Avez-vous déjà entendu parler de La Vache à Maillotte? Nous ne parlons pas ici de la chanson folklorique mais plutôt d’une fromagerie unique en soi, née en juin 1996 en Abitibi, d’âmes passionnées, de multiples réunions de cuisine, de missions exploratoires et surtout de gens décidés à s’investir non seulement dans une entreprise mais surtout dans leur communauté.
Parmi ceux-ci comptons Réal Bérubé, directeur général de la fromagerie et un des fondateurs de la fromagerie. II y a quinze ans M. Bérubé fut contremaître forestier et, même s’il a quitté cet emploi, il n’a tout de même pas abandonné sa région qui lui tient à c’ur. Malgré la vague d’exode que ressent présentement l’Abitibi-Témiscamingue (de 153 905 habitants en 1996 à 146 097 en 2001 !), il existe encore des gens, tout comme M. Bérubé, qui possèdent des projets et procèdent à les mettre en oeuvre malgré les sondages de Statistique Canada.
Le tout a commencé en 1994 où deux couples, dont Réal et sa conjointe Aline Gadoury ainsi que leurs copains, les Juliens, s’associèrent et décidèrent de démarrer une fromagerie à La Sarre. « Tout allait bien dans notre planification d’entreprise mais nous nous sommes rapidement rendu compte que nous nécessiterions d’autres actionnaires pour nous appuyer dans la mise sur pied de l’entreprise car les risques reliés au démarrage s’avéraient assez élevés », explique M. Bérubé.
Cet obstacle, ils l’ont contourné en invitant 3 autres actionnaires et en démarrant officiellement la fromagerie en juin 1996. « Au début le truc c’est de commencer petit car la production de fromage, surtout celle des fromages fins qui nécessitent une plus longue période d’entreposage avant la vente, peut s’avérer assez onéreuse », dit M. Bérubé. « Ce qui nous a vraiment donné un bon fond de roulement c’est la vente de fromage frais du jour », poursuit-il.
Après quelques années, l’entreprise changea d’emplacement et prit de l’expansion. « C’est alors qu’on racheta les parts de certains actionnaires et nous sommes présentement trois à posséder l’entreprise, soit Pierre Vachon, un producteur laitier, Léon Poirier et moi-même », explique M. Bérubé.
Notre guide pour la visite fut nul autre que le sympathique M. Pierre Vachon, producteur laitier à temps plein et actionnaire dans la fromagerie. « La fromagerie a vraiment pris de l’expansion depuis les dernières années passant d’un chiffre d’affaires annuel de 250 000$ à ses débuts à un chiffre frôlant les 800 000$. Nous employons maintenant une vingtaine d’employés », stipule M. Vachon.
Présentement, la Vache à Maillotte produit deux types de fromage soit les fromages frais du jour qui représentent 95% de leurs ventes et lui permet de s’affairer au développement de fromages fins (5% ventes). L’entreprise transforme 1500 litres de lait par semaine et roule au quart de sa capacité. « Les fournisseurs de fromages frais de l’Abitibi-Témiscamingue à l’époque provenaient du Lac St-Jean. Pour se démarquer nous avons décidé de miser sur la qualité du service et de l’approvisionnement. Nous offrons aux clients une livraison quotidienne 5 jours par semaine en comparaison avec nos compétiteurs qui vendaient sur une base hebdomadaire », explique M. Vachon. « Notre quart de travail de production est de 23h à 5h30 pour assurer la distribution d’un fromage le plus frais possible », dit-il.
Les fromages fins
Parlons maintenant des fromages fins. La fromagerie produit trois types de fromage de spécialité dont le Sonatine, un fromage à pâte ferme de type « Cantal » et le Fredondaine, un fromage à pâte pressée non-cuite et à croûte lavée. Tous deux sont fabriqués avec du lait de vache pasteurisé. Il ne faut surtout pas oublier l’Allegretto, un fromage à pâte ferme de type « Ossau Iraty » fait avec du lait de brebis non-pasteurisé.
