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le Mercredi 5 octobre 2011 0:00 Volume 29 Numéro 04 Le 5 octobre 2011

Sous le regard du créateur

Sous le regard du créateur
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En cette dernière journée de reportages en Iowa, je me rends à Sioux Center (pop. 7000), dans le nord-ouest de l’état. Ici, les terres sont peu accidentées et l’agriculture est plus diversifiée : aux grandes cultures s’ajoutent l’élevage bovin, de nombreuses porcheries, une forte concentration de productions d’œufs et quelques très grosses fermes laitières.

 

À la frontière de l’Iowa, du Minnesota, du Dakota du Sud et du Nebraska, les terres valent cher : 9 000 $, voire 10 000 $ l’acre. Difficile de justifier ce prix en fonction des revenus de culture ou de location. On suppose que ces prix vont encore monter, de sorte qu’on pourra toujours revendre plus cher.

 

J’ai rendez-vous avec Josh Sievers, « Ag Specialist » avec l’Iowa State University, et Mike Schouten, le gestionnaire du Agriculture Stewardship Center, le campus agricole du Dordt College.

 

Cette université de 1 350 étudiants est soutenue par l’Église chrétienne réformée. Elle propose notamment des programmes en agriculture, biologie et environnement, dans une perspective « biblique réformée ». Au Campus d’Alfred, on croit à l’agriculture en français. Là-bas, on croit en Dieu un peu plus qu’ici et on n’emploie pas les mêmes jurons quand une vache ne veut pas avancer.

 

« La terre n’est pas à nous. Elle est un cadeau que Dieu nous prête. Nous devons en prendre soin et c’est notre responsabilité de la transmettre à la prochaine génération », m’explique Mike Schouten. 10 000 $ l’acre pour des terres « prêtées » par le Créateur! Je préfère m’acheter des indulgences!!!

 

La ferme du collège compte 200 acres et un petit élevage bovin. On y mène notamment des essais en parcelles sur les populations de maïs, la lutte aux insectes nuisibles dans le soya, l’espacement des rangs (rangs doubles dans le maïs) et les dates de semis. Plusieurs de ces essais ont lieu en collaboration avec l’Iowa State University.

 

« Les producteurs sont très intéressés, dit Josh Sievers. Par contre, ils expriment toujours des doutes sur les résultats dans nos parcelles. Pour y croire, ils veulent constater les résultats à l’échelle d’un champ. »

 

Aux États-Unis, les services d’agronomes gouvernementaux sont la plupart du temps dispensés par le personnel d’universités publiques financées par les états. Comme en Ontario, il y avait autrefois un agronome par comté. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux et ils sont assistés de techniciens comme Josh Sievers.

 

À bord d’un pick-up chargé d’un 4-roues, Josh parcourt le nord-ouest de l’Iowa, à la rencontre des producteurs qui acceptent de mener des essais chez eux. Applications foliaires, espacement des rangs, fongicides et autres produits et pratiques sont testés et évalués.

 

Les résultats sont publiés dans un cahier une fois par année. Pour plusieurs, m’explique Josh, il s’agit d’une information plus crédible que celle véhiculée par les représentants qui vendent les intrants. Certains d’entre eux sont des agronomes à l’embauche de coopératives et les objectifs de vente l’emportent parfois sur la qualité des conseils agronomiques.

 

Pour le dîner, Mike et Josh m’ont amené chez Hardee’s, une version améliorée de McDonald’s. Avant de déballer son hamburger, Mike a fait un signe la croix. Pour éviter de parler de religion, je me suis mis à parler des noms de lieux français en Iowa.

 

Des Moines, ça veut dire « of the monks », leur ai-je dit.

 

« What is Prairie doo Sheen? », m’a lancé Josh. Euh… Prairie du Chien?

 

« My office is in Calmet », enchaîne-t-il, curieux. Serait-ce Calumet, comme cette pipe que les Indiens se partageaient pour faire la paix?

 

Fasciné, Josh se promet de raconter ça à ses collègues. Je lui ai presque répondu : « Tu vas te coucher moins niaiseux à soir! ». Mais bon, essayez donc de traduire ça en anglais sans que ça frôle l’insulte!