Véhiculées par des moustiques, des tiques, des moucherons ou parfois d’autres insectes piqueurs, les maladies transmises aux animaux d’élevage par les insectes vecteurs sont en croissance dans le monde. Il peut s’agir de la transmission d’un virus ou d’un autre microorganisme (bactéries et protozoaires) qui cause la maladie. Cependant, le Canada est à peu près exempt de ces maladies, en grande partie relié à son climat nordique et ses hivers rigoureux. Mais est-ce que la situation peut changer?
Maladies vectorielles apparues en Europe
La fièvre catarrhale ovine (FCO), et tout récemment le virus de Schmallenberg, ont occupé les manchettes en Europe. La FCO, transmise par des brûlots a été introduite dans le nord de l’Europe en août 2006. Le virus de sérotype 8 a attaqué de manière virulente les ovins et les bovins. Cette maladie, présente notamment en Afrique subsaharienne et en Amérique centrale, a surpris les éleveurs et les vétérinaires par son apparition aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et en France. Bien qu’on ne puisse encore confirmer le mode d’introduction, les conséquences, quoique variables, ont été particulièrement importantes pour les éleveurs, avec mortalités, pertes de production de lait et de nombreux problèmes de reproduction.
Le dispositif de gestion mis en place suite à l’apparition de la FCO avait comme objectif de limiter la diffusion de l’épizootie : établissement de zones réglementées, restriction des mouvements d’animaux, protection des animaux contre les brûlots dans les zones infectées, surveillance sérologique, clinique et entomologique, formation des vétérinaires et indemnisations financières pour les troupeaux atteints. Des vaccins inactivés étaient disponibles, mais pas contre le sérotype 8. Le temps de les mettre au point et de les produire, la vaccination à grande échelle n’a pu débuter qu’à partir du début 2008, après des homologations accélérées. Elle est considérée comme la meilleure méthode de prévention.
Les mêmes brûlots vecteurs de la FCO sont maintenant incriminés dans une nouvelle maladie, causée par le virus de Schmallenberg, qui atteint depuis la fin 2011 les élevages ovins et bovins, causant des malformations et des avortements. Les cas sont de plus en plus nombreux depuis le début de l’année, provenant de l’infection de bovins et d’ovins en début de gestation à l’automne précédent. Plusieurs autres maladies vectorielles présentes en Afrique, dont certaines transmissibles aux humains comme la fièvre de la Vallée du Rift, sont aussi sous haute surveillance en Europe.
Au Canada
L’apparition d’un agent pathogène, nouveau ou exotique, transmis par des insectes piqueurs peut apparaître n’importe où et mieux vaut être prêt à réagir lorsque ça arrivera. On estime généralement que le Canada se situe à la limite nord de la transmission efficace des virus par les insectes. Le réchauffement climatique pourrait provoquer des effets importants sur l’expansion géographique des insectes, leur taux de survie et pourrait rallonger leur période d’activité. De plus, des températures plus chaudes peuvent accroître la réplication des virus dans le vecteur et ainsi augmenter son potentiel de transmission. Cette situation peut aussi être valable pour les zoonoses, maladies animales qui peuvent être transmises aux humains (comme le Virus du Nil Occidental ou la Maladie de Lyme).
Il est difficile de prévoir quand et quelles maladies animales frapperont (voir le Tableau des maladies vectorielles). Cependant, parmi les maladies présentes chez nos voisins du sud et pouvant migrer vers le nord si les conditions le permettent, l’encéphalite équine de l’est et de l’ouest (deux zoonoses), transmises par les moustiques, sont à craindre. Plusieurs maladies animales sont transmises par les tiques (dont la fièvre Q, l’anaplasmose bovine et la piroplasmose bovine et équine), et il est difficile de dire si elles deviendront endémiques au Canada. Certaines maladies animales peuvent aussi être transmises à l’humain. Il n’est cependant pas dit que la prochaine maladie vectorielle qui frappera nos animaux d’élevage ne viendra pas d’un pays éloigné, globalisation aidant! Entretemps, les mouches et autres parasites externes de nos animaux d’élevage continueront à causer des désagréments, mais sans la transmission de maladies.
Comme la plupart de ces maladies vectorielles sont rares ou inconnues au Canada, le délai de réponse en cas d’épizootie pourra être élevé. Il faut donc essayer de s’y préparer en avance par l’accroissement des connaissances sur ces maladies infectieuses potentielles et leurs effets, l’évaluation du risque, une surveillance accrue et une intervention rapide en cas de détection.
Quelques maladies vectorielles animales importantes des ruminants et les vecteurs
Nom français |
Nom anglais |
Pathogène |
Vecteur(s) |
Zoonose? |
Présent Canada |
Présent États-Unis |
fièvre Q |
Q fever |
Rickettsie Coxiella burnetii |
Tiques |
O |
O |
O |
anaplasmose bovine (herlichiose bovine ou fièvre des pâturages) |
Tick fever ou Bovine anaplasmosis |
Bactérie Anaplasma marginale |
Tiques Boophilus et Dermacentor |
N |
Quelques cas |
O |
babésiose (piroplasmose) bovine |
Bovine babesiosis or Texas fever |
Protozoaire Babesia bovis and B. gemina |
Tiques Boophilus |
N |
N |
Quelques cas au sud |
babésiose (piroplasmose) équine |
Equine babesiosis |
Protozoaire Babesia caballi et B. equi |
Tiques Dermacentor spp. et autres |
N |
N |
Quelques cas au sud |
Fièvre catarrhale ovine (FCO) ou fièvre catarrhale du mouton |
Bluetongue disease |
Arbovirus de la FCO |
Moucherons Culicoides |
N |
N |
O |
Virus de Schmallenberg |
Schmallenberg virus |
Orthobunyavirus de Schmallenberg |
Moucherons Culicoides |
N |
N |
N |
Encéphalite équine de l’est |
Eastern equine encephalomyelitis virus (EEE) |
Virus de l’encéphalomyélite équine de l’est |
Moustiques |
O |
Quelques cas |
O |
Encéphalite équine de l’ouest |
Western equine encephalitis (WEE) |
Virus de l’encéphalite équine de l’ouest |
Moustiques |
O |
Quelques cas |
O |
Cowdriose |
Heartwater |
Rickettsie Cowdria spp. |
Tiques Amblyomma |
N |
N |
N |
Peste équine |
African horse sickness |
Arbovirus de la peste équine |
Moucherons Culicoides |
N |
N |
N |
1Université de Guelph-Campus d’Alfred, Centre de recherche en production laitière, Alfred, Ontario.
2Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Unité de recherche Contrôle des maladies animales exotiques et émergentes, Montpellier, France.