La recette magique pour intéresser les citadins à l’agriculture biologique est simple dans les maritimes. 1- Réservez exclusivement aux piétons Victoria Row, la plus trépidante rue de Charlottetown. 2- Saupoudrez de denrées biologiques offertes par les producteurs agricoles. 3- Présenter des grignotines apprêtées par les grands chefs de la ville. 4- Enfin, ériger une scène extérieure où quinze grandes pointures de la musique insulaire s’y donnent à c’ur joie toute la journée. Où étiez-vous le dimanche 5 septembre dernier?
Agricom était sur place pour la deuxième tenue annuelle de « Nigwek »*, un festival promouvant une Île-du-Prince-Édouard complètement biologique. Est-ce utopique de croire que les producteurs agricoles de l’île vivront tous un jour de l’agriculture biologique?
Ce rêve devient tranquillement la réalité pour Mark Bernard. Avant son entrée au Collège agricole de Truro en Nouvelle-Écosse, ce jeune entrepreneur cultivait des pommes de terre conventionnelles au côté de son père.
Mark a repris la ferme familiale avec sa douce moitié, Sally, en 2003. Il y produit des grandes cultures biologiques tandis qu’elle s’occupe des élevages d’agneaux et de volaille.
D’après Mark, une île sans OGM serait une transition intéressante vers l’obtention d’une île biologique. Cavendish Farms, le magnat maritime de la pomme de terre, a récemment refusé de produire des tubercules transgéniques.
« Cela démontre une certaine ouverture d’esprit. Si Cavendish Farms devenait biologique, peut-être que ça montrerait le chemin aux agriculteurs », propose Mark avec un sourire en coin.
Blague à part, le biologique est une question de réseautage selon le propriétaire de Barnyard Organics : « L’industrie du porc est tombée ici à l’île. Un producteur porcin est présentement en transition biologique. Je lui fournis son grain. Si cela fonctionne pour lui, possiblement que d’autre suivront. »
Ilona David connaît bien le réseautage. La chef du restaurant Off Broadway de Charlottetown sillonne l’île à la recherche de produits locaux et biologiques à mettre de l’avant dans son menu.
« Nous avons fait de l’industrie apicole un exemple de durabilité ici à l’île. En promouvant les produits locaux et bio, nous pouvons devenir un exemple d’agriculture durable non seulement pour la province, mais pour l’ensemble du pays », explique le chef David.
Où de mieux que le berceau de la Confédération pour se permettre de rêver à un projet rassembleur? Sim’s Restaurant, tout comme le Off Broadway, fait partie des six restaurants de Charlottetown chapeautés par Murphy?s Group of Restaurants.
« Notre regroupement a adopté une nouvelle orientation cette année. Nous allons intégrer davantage d’aliments biologiques dans nos menus », avance fièrement Ross Munroe, directeur culinaire du Sim’s.
« Les évènements comme Nigwek offrent la visibilité et le support qui sont cruciaux pour les agriculteurs biologiques parce que les principaux consommateurs de produits biologiques se trouvent en ville », affirme Mark Bernard.
Reste à savoir si le gouvernement continuera de prêter main-forte aux agriculteurs. Un programme gouvernemental qui finance à 50% les projets d’innovation en agriculture prendra fin en mars 2011. Selon M. Bernard, cet appui a aidé plusieurs entreprises ? dont la sienne ? à se lancer en agriculture biologique à l’Î.-P.-É.
Christine Rieux est une Franco-Ontarienne originaire de la région d’Alfred. Elle est étudiante à la maîtrise en biologie végétale à l’Université Laval, Québec.
NB: * Nigwek signifie « il croît quelque chose de bon» en Mi?kmaq, la première nation qui occupaient autrefois toute l’Î.-P.-É.