant qu’élu, il a commencé à tisser des liens avec la délégation coréenne à Ottawa.

« On a amené un ministre de la Corée et son adjoint à la cabane à sucre et ils ont adoré ça. Ça fait cinq fois que l’on se rencontre depuis et on a des projets. » Ainsi, un Festival de la Corée pourrait voir le jour grâce à un projet de villes jumelées entre Ottawa et la Cité de Clarence-Rockland.

Ce souci de prendre soin de ses invités se manifestait d’ailleurs envers ses pensionnaires alors qu’il était propriétaire du Vankleek Hill Heritage Lodge et du Heritage Manor à Ottawa. Bien que les deux établissements totalisaient un peu plus de 160 chambres, il insistait pour que soit servie une nourriture de qualité et attrayante, ce qu’il pouvait se permettre en mettant dans l’assiette les couleurs de ses légumes maison.

« Il y a des résidents qui chialaient parce qu’ils avaient trop d’asperges. Je ne connais pas une autre résidence où l’on en sert. On leur offrait des fraises et on organisait le « happy hour », avec des jeux et des activités. Ce fut de belles expériences. »

Son épouse s’occupait des livres et gérait l’un des établissements alors qu’il gérait l’autre à l’aide d’une employée. Puis, il décida de vendre pour revenir à un mode de vie moins stressant, en autant que l’on puisse considérer qu’investir dans l’achat de 98 acres de terrain à la sortie du village pour y aménager de nouvelles serres est moins stressant.

Aujourd’hui il se concentre sur la politique et la production de légumes et de fleurs. On peut lui serrer la main au marché fermier de Cumberland et quelques restaurateurs s’approvisionnent chez lui.

« La demande pour les légumes frais est vraiment extraordinaire. Je pourrais augmenter la production si je voulais. »

La politique

C’est en 2006 qu’il se présente comme conseiller municipal.

« Je trouvais qu’il n’y avait personne du milieu agricole sur le conseil.  Je voulais l’égalité pour le milieu rural et le milieu urbain. J’ai remplacé Ronald Lalonde mais je ne me battais pas contre lui. C’était un ami et je lui avais dit que j’étais prêt à le remplacer s’il ne se sentait pas assez bien parce qu’il avait des problèmes de santé. Je suis bien fier qu’on ait nommé la salle communautaire à son nom. »

Ainsi, les agriculteurs ont commencé à l’appelé, lui demandant généralement de l’aider dans des dossiers comme la séparation de terrains.

« J’aime à penser que j’ai pu aider. » En siégeant maintenant sur le conseil des Comtés unis de Prescott et Russell, il a la conviction de participer encore plus au processus de décision et il a à cœur de défendre ses dossiers. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’est présenté à la mairie en 2014. Le maire sortant lui avait retiré ses comités.

« J’étais frustré parce que j’aime avoir mes comités. Le maire n’avait pas aimé que je dise qu’il y aurait des charges criminelles contre lui. Mais je ne l’avais pas inventé, c’était écrit partout dans les journaux.»

Il faut dire qu’à l’époque le climat était pour le moins houleux au sein du conseil de Clarence-Rockland et que les réunions municipales défrayaient régulièrement la manchette.

Le candidat avait d’ailleurs basé sa campagne en prônant l’honnêteté, la transparence et l’unité comme vision pour le conseil et mettait un point d’honneur à ne faire partie d’aucun clan.

De fait, depuis son accession à la mairie, les gens s’étonnent presque du calme lors des séances.

« Je trouve que ça va bien à la Ville, mais je ne suis pas tout seul. Les conseillers s’entendent bien et on a de très bons employés. Au niveau des Comtés, on a le soutien des autres maires pour les dossiers importants. »

Ses priorités

En tête de liste, l’élargissement de la route de comté 17 et le maintien de la formation agricole par La Cité au campus d’Alfred sont ses priorités. Concernant ce dernier dossier il dit :

« On est en train de monter un dossier, mais je ne peux pas vraiment en parler. Lorsqu’on a rencontré le ministre Leal (ministre de l’agriculture) lors de la conférence Good Roads il nous a dit que l’an dernier il était là pour parler du même sujet et qu’il n’avait pas l’intention que cela soit encore la même chose l’an prochain. Je pense que c’est positif. Mon terme finit en décembre et je veux une réponse avant. On devrait avoir une proposition à déposer pour septembre. »

Voyant le dossier stagner, M. Desjardins avait, il y a quelques mois, tenu des propos pour le moins surprenant, allant jusqu’à suggérer de démolir le bâtiment pour y  planter une érablière. En quelques jours, le dossier était revenu à la une.

« Mon commentaire a dérangé, mais au moins cela a réveillé le monde. »

Quant à savoir s’il sera volontaire pour un deuxième mandat, il semble bien tenté.

« J’aime bien mon expérience et c’est un honneur d’être président des Comtés. Si la santé est toujours là, je ne vois pas de problème là. Mais, à 67 ans, ce n’est pas comme une bouteille de vin. On ne devient pas meilleur quand on vieillit.