C ’est avec reconnaissance que l’Union des cultivateurs franco-ontariens rendra un hommage posthume à M. Léon Delorme en lui décernant le Mérite agricole franco-ontarien 2016, le 8 avril prochain.
Je partage avec vous ici, l’oeuvre d’un homme qui avait une vision humanitaire en voulant nourrir le monde.
M. Léon Delorme (1920 — 2012) est né à Wendover le 6 septembre 1920, d’une famille de huit enfants. Après des études primaires à l’école de rang du village, notre récipiendaire se dirige vers le Petit Séminaire d’Ottawa pour éventuellement obtenir un baccalauréat ès arts en 1943. L’attrait pour la profession agronomique le mène ensuite à l’Institut agricole d’Oka pour en ressortir quatre ans plus tard avec un baccalauréat en science agricole, BSA, de l’Université de Montréal.
Comme étudiant, il a travaillé pendant deux étés avec l’agronome M. Ferdinand Larose, au Département de l’Agriculture de l’Ontario à Plantagenet. Puis, après l’obtention de son diplôme en 1947, il a été embauché comme assistant agronome et vulgarisateur pour les comtés de Prescott- Russell, toujours à Plantagenet.
Sans doute ce travail avec M. Larose lui fut bénéfique pour reconnaître l’importance de la gestion des sols dans nos milieux. Cette préoccupation devint son tremplin vers des accomplissements locaux et internationaux. Toutefois, le but de M. Delorme n’était pas de planter des arbres comme l’agronome-environnementaliste qu’était M. Larose mais plutôt de nourrir le monde avec les mêmes sols.
Des débuts modestes
Sa vraie carrière d’agriculteur débute en 1953 avec l’achat de sa première ferme, son «hobby farm», comme il le disait. Cette terre dans la région de Curran se trouvait de l’autre côté d’une plantation de la fôret Larose, fruit du travail de son premier patron, amorcé environ 25 ans auparavant. Pour le jeune agronome devenu agriculteur, ce n’est pas tout de suite l’euphorie avec ses 10 acres de pommes de terre pratiquement sans équipements et une jeune famille qui s’agrandit.
Sur le plan familial, M. Delorme s’est marié à Yvette Montreuil de l’Ancienne Lorette, le 2 octobre 1950. Le couple s’établit à Plantagenet. De cette union, cinq enfants sont nés entre 1952 et 1961, soit Daniel, Louis, Marie-France, Line et Lorraine. Ils ont sans doute tous contribué au succès de l’entreprise, Léon Delorme ltée, en aidant au besoin.
En mode expansion
De 1953 à 1981, notre récipiendaire s’impose comme producteur de pommes de terre et fait l’acquisition de plusieurs fermes voisines. Se basant sur ses connaissances agronomiques, il voit ces terres plus ou moins fertiles se transformer en une ferme prospère. Cela se produit grâce au drainage souterrain, à l’adaptation des méthodes de culture en tenant compte de la variété ensemencée, à de meilleures connaissances sur les différents types de sol et aussi avec à l’arrivée de techniques modernes de production.
Un entrepreneur né
Avec l’achat de fermes additionnelles, le chaînon faible de l’entreprise devient vite le manque d’équipements spécialisés pour continuer à faire progresser l’affaire. Afin de remédier à cette lacune, en 1963, M. Delorme débute comme distributeur d’équipements pour les cultures de pommes de terre et d’oignons pour l’Est ontarien et le Québec. Sans le savoir, il est intégrateur, dans le vrai sens du mot pour la production de pommes de terre. Comme vendeur de la Cie Lockwood Corporation, il parcourt plusieurs fois la province voisine ainsi que l’Est ontarien en plus de gérer et faire les travaux à la ferme en même temps. En bon gestionnaire, il devient un excellent distributeur et vendeur pour la compagnie. En 1967, 1968 et 1969, il reçoit la décoration du meilleur vendeur en Amérique du Nord pour la Compagnie Lockwood Corporation – French Connection.
Infatigable
En 1980, sa passion d’entrepreneur fait de nouveau surface. Il fait l’acquisition de l’Imprimerie de Plantagenet. Cet achat représente une autre facette de la capacité d’administrateur et de gestionnaire de M. Delorme. Aujourd’hui, l’imprimerie est la propriété de Louis Delorme, son deuxième fils.
Un nouveau rêve
Après la vente de la ferme à Daniel, son fils aîné, en 1981, M. Delorme aurait pu se reposer, relaxer et jouer au golf comme beaucoup de personnes de son âge. Mais non, il met plutôt le cap sur le Cameroun en Afrique. La fondation de la Guadeloupe lui a demandé d’aller analyser les sols pour améliorer les possibilités de cultures.
À son retour, il décide de s’engager personnellement afin d’aider le peuple africain. Le voilà à 82 ans qui se lance dans un nouveau rêve. Il partage ses idées avec des collègues et il s’entoure de bénévoles en vue de trouver les fonds nécessaires pour la construction d’un collège d’agriculture, lequel serait doté d’un département des arts, de métiers et de commerce en plus d’une caisse populaire. Avec l’aide de M. Gaston Gaudreau, homme d’affaires de Bourget, la fondation Vision Léon Delorme Internationale voit le jour. Avec le support financier de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), un montant de 100,000 $, incluant un montant de 26,000 $ récolté localement, fut envoyé la première année pour ce projet. Les fonds amassés viennent de différentes activités dont principalement des tournois de golf. Sur une période de trois ans, de l’aide financière sera envoyée au Cameroun et au Honduras.
Engagé socialement
Je me dois de prendre quelques instants pour mentionner quelques activités sociales, municipales et scolaires de M.Delorme. Il s’implique dans plusieurs milieux dont : membre et président du comité de planification de la régie des terrains pour les comtés de Prescott-Russell, président du conseil d’éducation des comtés de Prescott-Russell, président fondateur de la corporation des logis à prix modiques de Plantagenet, président de la section majoritaire de langue française du conseil d’éducation, président fondateur du centre récréatif de Plantagenet et combien d’autres mouvements, comités et organisations. Il me semble que les jours avaient plus que 24 heures pour M.Delorme.
Pour conclure, j’aimerais mentionner que la ferme Léon Delorme ltée qui appartient maintenant à Nicholas Henrard , demeure encore aujourd’hui l’une des plus grosses entreprises de pommes de terre en Ontario.
Je vous laisse avec cette réflexion que l’on retrouve au verso de la carte mortuaire de M.Delorme, décédé le 30 mai 2012 et qui le décrit très bien : « Il est de ces gens qui laissent des traces — Au-delà du temps — Au-delà du vent qui passe — Il est de ces hommes qui de leurs mains ont enfoui dans la terre un roseau qui fleurira — Même après qu’il partira — Car plus fort que l’hiver… Il survivra… »