La ferme Lismore Sheep Farm and Wool Shop est digne de figurer dans un conte d’Andersen’ Il était une fois John, un Écossais pratiquant l’élevage ovin depuis sa tendre enfance. Sans oublier Gillian, une enseignante canadienne en stage dans le pays du tartan. Ajoutez-y un coup de foudre, de la fibre de bâtisseur, une traversée des mers et des provinces canadiennes.
Nous voilà amarrés dans la Sunrise Trail en Nouvelle-Écosse! Les Crawford savent transformer les rêves en réalité. Mais n’en soufflons pas mot; par respect de deux âmes sans prétention.
« Les étudiants en agriculture me demandent souvent par où commencer pour démarrer une entreprise ovine. Ma réponse est simple: trouvez un autre domaine! », avoue un John Crawford à la fois farceur et sérieux.
Qu’on se le dise, la filière ovine est mal en point depuis l’avènement de l’encéphalopathie spongiforme bovine (maladie de la vache folle) et la fermeture des frontières américaines. Alors pourquoi quitter l’Écosse pour s’établir en Ontario, pour déménager ensuite en Nouvelle-Écosse, toujours dans le but d’élever des moutons’
La ligne entre folie et passion est mince? « L’agriculture nous passionne. Depuis le début, nous savons que nous ne pourrions vivre sans elle. C’est pourquoi nous sommes toujours à innover pour pouvoir demeurer propriétaire terrien », expliquent les Crawford. Voilà ce qui a poussé le couple à quitter l’Ontario pour aller s’établir dans une région où le fonds de terre était moins cher.
Mois blancs
La Nouvelle-Écosse possédait un autre attrait aux yeux de John: la similitude littorale avec l’Écosse. Le seul prix à payer: « Les hivers ! Je viens d’un pays où les bêtes restent au pâturage à l’année. ».
Ce type de gestion du troupeau est inconcevable au Canada, constate un M. Crawford qui s’ajuste toujours à la saison blanche.
De plus, à leur départ à fin des années 90, une balle de foin se vendait 50 dollars dans le sud de l’Ontario alors qu’une balle néo-écossaise en valait 8. Aspect non négligeable dans un budget qui inclut des mois où les bêtes passent leurs journées à l’intérieur.
Un mouton à cinq pattes
Déménager oui, mais à quel prix? Le périple trans-provincial des Crawford s’effectue en grand. « Lorsqu’on bâtit un troupeau, il fait en quelque sorte partie de notre famille », dévoile M. Crawford tout en caressant une agnelle Dorset/Finn au pâturage.
Imaginez l’expression des voisins en voyant le convoi qui s’apprêtait à prendre d’assaut le tarmac de l’Est canadien; famille, cheptel et machinerie compris. Ce n’était là que le début de l’aventure.
Le nombre d’agriculteurs dans le Détroit de Northumberland en Nouvelle-Écosse est en chute libre depuis l’arrivée de John et Gillian. Ajoutez à cela une chute des prix de l’agneau, passant de 180 à 60 dollars, et vous obtenez une pilule difficile à avaler. Comment faire pour tirer son épingle du jeu’ Se convertir à la laine; oui, mais encore?
Bâtissez et ils viendront
« L’entreprise est située sur une des routes touristiques les plus achalandées de la Nouvelle-Écosse », fait remarquer le couple néo-écossais. « Un jour, John a installé une affiche publicitaire au bord de la Sunrise Trail », relate Gillian. Quelques heures plus tard, les touristes se sont pointés.
Le point culminant de l’agrotourisme chez Lismore Sheep Farm fut leur implication dans le Sheep Wool Day (journée de la laine de mouton) du village de River John. Pas moins de 1500 visiteurs sont passés à la ferme pour en apprendre davantage sur la tonte des moutons et sur le tricot.
« L’agrotourisme c’est bien, mais ce genre de foule représente beaucoup de gestion en une journée », avoue John le sourire en coin.
Depuis que les Crawford ont cessé de publiciser cette journée, une « petite » foule 450 personnes assiste à la célébration annuelle.
« La clef du succès dans l’agrotourisme se cache dans l’appréciation des acquis », explique M. Crawford.
Pour cet agriculteur, l’emplacement est gage de réussite: « En Ontario, nous étions à un peu plus d’une heure de Toronto. L’agrotourisme fonctionnait à condition d’orchestrer les déplacements des touristes en autobus. »
Trouver des aiguilles dans des bottes de laine
Pendant que Gillian s’occupe d’une boutique offrant tous les produits imaginables de la gent moutonnière, John s’applique à la charpenterie.
« Les gens qui travaillent avec un matière aussi naturelle que la laine apprécient les produits artisanaux », précise une Gillian affairée à répondre aux visiteurs entrant dans la boutique. « Il nous est venu l’idée de confectionner des broches à châles et des aiguilles de bouleau », poursuit l’ancienne institutrice.
Précisons que les clients affectionnent le « clic clic » particulier émis par les aiguilles en bois. Musique inimitable par les aiguilles de plastique ou de bambou fabriquées en Chine.
« De surcroît, l’atelier nous permet de façonner des aiguilles de calibres non conventionnels », ajoute John. C’est ainsi que les aiguilles Lismore se vendent autant en Amérique du Nord qu’en Europe. Avez-vous dit marchés de niche?
L’innovation sur le dos
Audrey la photographe et compagne de voyage, et moi pouvons en témoigner: Le couple Crawford incarne la débrouillardise. Bien sûr, ces bâtisseurs vous répondront que cela va de soit pour vivre de la terre.
Disons seulement que la fibre innovatrice est plus dense chez certains. S’il vous faut le voir pour le croire; sachez que cela en vaut le détour.