Ce dernier possède une histoire toute particulière et est un bel exemple de la philosophie de développement communautaire qui règne dans l’entreprise. Tout a commencé quand des producteurs de lait de brebis (principalement de race ?East Friesan’) ont approché M. Bérubé avec leur problématique. Leur coopérative d’achat de lait ferma ses portes et ils n’avaient alors nulle part où vendre leur lait. Même si le lait de brebis peut être congelé, il faut quand même écouler le stock.
Après s’être assis avec M. Bérubé, ceux-ci développèrent en un an, avec le maître fromager André Fouillet, l’Allegretto. La finition de la recette fut effectuée par les employés qualifiés. « Il ne resta plus maintenant qu’à investir dans la mise en marché car la compétition avec les fromages de brebis se fait sur le plan mondial », explique M. Vachon.
C’est ainsi que deux ans plus tard, on voit apparaître sur le marché l’Allegretto. La production de ce fromage se fait une fois par semaine avec 600-700 litres minimum de lait de brebis. Il serait intéressant de noter que l’équipement qui sert à produire le fromage frais sert également à la production des fromages de spécialité.
« Il y a cinq ans, nous aurions pu rester plus petit mais nous nous sommes rendu compte que si nous ne prenions pas d’expansion, nous perdions une part du marché du gros. En grandissant, nous nous sommes rendu compte qu’il existe un vaste marché à desservir non seulement sur le plan régional mais également sur le plan provincial », poursuit-il. « Au Québec, il existe 60 fromageries de fromage frais du jour et il y a encore de la place pour d’autres », ajoute M. Bérubé. « Maintenant, nous sommes accrédités selon les normes fédérales et nous pouvons vendre jusqu’à Timmins et Chapleau en Ontario », renchérit M. Vachon.
Deux pour cent des ventes de la fromagerie se font au comptoir principal, le reste étant distribué dans les épiceries par la firme de distribution de l’Abitibi-Témiscamingue Distribution ADL. Ne vous inquiétez pas chers confrères franco-ontariens, si cet article vous a mis l’eau à la bouche, vous n’aurez pas nécessairement besoin de monter jusqu’à La Sarre pour vous procurer du bon fromage de la Vache à Maillotte (quoique ça en vaut le détour, le comptoir ayant une épicerie fine mettant en valeur plusieurs produits régionaux et les gens étant si chaleureux de par leur hospitalité innée), la fromagerie fait distribuer ses produits tant à Montréal qu’à Québec.
Dans les épiceries abitibiennes vous saurez sans doute repérer de loin leur kiosque qui démontre une centrifugeuse traditionnelle agrémentée de la gamme de leurs produits. Sinon vous saurez sans doute reconnaître La Vache à Maillotte en personne; soit le logo de l’entreprise (vache qui fait un clin d’?il) qui fut créé par nul autre qu’Aline Gadoury la conjointe de M. Bérubé. Cette talentueuse dame crée également tous les autres logos qui caractérisent les fromages de l’entreprise, donnant à l’entreprise un cachet tant folklorique qu’original.
Le prochain projet des actionnaires, c’est de rendre la fromagerie ainsi que les entreprises laitières qui l’approvisionnent conformes aux normes HACPP. Cette conformité leur permettrait alors d’explorer les marchés d’exportation. Qui sait, verrons-nous peut-être dans un avenir rapproché l’Allegretto, le Sonatine, le Fredondaine ou une autre nouveauté dans une épicerie en France, en Allemagne ou en Angleterre… Peu importe nous vous souhaitons tout le succès que vous méritez si bien!!!
Coordonnées: La Vache à Maillotte, 604, 2ième rue est, La Sarre (Qc) J9Z 2S5.
NDLR. Christine Rieux a eu l’opportunité de se joindre à une mission de prospection’ un voyage d’étude sur l’entrepreneuriat agricole en Abitibi-Témicamingue en avril dernier. Il s’agissait de la dernière activité du projet de diversification agricole de Ste-Anne-de-Prescott pour la saison 2003-2004. Voici un 4e article.