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le Mercredi 3 août 2011 0:00 Volume 28 Numéro 22 Le 3 août 2011

Entrevue avec Laurent Souligny

Entrevue avec Laurent Souligny
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Le Temple de la renommée canadienne de l’agriculture reconnaît les Canadiens qui se sont illustrés par leur contribution exceptionnelle. Vous avez donc maintenant rejoint les grands noms de l’agriculture canadienne. Croyez-vous mériter une telle reconnaissance?

→ C’est tout un honneur parce que c’était loin de mes pensées. Quand on est impliqué, on ne se rend jamais compte de ce qu’on peut faire qui peut toucher autant de personnes. Quand je prends du recul, je me dis que j’ai été 24 ans directeur des comtés Prescott, Glengary et Stormont à la board de l’Ontario, 18 ans avec les POC, dont 11 ans président de l’organisme. D’une affaire à une autre, on monte l’échelon et je ne me suis pas rendu compte de ce que j’ai accompli.

Vous avez contribué à les POC pendant 11 ans. De quelle réalisation êtes-vous le plus fier?

→ Je suis fier d’avoir représenté tous les producteurs de ma région et d’être venu à bout à mettre de l’harmonie dans l’industrie. Quand j’ai été élu président des POC, j’ai toujours fait allusion à l’organisme comme si c’était une grande famille. J’ai tenu à ce que toutes les provinces travaillent ensemble et quand je parlais aux directeurs de chacune des provinces, je les comparais à ma famille. Chez nous, on était 11 enfants, mais nous n’étions évidemment pas toujours sur la même longueur d’onde. Mais en fin de compte, on finissait par s’arranger et personne n’était mis de côté.

Lors de votre discours le 24 mars 2010 prononcé dans le cadre de la conférence annuelle des POC, vous dites « c’est d’assurer la participation de tous et le partage d’une vision commune qui devient difficile ». Pourquoi est-ce si difficile?

→ Les gouvernements provinciaux ne pensent pas tous de la même façon. Certaines provinces croient en mériter plus que les autres. Mais qu’elles soient grosses ou petites, elles étaient toutes pareilles à mes yeux. Elles devaient toutes être traitées avec équité. Je crois que c’est l’une des raisons de mon succès comme président des POC. Je n’avais pas peur de donner mon opinion parce que j’avais une vision.

A. Laquelle?

→ S’assurer que les gens qui siégeaient autour de la table du conseil s’entendent. Alors après chaque réunion du conseil d’administration, nous allions souper ensemble. Quand je suis arrivé aux POC, les gens ne se parlaient pas et chacun faisait ses petites affaires. Mais quand j’ai laissé mon poste de président, les gens avaient l’impression d’être une grande famille. Et j’espère que celui qui m’a remplacé pourra continuer d’entretenir ce lien-là.

Pourquoi était-ce important pour vous de vous impliquer dans la défense des intérêts des producteurs d’œufs du Canada?

→ Quand j’ai commencé à m’impliquer, mes enfants étaient assez vieux pour s’occuper de la ferme pendant mon absence. Et je me suis dit que pour un jeune qui veut s’impliquer à fond dans les réunions loin de la maison, c’était impossible d’avoir une famille. Alors c’est ce qui m’a motivé à m’impliquer parce que je pouvais rendre service à ces gens.

Quels défis guettent les producteurs d’œufs dans les prochaines années?

→ Le commerce international et le bien-être animal. Nous faisons tout en notre pouvoir pour que nos animaux soient confortables et les preuves sont là. Si elles n’étaient pas bien nos poules, elles ne pondraient pas.

De plus, il faudra garder l’unité entre les provinces et s’assurer qu’elles sont toutes traitées de la même façon parce que united we stand, divided we fall. Nous participions à beaucoup de conventions, à Genève et Hong Kong par exemple, mais si nous ne faisons pas notre travail correctement chez nous, nous allons nous détruire par nous-mêmes.

Comment sont perçus les producteurs d’œufs canadiens à l’échelle mondiale?

→ Nous sommes enviés; pas seulement dans les œufs. Tout le système de gestion de l’offre canadien est envié partout dans le monde. Je ne suis pas certain si les gouvernements des autres pays prennent des décisions dans le meilleur intérêt des producteurs. Que ce soit dans le porc, le bœuf, les grandes cultures ou autre, les producteurs devraient pouvoir  survivre sans avoir à dépendre des subventions du gouvernement. Aujourd’hui avec le commerce international, on veut aller chercher le plus de marchés possible, mais c’est toujours au détriment du producteur. Sauf qu’avec la gestion de l’offre, les producteurs d’œufs par exemple n’ont pas à faire face à ce problème parce que le prix est établi en fonction du coût de production.

Les POC entame sa 39e année de gestion de l’offre. Avec le système actuel, croyez-vous que l’achat de quota peut avoir un effet limitatif sur l’entrée d’une relève non issue du domaine agricole dans l’industrie, toute production contingentée confondue?

→ Oui, c’est difficile pour des jeunes de se lancer s’ils n’ont pas d’aide, surtout avec le prix des quotas. Mais au prix auquel se vendent les terres et la machinerie agricole, ce n’est pas pire que la gestion de l’offre. Et c’est pourquoi nous avons mis en place en Ontario un programme de démarrage qui aide à un ou deux nouveaux projets de démarrage à voir le jour. Je suis justement président de ce comité de sélection et je suis présentement à étudier quelques projets d’agriculteurs.

Et vous pensez que c’est la solution miracle ?

→ Non, mais ça va aider certains jeunes à démarrer une production. Et puis il faut que les agriculteurs qui sont déjà établis s’impliquent et fournissent de l’aide aux jeunes.

Toujours dans le même discours, vous avez cité « le passé nous donne de l’expérience, mais c’est notre responsabilité pour notre avenir qui nous donne de la sagesse ».  Vous considérez-vous sage ou avez-vous l’intention de vous impliquer encore de façon bénévole ou autre dans l’industrie agricole ?

→ Je ne rajeunis pas et ma femme est souvent restée seule à la maison, alors je prends ça plus mollo dernièrement. J’en profite pour faire autre chose. Je sais que l’industrie est entre bonnes mains. Mais je ne dirais pas non pour aider l’industrie encore dans quelques années.