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le Jeudi 5 novembre 2015 12:17 Volume 33 Numéro 06 Le 6 novembre 2015

Bison du Nord

Bison du Nord
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Pour la famille de Pierre Bélanger, l’élevage du bison fait partie des mœurs. C’est en 1972 que l’aventure a commencé, quatre ans après que le bison soit reconnu comme animal d’élevage. Aujourd’hui, il y en a 300 têtes sur les 480 acres de terre rocheuse des Bélanger, à Earlton dans le Nord de l’Ontario. Pierre est le plus gros éleveur de bison de l’Est du Canada et tous les bisons d’élevage de l’Ontario ont un ancêtre qui vient de sa ferme. Il a été le président — fondateur de l’Association canadienne du bison. « Ce n’est pas difficile d’élever du bison. Les défis relèvent davantage de la gestion du troupeau », explique l’éleveur.

Le bison n’exige aucun abri, ne brise pas de clôtures et n’est pas sujet aux maladies. Comme il se nourrit d’herbe et de foin, nul besoin de grain ou de parc d’engraissement. La difficulté réside plutôt dans la manutention des bêtes. Comment arriver à leur installer les trois étiquettes aux fins d’identification, de suivi et de normes fédérales? Le bison est un animal énorme qui a l’instinct de groupe et il n’est pas domestiqué comme le bœuf. « Ce sont des ʺsuiveuxʺ  quand le troupeau va dans une direction, tous suivent », ajoute sa conjointe, Françoise. Comment faire alors quand vient le temps de les séparer? Pour y arriver, Charles, leur fils, vient de suivre une formation.

« La première étape est de diriger les bisons voulus dans le corral, de les faire entrer dans un tunnel de métal et de les immobiliser dans la cage de contention. Même là, l’animal de 400 à 500 kg est dangereux et peut blesser avec ses énormes cornes », explique Charles. Chaque bison vit cette expérience une fois l’an et ultimement, lorsqu’on le préparera pour l’abattage.

Mais d’abord, pour diriger l’animal, il faut une certaine connaissance de son comportement. « Il faut arriver de côté pour qu’il nous voie et s’assurer que la tête est dans la direction voulue. Le cerveau du bison a deux côtés, l’un qui régit la pensée et l’autre qui répond à l’instinct de survie. Il faut donc rester calme, adopter un bon pas et ne pas crier. Il faut se servir des dispositions naturelles de l’animal », poursuit Charles.

Comme le bison n’a pas fait l’objet de recherche comme le bœuf, il y a peu de connaissances sur sa génétique et l’insémination artificielle est inexistante. Pour sélectionner les meilleurs sujets, il faut du flair et de l’attention. « On observe les qualités naturelles de l’animal, il n’est pas encore dénaturé », explique Pierre. Comme dans la nature par ailleurs, le veau n’est pas séparé de sa mère.

Le bison coûte plus cher que le bœuf. Il lui faut trois ans avant d’être prêt à l’abattage et devient fertile un an plus tard. Le bison est donc un produit de niche pour les gens qui veulent une viande plus maigre qui provient d’un animal alimenté et élevé naturellement. On le retrouve cependant difficilement dans les grandes surfaces, estime M. Bélanger. « Le défi est dans la mise en marché. Les petits abattoirs disparaissent et le volume de bêtes est encore trop petit pour intéresser les gros abattoirs. Il faudra se regrouper », mentionne ce dernier.

La transformation est aussi une avenue potentielle. La famille Bélanger s’est lancée dans la fabrication de saucisses, de peperettes et de tourtières, mais cela n’est pas suffisant. On compte commencer la vente de produits congelés dès l’an prochain.

Les Bélanger d’Earlton comptent bien arriver à maximiser la rentabilité du troupeau. C’est Charles qui veut arriver à vivre de l’élevage du bison et il est la relève. Il aime cet élevage tout comme il aime la vie de famille qui vient avec elle.