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le Mercredi 26 juin 2024 10:30 Fruits et légumes

Ah! Les fraises et les framboises…

C'est enfin le temps de la cueillette de fraises en famille!
C'est enfin le temps de la cueillette de fraises en famille!
Si vous êtes assez vieux pour reconnaître cette chanson des Charlots, vous avez vécu l’époque où cultiver des fraises était un petit plaisir coupable pour les agriculteurs. Malheureusement, les temps ont bien changé et l’agriculteur doit creuser bien creux en lui pour trouver la motivation de continuer.
Ah! Les fraises et les framboises…
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Jacques et Gail Duquette, propriétaires de la Fraisière Duquette Strawberries à Clarence-Creek.

Depuis 29 ans, Jacques et Gail Duquette sont dans les champs de la Fraisière Duquette Strawberries à Clarence-Creek, beau temps, mauvais temps. Plus souvent mauvais temps qu’autrement, d’ailleurs.

Petites fraises, gros pépins 

« Au cours des sept ou huit dernières années, la météo a été très difficile », explique Jacques. « Il n’y a pas eu beaucoup de neige cet hiver et il y a eu beaucoup de pluie ce printemps, ce ne sont pas de bonnes conditions. C’est très décourageant. Vient un point ou les résultats ne sont pas au rendez-vous et comme producteur, on se demande pourquoi on continue! »

Après 32 ans à l’emploi du gouvernement de l’Ontario, Jacques a pris sa retraite il y a cinq ans. « Avant, je travaillais dans les champs les fins de semaine et les soirées. Juste avoir la fraisière aurait été trop risqué financièrement. »

Gail travaillait aussi pour le gouvernement, consacrant son temps libre à la fraisière. « On passe nos vacances ici, avoir une ferme exige beaucoup de sacrifices », souligne l’agricultrice. « Pour nos loisirs, on n’a pas le temps ni d’argent. C’est la passion qui garde la flamme allumée. » En 2000, la fraisière avait remporté le Prix de l’Entreprise coup de cœur à Prescott Russell. 

Relève: mauvaise récolte

On dit qu’au chapitre de la famille, le fruit ne tombe pas loin de l’arbre. Or, il semble que les enfants du couple Duquette font mentir l’adage.

« Nous avons deux garçons qui ne sont pas intéressés à prendre la relève, probablement parce qu’ils ont vu tous les sacrifices que nous avons dû faire depuis leur jeune âge pour faire survivre l’entreprise; beaucoup de travail pour trois semaines de paie par année », croit Jacques. 

Pourtant, ce fier papa estime que de voir le fruit de son travail est gratifiant, d’autant que 99% de sa clientèle est fort agréable. Peut-il alors espérer recruter des jeunes travailleurs de la région?

« La main-d’œuvre locale est un problème », dit-il. « Comme nous sommes des petits producteurs, nous n’avons pas d’aide extérieure.  Aujourd’hui, demander à des jeunes de 14-15 ans de faire un travail physique quand ils n’ont jamais travaillé dans la chaleur, c’est moins drôle. »

Pendant que le couple se désâme à récolter des fraises, les marchés d’alimentation en proposent à petit prix, en provenance de la Californie. Pourtant, cette compétition, Jacques et Gail ne la craignent pas.

L’invasion californienne

Pendant que le couple se désâme à récolter des fraises, les marchés d’alimentation en proposent à petit prix, en provenance de la Californie. Pourtant, cette compétition, Jacques et Gail ne la craignent pas.

« Aux États-Unis, la fraise est cueillie blanche pour mieux résister au transport réfrigéré. Ce sont des gaz qui font tourner la fraise rouge. Ici, nos fraises sont fraîches et beaucoup plus goûteuses. »

Perception que confirme d’ailleurs le Dr. Sylvain Charlebois, directeur principal au Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie: « Il s’agit fondamentalement de produits différents; les baies importées sont cultivées pour supporter le transport sur de longues distances, mûrissant en route vers le Canada, tandis que les baies locales mûries sur le plant offrent la saveur d’un fruit fraîchement cueilli. »

La donne pourrait cependant changer, selon le chercheur: « Driscoll’s, basé en Californie, s’est associé à des agriculteurs du Québec et de la Colombie-Britannique pour cultiver des fraises développées en Californie. Est-ce qu’une fraise développée en Californie peut vraiment devenir une fraise québécoise, même si on la produit chez nous? Est-ce éthiquement tolérable? » 

L’heure de la dernière récolte approche

Âgé de 65 ans, le couple Duquette se donne encore cinq ou six ans encore avant d’accrocher définitivement leur chapeau de paille. Il évalue la valeur de la terre et de ses équipements de ferme à environ un million de dollars, sans compter la maison. 

« Il faut avoir un rêve, parce que l’agriculture est comme les montagnes russes. Quand on se décourage, l’autre conjoint nous remonte le moral », dit Jacques. « Je suis parti de rien. La nouvelle génération peut faire la prochaine étape, qui serait la mécanisation et la modernisation des installations. Gail est prête à prendre sa retraite, mais pas moi! ».