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le Vendredi 19 Décembre 2003 0:00 Le 17 décembre 2003

Les réflexions du Père Itoine: À l’aube du 75e de l’UCFO

Les réflexions du Père Itoine: À l’aube du 75e de l’UCFO
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Debout depuis 6 heures, je suis à me faire des allumes pour mon vieux Bélanger. Dehors, le mercure indique -17 degrés, très froid le vent est à l’est et il y a beaucoup de frimas dans les arbres, mais presque pas de neige au sol. Je pense que les gars qui n’ont pas fini de labourer ont de forte chance de ne pas finir cette année.

Quelques allumes de cèdre et deux bons quartiers d’érable et le vieux Bélanger ronronne comme un neuf. Je me prépare un lait de poule et je prends place dans ma berceuse près de mon grand châssis qui donne sur St-Passedroit. Ce matin, je suis un peu nostalgique, la période des Fêtes est à nos portes et c’est plus pareil depuis que Cornaline est décédée.

Dans le temps, c’était très joyeux dans la maison. La vieille mettait des disques de Noël et se mettait à faire de la bouffe, des tourtières, des beignes, des tartes’ Je lui donnais un coup de main, j’épluchais les pommes, je lui fendais des beaux petits morceaux d’érable et de merisier pour lui faire un beau feu doux pour faire cuire le tout. Je découpais les beignes avec un verre et un dé à coudre pour faire les trous. À mon grand désarroi, elle me disait que les trous, « c’était pour les petits-enfants ».

Je suis rempli de mes souvenirs en regardant au loin le Lac Coob. Je me souviens lorsque je suis arrivé à St-Passedroit avec mes parents et ma s’ur en provenance de Ste-Scolastique, mon père ne se reconnaissait pas. Il était venu au printemps visiter la terre qu’il voulait acheter et la fonte des neiges avait gonflé à bloc le lac, ce qui lui donnait l’apparence d’une grande mer intérieure. Cela fait au-delà de 75 ans de cela, que le temps a passé vite, il me semble que c’était hier?

Soudain c’est le téléphone qui sonne. C’est Monique qui me demande:

? Avez-vous déjeuné?

? Non, que je lui réponds.

? Ne faites rien je vais apporter tout ce dont on a besoin et on va aller déjeuner avec vous, Henri et moi.

* * *

Quelques minutes plus tard, le camion entre dans la cour. Monique apporte une boîte avec tout son gréement. Je suis curieux comme une vache. Je regarde dans sa boîte, elle est pleine de petites patates, saucisses, bacon et des ?ufs.

Henri trouve cela bien drôle, il me dit:

? Prépare le poêle le beau-père on va se faire tout un brunch. Vous pensiez pas avoir de la visite ce matin pour déjeuner.

? Non, que je lui réponds. Lorsque le téléphone a sonné, j’étais parti dans mes souvenirs.

Monique se met au travail. Elle est comme sa mère, il faut que ça grouille. Elle rajoute quelques petits morceaux de: « Voyez p?pa, vous allez voir que ça va sentir bon bientôt ». On prend place autour de la table de cuisine, le temps que Monique s’affaire à préparer le déjeuner.

Henri me dit qu’à l’UCFO, on se prépare pour 2004. Cela va faire 75 ans que l’Union existe, on prépare une fête à la hauteur de l’événement.

? Tu sais Henri, il n’y a pas beaucoup d’organisations francophones qui ont autant de vécu.

? Savez-vous le beau-père que l’ACFO pense fermer leur bureau à Toronto faute de financement.

? Tu sais Henri que c’est l’ACFO qui a mis l’UCFO au monde et aujourd’hui elle risque de fermer si rien n’est fait pour leur donner du financement stable.

Monique qui tend l’oreille en faisant cuire le déjeuner me dit que l’autre jour Jean Poirier de l’ACFO de Prescott-Russell était à la radio et disait: « Est-ce normal qu’Alliance Québec reçoive 850 000$ alors que les organisations francophones en Ontario reçoivent à peine 250 000$. C’est le monde à l’envers. Jean disait « amenez-moi un anglophone victime d’assimilation et je vais vous fournir 5000 francophones qui risquent d’être assimilés ».

? Mais je pense les jeunes que le problème est très complexe, ce n’est pas toutes les organisations qui veulent être chapeautées par l’ACFO et je pense que c’est là un peu le problème.

? Tu sais le beau-père, si Pierre Glaude, alors secrétaire général de l’UCFO, n’avait pas réussi à négocier l’entente sur le financement stable des organisations agricoles, l’Union et le journal Agricom possiblement ne seraient pas là pour voir à l’organisation du 75e. Sans financement stable l’Union n’aurait pas pu garder les bureaux ouverts. Grâce à cela, l’Union a un budget qui lui permet de garder un pied à terre avec des permanents qui assurent un service à ses membres.

? La semaine dernière, monsieur le président Pierre Bercier a assisté à l’assemblée annuelle de l’UPA en compagnie de la directrice générale Nadia Carrier. La semaine d’avant, c’était André Pommainville, le secrétaire général, qui a assisté à l’assemblée de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario à Toronto.

? Comme tu peux le voir Itoine, sans financement stable, on serait déjà mort et c’est ce que vit présentement l’ACFO. Comme dirait Jean Poirier à faire trop de « no novolat » on prend une éc’urite aiguë et on se décourage.

? Hé les hommes! Je suis prête pour le déjeuner. Je vais pouvoir discuter avec vous de l’année assez spéciale que l’on vient de vivre.

? Comme le dirait Jean-Marc Chaput: « sacréfesse que ça sent bon ». Vous avez eu une sacrée bonne idée de venir déjeuner avec moi ce matin, j’étais un peu triste mais là je me sens mieux. Des petites patates aux oignons rôtis, des saucisses, du bacon, des ?ufs et des bines’ un déjeuner comme dans le temps que je travaillais fort. Cela ne sera pas trop bon pour ma santé mais une fois n’est pas coutume?

