Un commentaire revient souvent avec l’augmentation du prix des denrées alimentaires: les producteurs vont faire une bonne année! Et à voir le prix des grandes cultures monter en flèche, on pourrait croire que c’est vrai, mais je crains que ça ne soit un peu simple comme raisonnement.
Voyons un portrait un peu plus global des quatre principaux acteurs de cette crise alimentaire et tentons d’identifier des gagnants et des perdants de cette situation explosive.
Pour commencer, un perdant clair: le consommateur. Les consommateurs verront inévitablement leur coût d’alimentation augmenter. De plus, certains pays sont en état de crise et les risques de ne pas être en mesure de nourrir leur population amène des tensions. L’ONU a même identifié 33 pays où l’ordre civil serait menacé.
Le consommateur en tant qu’individu est perdant, mais des populations et des pays entiers le sont également. Notons que pour l’instant, le consommateur canadien n’a pas subit que très peu d’effet de cette augmentation des prix et que le panier d’épicerie moyen n’a que très peu varié.
Un gagnant clair: l’industrie paragricole, les fournisseurs des producteurs. Tous les producteurs vous le diront: le prix des semences (ainsi que des engrais et pesticides) à beaucoup augmenter. Et il en va de même pour les marges de profit des fabricants de ces produits. Il se vendra beaucoup de tracteur et d’équipement aratoire. Après plusieurs années de vache maigre, les producteurs ont (ou pense avoir) les moyens de dépenser, alors les vendeurs vont faire des affaires d’or.
Un autre grand gagnant: les spéculateurs: je vous le mentionnais dans la dernière édition, les denrées agricoles sont devenues des produits d’investissement et de spéculation et avec la très forte et très rapide hausse prix, il est certain que plusieurs ont fait de très bons investissements.
Les producteurs maintenant. Pour faire une petite analyse de la situation, commençons par séparer les producteurs agricoles en trois groupe: ceux qui font de la grande culture, ceux qui ont des animaux et les « autres ».
Pour les producteurs de grandes cultures, malgré l’augmentation des intrants et du carburant, les prix sont bien meilleurs que les dernières années. La majorité fera donc effectivement une bonne année et sera du côté de ceux que la situation actuelle favorise.
Pour les producteurs qui ont des animaux, l’augmentation du prix des céréales entraînera une hausse significative des frais d’alimentation, qui représente souvent environ 30% des frais de production. Que vous produisiez ou non votre alimentation, lorsque votre principale poste de dépense subit une telle hausse, vous êtes nécessairement du côté des perdants.
Dans la catégorie des autres (n’y voyez surtout rien de négatif à cette catégorie) il s’agit notamment des producteurs maraîchers, des serriculteurs, des apiculteurs, des producteurs de petits fruits, etc’
Il s’agit de tous les producteurs dont le produit n’est pas influencé ou lié au prix des grandes cultures. Je ne suis cependant pas en mesure de dire si la crise alimentaire actuelle les favorisera ou leur nuira, trop de facteurs peuvent encore faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre.
En résumé, les consommateurs, les populations et leur pays sont des perdants et les spéculateurs et l’industrie paragricole semble tirer profit de la situation. Pour ce qui est des producteurs, certains gagnent, d’autres perdent et certains n’en subissent pas encore l’influence.
Chose certaine, la volatilité du marché est inquiétante et seul les meilleurs gestionnaires tireront leur épingle du jeu à long terme.