? J’ai une idée Itoine. Cet après-midi, je passe vous prendre, on va atteler la grise et on ira chercher deux arbres de Noël, un pour vous et l’autre pour nous. Estelle notre fille viendra le faire avec vous un soir qu’elle ne sera pas trop occupée à écrire des articles pour le journal Agricom.

? Eh bien, vous deux vous venez de faire ma journée!

* * *

Durant la bouffe, on parle de cette drôle d’année que l’on vient de passer. Monique est comme sa mère, elle se tient au courant de tout ce qui se passe. Elle lit beaucoup et s’implique également. Henri me dit que la nature c’est spécial. L’hiver dernier, beaucoup de froid pas de neige, en janvier on était très inquiets pour la survie de la luzerne. Finalement elle a passé à travers l’hiver comme si rien n’était.

Un printemps tardif nous a fait craindre le pire mais cela a été un bon été pour le foin et pour les céréales on a eu de très bons rendements. Enfin, le prix du soya a été bon. Par contre, pour le maïs le prix n’était pas là mais les rendements dans certains cas de 4 à 5 tonnes sèche à l’acre ont été très rassurants pour les producteurs.

? Parle-moi donc de la vache folle Henri. Ça été un méchant problème!

? C’est sûr Itoine. Ça a été un cauchemar pour l’ensemble des éleveurs. Les producteurs de boeufs eux ont été très éprouvés, les prix ont chuté de façon drastique. Pour les producteurs laitiers c’était leurs vaches de réforme qui n’avaient plus preneur. Des programmes d’aide ont été mis sur pied mais les producteurs ont dû supporter des pertes énormes.

? Mais p?pa, il n’a pas seulement eu des mauvaises nouvelles durant la dernière année. Le groupe Francoscénie qui sont à monter la pièce à grand déploiement ?L’Écho d’un Peuple? attendent la décision de la CAMO qui doit trancher si le spectacle aura lieu ou pas dans la forêt Larose. Plusieurs groupes dont les Amis de la forêt ne veulent pas que le spectacle se tienne là.

Monique espère que le projet prenne place. Ça va être un moteur important pour le tourisme.

? Que le spectacle se tienne dans la forêt ou ailleurs il doit prendre son envol, c’est très important pour le développement économique de la région. L’an passé le frère d’Henri est allé au Lac St Jean et il a assisté à trois spectacles, QuébecIssime, ElcheMondo et l’Histoire d’un royaume et il a dit que c’est presque toujours à guichet fermé.

Cette année c’était la 16e édition de l’Histoire d’un royaume. Pourquoi on ne réussirait pas à faire la même chose chez nous qui sommes situés entre deux grands pôles comme Montréal et Ottawa?

Monique nous dit qu’elle a donné son nom comme bénévole, elle croit beaucoup que ce projet va être rassembleur.

* * *

Un autre dossier qui a fait couler beaucoup d’encre a été l’implantation de nouvelles porcheries dans la région. On craint que le purin de porc pollue la nappe d’eau. La mise en place du projet de loi 81 va permettre de réglementer les épandages. Ce qui devrait atténuer les craintes des consommateurs.

? Une autre bonne nouvelle est le projet d’expansion au Collège d’Alfred. Depuis 23 ans on n’était jamais sûr de pouvoir le garder mais là ce sont de bonnes nouvelles, un projet de 30 millions de dollars qui va permettre de consolider la seule institution post-secondaire de formation agricole francophone en Ontario. Comme tu peux voir p?pa on n’a pas manqué d’action cette année!

? Le déjeuner est terminé p?pa, on va faire la vaisselle.

? Non laissez faire, je vais m’en occuper. J’ai tout mon temps. Vous, vous devez aller finir le train.

? N’oubliez pas p?pa, les fêtes du 75e de l’UCFO qui commencent à Embrun le 27 mars prochain par la présentation d’une comédie musicale de circonstances. Le tout va se poursuivre à l’église patrimoniale de Ste-Anne-de-Prescott le 3 avril, une autre représentation aura lieu dans le cadre des fêtes du patrimoine de St-Albert en septembre pour finalement terminer la saison à St Pascal en décembre.

? C’est tout un programme, les jeunes, je vais me reposer cet hiver pour ne pas manquer ça.

Monique et Henri reprennent la route, moi je vais faire la vaisselle et me préparer pour aller au bois avec Henri. Il est bien « smatt » mon gendre, il connaît mon penchant pour les chevaux et le bois.

Je dois vous laisser si je veux être prêt.

En terminant, je me joins à l’équipe du journal Agricom et à toute l’équipe de l’Union des cultivateurs franco-ontariens pour vous souhaiter de très joyeuses Fêtes et au plaisir de se revoir en 2004 pour les fêtes du 75e de l’UCFO!

Itoine

Note de la rédaction: C’est sur les bords du majestueux lac Coob quelque part entre St-Passedroit et le village de Bourgade, au c’ur même de l’Ontario que nous avons fait la connaissance du Père Itoine. Cultivateur à sa retraite, il y mène avec sa compagne de toujours Cornaline Duremaire une vie à la fois paisible et excitante. Petit homme mince et énergique, il conserve malgré son âge avancé un ?il vif et moqueur, une santé de fer? et l’âme d’un jeune poète romantique. Cornaline, femme réservée et cultivée est d’un naturel beaucoup plus sérieux. Comme il se plait à le dire, ils sont tous deux des sorteux. Toute occasion est bonne pour voir de nouvelles choses et rencontrer de nouvelles gens. Ils ne manquent donc pas d’histoires à raconter.